Politique et rhétorique : deux notions intrinsèquement liées depuis l’Antiquité

Athènes et Rome nous ont tout appris en particulier en matière d’art oratoire. Rome découvre en 155 avant JC la « rhétorique », une véritable science de la parole. L’enseignement donne alors un rôle central à l’éloquence. La rhétorique sera donc la filière généraliste de l’éducation antique. En effet, bien parler promet déjà à un bel avenir notamment en politique. Rassembler le peuple en temps de guerre, le convaincre de nous faire confiance, parfois même le manipuler ; voilà de quoi sont capables les mots. Une puissance inscrite dans un art qui a traversé les époques, de Cicéron à Bonaparte, de Bonaparte à Jean Jaurès, de Jean Jaurès à Churchill, De Gaulle, Mandela, Obama et on en passe. « Je vous ai compris », « Ich bin ein Berliner », « I have a dream », « Yes we can », ces slogans poignants transcendent les âges et touchent chaque génération d’une façon ou d’une autre. Dans cet article, je vous propose de dénicher les petits secrets de «la force de la parole » à travers les discours politiques de nos jours, autour de références variées qui feront de ta copie une copie de « culture générale ».

« Bien choisir les moments où l’on parle … et ceux où l’on se tait », pour Jean-Louis Missika le silence est aussi porteur de message. Le sociologue des médias préconise l’authenticité dans la communication moderne. Il explique que le discours s’est diversifié. Si à l’Assemblé un homme politique se doit de convaincre des opposants, lorsqu’il s’adresse à ses militants le but n’est pas le même : il s’agit de créer une communauté solide partageant les mêmes convictions. Il ajoute que la recherche rapide de notoriété et la stratégie que suppose cet objectif, à savoir se montrer outrancier et la violent verbalement afin d’interpeler le public est une véritable erreur. En effet, le personnage risque de perdre en crédibilité puisque cette dernière se construit sur du long terme, après maintes prises de parole cohérentes. Un qui semble l’avoir bien compris c’est Barack Obama, véritable allégorie vivante du rêve Américain. Doté d’un charisme remarquable, le premier Président noir des Etats-Unis a, tout au long de sa campagne présidentielle de 2008, usé du storytelling. Il s’agit de cet art qui consiste à raconter des histoires qui nous prennent les tripes, agitent tous nos sens, et semblent nous rapprocher quelque part du narrateur devenu presque familier. Barack Obama séduit, Barack Obama émeut, Barack Obama inspire confiance. Mais il n’est pas le seul ! Avec des techniques diamétralement opposées, l’ex leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen a conquis de nombreux Français. Il maîtrise ses apparitions sur scène tel un show man devant une foule animée, en tant qu’inventeur du « stand up politique ». Ce personnage a toujours refusé l’aide d’un communiquant, il sait quels mots il veut utiliser, comment et pourquoi. Selon lui personne ne peut le faire à sa place. C’est avec conviction, violence et ironie qu’il construit ses discours débutants souvent par le diagnostic d’une France mal en point, il cite alors les responsables puis les solutions que peuvent apporter son parti et conclut par un appel au peuple.

La politique est-elle devenue un spectacle ?

Quand on demande à Jean-Louis Debré auteur de « Françaises, Français », quels discours ont marqué la Vème République (L’Archipel,2013), voilà ce qu’il répond : « il n’y a pas de grand discours sans un thème fort et une vraie conviction ». Il ajoute qu’« aujourd’hui, malheureusement, la politique est devenue trop souvent un métier du spectacle. La singularité des attitudes a remplacé celle des mots ». On comprend alors que la force de la parole passe parfois moins par la plume que par celui qui l’incarne. Jean-Luc Mélenchon risquerait de contrer ces propos. En tant qu’ex professeur de français il consacre beaucoup de temps à trouver le mot juste en explorant sa racine latine et toutes les subtilités qu’il contient. « Le mot c’est un petit programme » explique l’expert en rhétorique. La parole est pour lui un moyen d’éduquer, de réveiller les consciences et de frapper l’ennemi confie Michel Revol dans un article consacré à cet homme politique.

Le discours politique en pleine mutation

Outre le discours en lui-même, le contexte dans lequel il s’insère semble être plutôt décisif. Philippe J. Maarek auteur de « Communication et marketing de l’homme politique » trouve que le discours politique est devenu plus fragile puisqu’il est sans cesse confronté à Internet et aux réseaux sociaux. Le monde dans lequel nous vivons accélère la rapidité de diffusion de l’information, la transforme parfois, l’amplifie et lui donne un sens qui n’était pas le sien. Jean-Louis Missika évoque le « casse-toi pauvre con ! » lancé par Nicolas Sarkozy au salon de l’agriculture en 2008, qui selon lui serait passé inaperçu il y a quinze ans. Or, modernité oblige, le web s’est empressé de créer toute une polémique. Il arrive aussi qu’un buzz médiatique jour en faveur des hommes politiques comme l’illustre la vidéo Youtube du 2 février 2008 dans laquelle le chanteur Will.I.Am reprend le «  yes we can » d’ Obama et contribue ainsi à sa notoriété. Nous vivons dans une véritable « jungle de la communication où tout est à craindre », explique Thierry Saussez le « coach » de nombreux hommes politiques de droite. Ce dernier joue un rôle fondamental pour les politiciens qui l’emploient puisqu’il retravaille les discours politiques afin de capter l’attention du public dès le début puis de marquer les esprits jusqu’aux ultimes mots. Thierry Saussez, également fondateur de l’agence Image et Stratégie, remarque que l’homme politique n’a pas le droit à l’erreur, tout est parfaitement travaillé : du rythme de son discours à sa gestuelle en passant par son regard, sans oublier sa posture. Le communiquant serait alors le metteur en scène d’une éternelle pièce de théâtre que l’on appelle la politique.