On vous le rappelle, on a décidé à Major-Prépa de revenir chaque jour sur un des aspects des premiers mois de la président Trump tout au long de la semaine. Aujourd’hui, c’est sa politique étrangère que l’on décrypte en profondeur.

Difficile de dégager une ligne directrice cohérente dans l’action de Donald Trump à l’international. Il ne s’en cache pas, la définition d’une politique étrangère n’était pas la priorité du Président, plus préoccupé par l’Amérique elle-même (et sûrement aussi par les scandales dont il fait l’objet). Cela ne l’a cependant pas empêché de s’impliquer sans retenue sur les différents fronts géopolitiques actuels. Retour sur neufs mois de revirements déconcertants et d’étonnantes initiatives militaires.

Une realpolitik à sa sauce

Cultivant une vision hobbesienne des relations diplomatiques, il a décidé en février d’augmenter le budget militaire de 9% (qui représentait déjà 40% des dépenses mondiales dans ce domaine) afin de réaliser une de ses promesses de campagne et d’afficher sa volonté de rompre avec la politique de son prédécesseur. Toute question internationale est traitée à travers le prisme des intérêts américains et la recherche de consensus n’est pas la première préoccupation de l’homme qui ne cesse de déconcerter les experts et les dirigeants étrangers. Si l’imprévisibilitarisme était une doctrine politique, Trump en serait incontestablement le pionnier.

Virage à 180 degrés : adieu la Russie, cap sur la Chine !

Le bond en arrière sur ses relations avec la Chine, le volte-face par rapport à Vladimir Poutine et son ingérence, de front, au Moyen Orient sont les symboles de cette politique étrangère en zigzag.

Après avoir menacé la seconde puissance économique mondiale de taxer fortement ses exportations vers les Etats-Unis, il a finalement opté pour un « dialogue de haut niveau » avec Xi Jinping (le président chinois), s’inscrivant, contre toute attente, dans le sillage de ses prédécesseurs. À peine arrivé à la Maison Blanche, il avait pourtant créé la stupeur à Pékin en acceptant un appel de la présidente taïwanaise, Tsai Ing-Wen. La Chine, qui prône le principe de « Chine unique », considère toujours Taïwan comme une province rebelle, destinée à revenir de gré ou de force dans son giron et avait assimilé geste à une provocation directe. Finalement, le président américain a clôturé la polémique en écartant la possibilité d’une récidive, avant de nouer une « relation personnelle » avec Xi Jinping, dont il dresse souvent un portrait élogieux.

Le surprenant volte-face antirusse

Si Trump a vraisemblablement opté pour un dialogue constructif avec son homologue chinois, on ne peut pas dire que ce soit le cas avec Vladimir Poutine. Au Moyen-Orient, le bombardement d’une base aérienne syrienne ainsi que la destruction d’un drone syrien ont nettement surpris. Le 6 avril, le gouvernement américain avait mené une attaque punitive à coups de missiles sur une base aérienne syrienne pour sanctionner le régime d’El-Assad, responsable présumé du gazage d’un village de civils à la neurotoxine. Cette opération était d’autant moins prévisible que Trump avait toujours répété ne pas vouloir s’engager militairement au nom de principes humanitaires.

Quoiqu’il en soit, ça change clairement la donne, non seulement à l’égard de Damas, mais aussi et surtout vis-à-vis de Moscou, principal allié d’El-Assad. Aux oubliettes donc les propos élogieux et le soutien réciproque entre Poutine et Trump pendant la campagne américaine et place désormais à ce que certains experts qualifient de « nouvelle Guerre Froide ». Et l’interminable feuilleton autour des accusations d’ingérences russes dans la campagnes du candidat républicain ainsi que la poursuite des sanctions américaines contre Moscou à propos du dossier ukrainien ne font qu’envenimer davantage les relations entre les deux anciens « amis ». Il faut tout de même souligner que leur premier face-à-face, au G20, début juillet, s’est avéré plus concluant que prévu, les deux dirigeants affirmant y avoir trouvé une « alchimie positive ». Le divorce s’avère cependant consommé.

Moyen-Orient : le retour en force des États-Unis…

Le Moyen-Orient est incontestablement le principal théâtre de l’action de Donald Trump dans le monde. Contrairement à Obama qui avait été critiqué de « gendarme réticent » pour son « immobilisme de gauche », Trump n’y est pas allé de main morte. L’impressionnant bombardement de la base militaire syrienne (saluée par Hilary Clinton, il faut le souligner) constitue, on l’a dit, un revirement magistral de l’administration Trump. Il marque sans aucun doute le retour en force des Etats-Unis au Moyen-Orient et la confirmation de l’engagement des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme.

