Jeudi 2 novembre 2017, le président Trump a nommé à la tête de le Réserve fédérale américaine Jerome Powell, annoncé grand favori. Ancien membre du conseil des gouverneurs de la FED très apprécié des Républicains et partisan d’une dérégulation bancaire totale, il devrait malgré tout poursuivre à partir de février 2018 la politique monétaire de son prédécesseur démocrate siégeant depuis 2014, Janet Yellen. Dès lors, quel bilan tirer du dernier mandat de la première femme présidente de la FED et quelles sont les perspectives d’évolution de cette institution ?

Janet Yellen face à son mandat : la fin d’une crise ?

Il faut tout d’abord constater que depuis la crise de 2008, la situation de l’économie s’est améliorée. Dune part, selon les chiffres de la Banque mondiale et du Bureau of Labor Statistics, la croissance, poussée par une forte consommation, a retrouvé un niveau satisfaisant : 1,5% en termes réels en 2016 et même 3% en ce deuxième trimestre 2017. Ce qui, si on se réfère notamment à la relation linéaire d’Arthur D’OKUN (1962) décroissante entre taux de chômage et taux de croissance, devrait également avoir permis une baisse durable du chômage. Et effectivement, on en observe bien une à moins de 5% de la population active selon les chiffres OIT en 2017. Dans tous les cas, l’économie américaine va donc mieux.

Résultat de recherche d'images pour "taux de chomage etats unis"

D’autre part, on peut voir que d’après l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), contrairement à la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale américaine a arrêté sa politique de taux bas et d’injection massive de liquidités depuis 2016. On observe donc bien une montée des taux directeurs à long terme qui s’élèvent aujourd’hui à 1,5% pour les Etats-Unis contre un niveau de presque 0% en Europe.

Résultat de recherche d'images pour "évolution taux directeur fed"

Néanmoins, est-ce un signe que l’économie américaine fonctionne bien ? A priori oui, si les taux augmentent en parallèle d’une forte croissance, c’est que les marchés monétaires deviennent plus attractifs et que les titres sont plus rémunérateurs. Néanmoins, une montée des taux n’est pas toujours synonyme d’une économie qui se stabilise. Dans le cas des Etats-Unis, cette dynamique peut donc nous faire entrevoir le risque d’explosion d’une bulle (voir infra).

Jerome Powell à la FED, un choix politique de raison ?

D’un point de vue purement politique, cette désignation semble être un bon coup. Ancien membre du conseil des gouverneurs, et donc nommé par Barack Obama, Jerome Powell est très apprécié du parti des Républicains. Juriste de formation, ancien banquier d’affaires du groupe de gestion d’actifs Carlyle, et partisan du principe d’indépendance de la Banque centrale américaine, il a tout pour plaire sur l’ensemble de l’échiquier politique. Cela d’autant plus qu’il a salué la politique de taux bas de Janet Yellen au début de son mandat et devrait poursuivre la remontée progressive des taux américains tout comme celle de l’amoindrissement du bilan de l’institution à plus de 4000 milliards de dollars dans les prochaines années. Néanmoins, son penchant libéral est très affirmé.

Partisan d’une dérégulation du système bancaire, il a déclaré que l’économie américaine ne serait plus victime d’un phénomène de « too big to fail » des institutions bancaires américaines, tout en nuançant sur le fait qu’une régulation bancaire soit en partie nécessaire. Ainsi, le futur gouverneur approuve donc certaines règles spécifiques du Dodd Franck Act de 2010 qui doit permettre de renforcer la sécurité du système financier américain. On peut citer par exemple la procédure de liquidation judiciaire, l’Orderly Liquidation Authority, appliquée à plus d’entreprises, dont les banques, les assurances et d’autres institutions financières. En effet, en cas d’une mise en liquidation avant la crise de 2008, par les mécanismes de SWAP et autres techniques financières, on pouvait très rapidement vendre des titres d’une entreprise à des prix largement en dessous des prix de marché et qui, de ce fait, nuisent à l’entité en faillite ainsi qu’à l’ensemble du marché financier. Ce qui est plus facilement évité aujourd’hui.

Néanmoins, selon Powell, de nombreuses mesures sont inutiles et ne permettent pas au marché de fonctionner correctement. Et c’est sur ce point que l’on peut s’interroger. Car les mesures déjà prises ne sont pas forcément très restrictives. Par exemple, on peut prendre le cas des deux ratios de Bale III (2010) et en particulier le LCR (Liquidity Coverage Ratio) mis en place par le Financial Stability Board et le G20 qui impose aux banques :

Encours d’actifs liquides de haute qualité/sortie nette de trésorerie dans les 30 jours suivants>100%

Ici, le numérateur a certes son importance, mais les banques doivent s’assurer de fonds très sûrs de toutes façons, donc ce sont les sorties nettes de trésorerie qui présentent plus de problèmes. L’établissement de crédit va en effet pouvoir faire baisser artificiellement ses sorties nettes de trésorerie afin de faire passer le ratio au-delà des 100%. En matière de régulation, il y a donc encore beaucoup à faire et ce n’est sûrement pas notre cher ami Powell qui va y remédier. Notons tout de même que la FED n’est pas la seule à prendre ce type de décisions, c’est aussi une affaire d’autres institutions et du gouvernement.

