Nous avons vu précédément ce en quoi consiste la Renaissance, ainsi que mis en avant certaines de ces caractéristiques à travers une oeuvre de Léonard de Vinci. Penchons-nous à présent sur une nouvelle oeuvre. Commandée par Laurent de Médicis, cette oeuvre est emblématique des caractéristiques majeures de la renaissance picturale; aujourd’hui, on peut l’admirer à Florence.


Une oeuvre témoignant d’un retour à la philosophie antique

Au Moyen-Âge, la femme était représentée chétive, avec un corps décharné, afin de susciter la compassion. Cependant, avec le retour à des philosophies antiques, cela n’est plus le cas à la Renaissance, comme en témoigne la Vénus de Botticelli. En effet, de telles représentations étaient liées au fait qu’au Moyen-Âge, la privation alimentaire était de rigueur, et en accord avec les moeurs spirituelles. A présent, la femme doit être belle, jeune et bien en chair pour être perçue comme féconde. Dans ce tableau, Vénus est ainsi représentée dans une innocente nudité et pulpeuse. On soulignera que la ré-érotisation des corps dans les oeuvres de la Renaissance est due à un contraste avec la maigreur des corps qui, dans les représentations datant du Moyen-Âge, les rendaient moins désirables. Dans ce tableau, la morphologie de Vénus délivre une impression de santé et de fraîcheur, ce qui la rend désirable. Elle se situe debout sur une coquille saint-jacques : en Grèce, cette dernière symbolise le mariage et la fécondité, dans la mesure où elle s’apparente au sexe féminin. On observe également une pluie de roses. La rose est le symbole de la beauté éphémère et la fleur d’Aphrodite, rappelant le mythe d’Adonis. Ces roses sont roses or, le rose est le mélange du rouge et du blanc, soit une union de contraire qui donne au symbolisme de l’amour une dimension à la fois charnelle et spirituelle. Dans cette composition, Vénus elle-même incarne ce mariage entre amour charnel et spirituel. Elle apparaît comme une divinité prude, tout en inspirant une certaine sensualité.


La référence à des mythes antiques

Cette pratique est un moyen de justifier les représentations érotiques auprès des dévots. Ici on retrouve dieux et déesses dans le célèbre épisode de la naissance de Vénus, déesse de l’amour et de la beauté chez les Romains, Aphrodite chez les Grecs. Vénus, fille de la mer et du ciel est née de l’écume des vagues et arrive sur un coquillage. Elle est poussée sur le rivage grâce au souffle de Zéphyr et Aura, dieux du vent (à gauche de la composition). A droite, une des trois Grâces l’accueille avec un habit. Notons qu’à l’époque beauté morale et physique sont corrélées dans les esprits. Ce lien peut être symbolisé par les cheveux. Lorsqu’ils sont détachés, les cheveux longs sont signe de provocation sensuelle et ici, il sont de couleur solaire, ce qui  est signe de force psychique. Sa peau est représentée fine, claire, nacrée. Son apparition semble légère : cheveux au vent, fleurs volantes… Sa chevelure cache son sexe – en tant qu’humains, il nous est interdit de le regarder, en témoigne le sort d’Erymanthos devenu aveugle après l’avoir vue nue au bain – et elle semble maladroitement cacher sa poitrine par pudeur. Toutefois cette pudeur n’est peut-être que feinte. En effet, bien qu’elle ne regarde pas le spectateur de façon provocante, son attitude suggère un certain érotisme, et en cachant l’interdit, elle attire paradoxalement le regard dessus. Le fait que sa jambe soit légèrement fléchie fait ressortir sa hanche et donc la sensualité de ses courbes. Cette même position rappelle l’idéal d’esthétique grec : on pourra penser, par exemple, à la Vénus de Cnide de Praxilète !


Décalages avec l’Antiquité : la nature comme modèle

Dans la mesure où les critères de beauté évoluent au cours du XVIe siècle, il existe un abîme entre les artistes préférant la femme idéale et ceux qui comme Rubens s’intéresse à la femme réelle. Botticelli est particulièrement proche des canons antiques car, comme Poussin ou Raphaël, il fait partie de ceux qui préfèrent les « rêves de pierre », les corps-statues. Toutefois, ce n’était pas le cas de tous les artistes de l’époque. Sans doute Rubens est-il plus proche des canons de la Renaissance, car si les Grecs étaient prêts à modifier la réalité au profit de l’esthétisme dans leurs oeuvres, à la Renaissance, il est de bon goût d’imiter la nature telle qu’elle s’offre à nos yeux (comme il était d’usage de le faire à l’époque romaine). En effet, beaucoup considèrent à l’époque que «toutes les choses que produit la Nature sont réglées par la loi de l’harmonie et son principal souci est que tout soit parfait » (Traité d’Architecture, Alberti 1485) et font du corps humain la mesure à partir de laquelle tout peut être construit. Or, la Vénus de Botticelli n’est pas réaliste si l’on remarque son cou trop long, ses épaules effacées… Ainsi, Botticelli n’a pas suivi les principes de Lysippe – pour qui le corps devait faire huit têtes – puisque sa Vénus fait sept têtes, et donc elle ne correspond pas à l’idéal esthétique grecD’autres anomalies sont présentes dans la composition, en particulier l’endroit où Vénus se tient debout sur le coquillage. Vénus devrait avoir ses pieds sur la partie claire du coquillage, et non celle sombre du dessous ! Ces anomalies ne sont cependant pas des défauts et on peut leur donner un sens. Elles prouvent que la déesse parvient à fasciner et faire naître la beauté malgré des imperfections que l’on ne remarque plus.

On retiendra donc que :

  • L’oeuvre témoigne d’un retour aux philosophies antiques qui s’opère à la Renaissance : mise en avant de la nudité, réérotisation du corps féminin représenté plus en chair ; elle fait par ailleurs référence à des mythes antiques, la naissance de Vénus, mais aussi le mythe d’Adonis…
  • Dans cette composition, Vénus incarne à la fois l’amour charnel et l’amour spirituel.
  • Cette harmonie entre amour spirituel et charnel s’observe tout au long de la Renaissance.