La menace djihadiste est l’inquiétude majeure de Donald Trump. Il a d’ailleurs profité de sa tournée officielle dans la région fin mai pour y fédérer ses alliés… contre l’Iran. Répondant naïvement aux velléités de l’Arabie Saoudite, il accuse la République islamique iranienne de financer secrètement l’Etat Islamique (EI), dans le but de l’isoler diplomatiquement des autres pays du Golfe. Ces allégations n’ont pourtant aucun sens dans la mesure où l’Iran est la première puissance chiite du monde et que les djihadistes de Daesh sont sunnites et persécutent sauvagement la communauté chiite. Il est d’ailleurs important de souligner que les soldats iraniens luttent quotidiennement en Irak et en Syrie pour contrer les terroristes de l’EI.

Loin d’être une erreur de débutant, cet amalgame de Trump semble n’être finalement qu’un subterfuge pour mener à bien ses deux grands objectifs au Moyen Orient, à savoir isoler l’Iran et lutter contre le terrorisme. Deux défis pourtant contradictoires : comment éradiquer durablement le terrorisme de la zone en laissant au ban l’Iran, deuxième puissance géopolitique de la région ?

En outre, la visite diplomatique de Donald Trump coïncide étrangement avec la rupture des relations entre les pétromonarchies du Golfe et le Qatar, lui aussi accusé de financer le terrorisme (les Frères Musulmans, cette fois). Coïncidence ? Peu probable. Trump n’a d’ailleurs pas hésité à dénoncer dans la foulée l’attitude du riche émirat, mais de façon confuse et illisible, avant de nuancer ses propos à la vue du chambardement occasionné. Attitude ambiguë encore une fois, quand on sait que le Qatar abrite une base militaire américaine et que les Etats-Unis sont le principal pourvoyeur d’armes du petit pays. Difficile, une fois de plus, de cerner les ambitions du personnage.

La Corée du Nord, menace pour les Etats-Unis

Tendues depuis des années, les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Corée du Nord sont au bord de l’implosion. Pour faire simple : début août, la Corée du Nord s’est retrouvée la cible d’une résolution de l’ONU adoptée à l’unanimité (une fois n’et pas coutume …) par le Conseil de Sécurité en réponse à la multiplication d’essais nucléaires et balistiques nord-coréens. La réponse de Pyongyang ne s’est pas faite attendre, prenant la forme de menaces directes contre les Etats-Unis, à coup de menaces contre l’île de Guam. Au lieu de capitaliser sur vote des Nations Unis et de mettre en avant cette (trop) rare unanimité, Donald Trump a opté pour la confrontation verbale directe, prenant manifestation de court ses propres conseillers. Le survol d’un missile coréen au dessus du Japon n’a fait qu’empirer la situation et relancer cette escalade de menaces, poussant de nombreux chefs d’Etat (dont Macron et Poutine) à appeler à l’apaisement des tensions.

Cette rhétorique contreproductive effraie les voisins de la Corée, à commencer par le Japon et la Russie, et pousse la région vers le réarmement préventif. En s’accrochant à la dénégation d’une Corée du Nord nucléarisée à coup de raccourcis simplistes et en avançant une solution militaire quand tout porte à croire qu’il ne peut y en avoir d’acceptable, Donald Trump semble, de plus, miner sa crédibilité plutôt que de la conforter.

Pour terminer, zoom sur l’Europe

Pour ce qui s’agit du vieux continent, même constat… Alors qu’il qualifiait initialement l’OTAN d’organisation « obsolète », le chef des armées a changé son fusil d’épaule. Lors du sommet de Bruxelles, il a rappelé que les pays de l’Atlantique Nord étaient liés « comme un seul » face au terrorisme, avant de demander aux membres européens de rehausser leur budget militaire à hauteur de 2% de leur PIB. En dépit des décisions controversées à propos de l’environnement ou de l’avortement par exemple, les dirigeants européens ne se voient ni s’attirer les foudres de l’imprévisible personnage, ni se mettre à dos la première puissance mondiale. Entre timide dénonciation des dérives et politique de l’autruche, l’Europe s’est donc résignée à composer avec cette nouvelle donnée.

Seule certitude : son imprévisibilité a de l’avenir

Pendant ces neufs mois, Trump a donc beaucoup surpris. Il s’est attelé à démanteler l’œuvre d’Obama (détente avec Cuba, accord historique sur le nucléaire avec l’Iran, rapprochement avec l’Europe, prise de distance avec B. Netanyahou en raison de son rôle dans la colonisation de la Cisjordanie, réduction du budget de la défense, etc) et à suivre ses intuitions parfois contradictoires. Derniers propos déconcertants, la menace d’une « possible intervention militaire » au Venezuela si la démocratie n’est pas restaurée. Trump a résolument endossé le costume qu’il avait pourtant repoussé avec fermeté durant sa campagne : celui de gendarme du monde.

Pour reprendre les mots de Jacques Hubert-Rodier, éditorialiste des Echos, il apparaît après 9 mois de présidence que « Donald Trump donne l’impression de forcer le monde à jouer à une sorte de roulette russe où la seule chose prévisible est désormais son imprévisibilité ». Roulette russe s’il en est, en tous cas, ça n’a pas l’air de plaire à Poutine…