« L’inflation, c’est comme la pâte de dentifrice. Une fois qu’elle est sortie du tube, il est impossible de l’y faire rentrer », 1980, Karl Otto Pöhl, ancien président de la Bundesbank.

Pour bien comprendre ce que la FED va faire dans les prochains mois, il faut tout d’abord s’attarder sur ses objectifs qui sont au nombre de deux :

  1. maintenir son inflation à un niveau stable
  2. maximiser la croissance.

Contrairement à la BCE, il faut donc également assurer ce deuxième point, ce qui oblige la FED à réaliser un arbitrage conformément au modèle de Phillips pour ne pas voir son inflation grimper en flèche inutilement.

Néanmoins, elle n’hésite pas, conformément au modèle de Friedman-Lucas, à jouer sur les anticipations des agents économiques. En effet, elle peut jouer par ce qu’on appelle un « effet de surprise ». Si par exemple, la FED annonce un taux d’inflation de 2%, les salariés vont réclamer une hausse de salaire équivalente. Or, ils ne seront pas au courant du vrai salaire réel (w/p) malgré cette annonce de la Banque centrale. La Banque centrale pourra alors « piéger » les agents en augmentant au dernier moment son taux d’inflation, ce qui fera augmenter artificiellement la richesse réelle de l’employeur qu’il pourra donc réutiliser dans sa création d’emploi et son investissement, bénéfiques à la croissance.

Le problème, on le voit arriver, c’est que ces déclarations de la FED sont exagérées et les agents commencent donc bien à anticiper le petit jeu de la Réserve fédérale. Les agents donc adaptent leurs anticipations, et négocient à la hausse leur salaire (prévision de 5% de hausse de salaires compte tenu du niveau de l’inflation pour 2018), ce qui fait craindre un choc inflationniste sans précédent si les Etats-Unis veulent continuer à maximiser leur croissance. Pour assurer et restaurer sa crédibilité, la Banque Centrale américaine et Jerome Powell ont donc logiquement intérêt à décider de poursuivre leur amoindrissement de bilan et une progressive hausse des taux d’intérêt (ou autrement dit, une restriction du crédit).

La menace d’une bulle spéculative

En fait, on peut même aller jusqu’à dire que les prévisions ne sont pas aussi roses qu’elles paraissent. D’après les dernières déclarations de J. Yellen, « les prix des actions sont à des niveaux historiques élevés ». Le cours actuel du Dow Jones dépasse largement celui de 2008 et on peut d’ailleurs très bien le voir d’après ce graphique tiré de finance.yahoo.com :

On peut même aller plus loin ! Si on compare la capitalisation boursière du S&P500 (un autre indice boursier) au PIB américain, on constate que les titres qui s’échangent, en plus d’être surévalués, sont échangés au même prix qu’en 1999, juste avant l’éclatement de la bulle internet. Pour cette raison, on peut donc comprendre que la FED durcisse son accès au crédit en augmentant les taux directeurs pour éviter que les entreprises s’endettent à taux bas sur le marché monétaire pour investir dans des classes d’actifs beaucoup plus risqués. Les prix des actions seraient alors beaucoup plus élevés que leur valeur fondamentale (voir définition de la valeur fondamentale pour mieux comprendre). D’où la création d’une bulle pour ces actions surévaluées.

Néanmoins, cette remontée des taux a aussi pour risque de faire exploser la bulle actuelle. En effet, les marchés monétaires devenant beaucoup plus attractifs, les agents vont vendre leurs titres pour se réfugier vers des actifs plus sûrs, ce qui a pour risque de faire éclater la bulle actuelle. C’est exactement ce qui s’est passé lors du krach de 1987 aux Etats-Unis lorsque le Dow Jones a perdu 22,6% le 19 octobre de cette même année. La poursuite de la remontée des taux, ainsi que la baisse du bilan de la FED de 4000 milliards de dollars doivent donc être extrêmement maîtrisées.

Le point Bitcoin

Pour finir, que penser de cette menace de bulle spéculative par rapport au Bitcoin, cette fameuse monnaie virtuelle, qui fait sûrement l’objet de beaucoup de discussions entre vous ? Selon Janet Yellen, lors de sa dernière conférence en tant que dirigeante de la FED, le Bitcoin est une monnaie à caractère extrêmement spéculatif. Néanmoins, il ne constitue pas une source de paiement viable à long terme et n’aurait aucune influence sur la fiabilité et la solidité du système financier. Mais certaines personnes vont assurément perdre beaucoup d’argent.

Si vous voulez en savoir plus sur cette monnaie virtuelle : https://major-prepa.com/

Sacré Bitcoin.

Révise efficacement ton ESH avec nos autres articles 🙂