eco droit essec 2016

Dernier exercice d’une épreuve d’Eco-droit très éprouvante, la veille juridique est souvent bâclée, voire délaissée par bon nombres de candidats. Pourtant, pour tous ceux qui souhaiteraient décrocher une bonne note à cette épreuve, il est indispensable de ne pas la négliger. Et face au manque évident de marge de manœuvre en matière de temps auquel vous allez faire face durant l’épreuve, il est nécessaire de s’exercer sur plusieurs sujets possibles afin de gagner en rapidité pour l’analyse, la construction du plan et la mobilisation de faits juridiques pertinents. L’idéal est d’être capable de produire un bref développement plutôt bien structuré et argumenté en 30 minutes, afin de pouvoir respecter les délais préconisés par le sujet (2h30 pour l’économie, 1h30 pour le droit, ce qui correspond environ à 1h30 pour la synthèse de documents, 1h pour la question de réflexion argumentée, 1h pour les cas pratiques et 30 minutes pout la veille juridique). Faire pas mal de sujets est encore plus rentable en ce qui concerne la veille juridique que cela peut l’être pour la question de réflexion argumentée en économie par exemple car les possibilités de sujets sont, au final, toujours assez limitées, ce qui fait qu’il y aura presque à coup sûr au moins un sujet sur les 3 épreuves qui ressemblera plus ou moins à un que vous aurez déjà traité. Si tel est le cas, vous aurez alors encore plus de temps pour produire un développement plus long ou vous dégager un peu plus de temps pour les trois autres exercices.

Dans l’ensemble, le thème de cette année semble pouvoir donner lieu à trois types de sujets différents. Dans un premier temps, des sujets plutôt d’ordre général, c’est-à-dire qui ne se focaliserait sur aucune obligation en particulière ni un acteur du marché. Ensuite viendrait des sujets qui eux, justement, se focaliseraient sur un acteur en particulier ou des obligations dans une branche particulière du droit. Il suffit alors de remplacer dans les sujets que l’on vous propose « acteurs du marché » par un acteur en particulier, que ce soit les concurrents, les fournisseurs, les consommateurs ou les salariés sur le marché du travail. Enfin, il est également envisageable qu’un sujet concerne directement un évènement juridique phare de l’année et y face plus ou moins explicitement référence (cf le sujet 5).

L’évolution des obligations de l’entreprise envers les autres acteurs du marché

On ne peut pas faire plus simple comme sujet, mais parfois ceux proposés sont presque vulgairement le thème de l’année (« Entreprendre, une liberté sans limite ? » en Ecricome en 2016 pour le thème sur la liberté d’entreprendre par exemple). Sur le thème de cette année, aller au plus simple consiste à se demander si juridiquement, l’entreprise à plus ou moins d’obligations envers les autres acteurs.

Il pourrait alors être pertinent dans vos fiches de distinguer les faits juridiques qui font que l’entreprise a de plus en plus d’obligations de ceux qui traduisent un assouplissement de la loi. On peut notamment distinguer différentes branches du droit où ces obligations se sont atténuées tandis que dans d’autres, le droit est devenu plus sévère.

Par exemple, en ce qui concerne le droit du travail, les ordonnances du 22 septembre 2017 du président Macron visant à réformer le code du travail ont clairement pour but de faire peser moins d’obligations sur l’entreprise lorsqu’il y a rupture du contrat de travail, donc lorsque le salarié se retrouve à nouveau sur le marché du travail. L’ordonnance n°3 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, en instaurant un plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a pour but de permettre aux entreprises de calculer plus précisément le coût éventuel d’un licenciement, incertitude que l’on considère comme un frein à l’embauche. Le droit du travail s’assouplie donc pour permettre plus de flexibilité sur le marché du travail et inciter à l’embauche.

A l’inverse, vous pouvez citer un arrêt de la cour de Cassation qui démontrerai qu’en ce qui concerne le droit de la consommation ou le droit de la concurrence, le droit est devenu plus sévère pour défendre un acteur considéré comme plus faible face à des grandes entreprises en cas de litige, ou pour assurer le bon fonctionnement des marchés. L’arrêt du 1er mars 2017 de la chambre commerciale de la cour de Cassation illustre parfaitement cela en démontrant que la pratique commerciale trompeuse porte à la fois préjudice au consommateur, où l’entreprise ne respecte pas son obligation d’information, mais également aux concurrents, car cela relève de la concurrence déloyale.

Pourquoi l’entreprise a-t-elle des obligations envers les autres acteurs du marché ?

Autre façon d’aborder le thème de l’année de façon à la fois simple et général, c’est de demander pourquoi on vous a proposé ce thème pour votre veille juridique. Cela peut sembler assez bête mais l’ESSEC l’a déjà fait plusieurs fois, la dernière étant en 2016 avec le sujet « Pourquoi est-il nécessaire d’encadrer juridiquement la liberté d’entreprendre ? ». Et dans le cadre du thème de cette année, se demander pourquoi le droit doit impérativement contraindre l’entreprise à se plier à certaines règles dans sa relation avec les autres acteurs du marché.

La réponse la plus évidente est tout simplement d’éviter les abus, et on peut alors très bien construire un plan autour des différentes obligations qui ont pour but d’éviter tels abus avec certaines branches du droit en particulier. L’objectif principal d’une entreprise étant de faire du profit, cela peut la conduire à mettre en place des pratiques qui nuisent aux autres et à l’intérêt général. C’est tout le principe du droit de la concurrence qui prouve que sans l’intervention de l’Etat, le marché n’est pas efficace car il ne peut conduire à une situation de concurrence pure et parfaite. Vous avez sûrement entendu parler de la promotion d’Intermarché sur le Nutella fin Janvier 2018. Quelques jours après seulement, la DCGCRF ouvrait une enquête, soupçonnant le groupe Intermarché d’avoir pratiqué de la revente à perte, causant ainsi un trouble anormal de la concurrence puisque les consommateurs se sont rués dans les magasins pour profiter de cette promotion.

De même, le droit de la consommation a vu le jour car les consommateurs sont considérés comme vulnérables dans certaines situations, incapables de déjouer ou faire face aux techniques de vente mises en œuvre par les entreprises pour vendre toujours plus. En ce sens, cet arrêt de la chambre criminelle de la cour de Cassation du 11 Juillet 2017 démontre que le fait de proposer des promotions intemporelles tout en les présentant au consommateur comme limitées relève d’une pratique commerciale trompeuse pour l’inciter à acheter puisque ce dernier pense que s’il hésite, la promotion va disparaître, d’où la nécessité d’obligations pour protéger le consommateur.

L’absence de contrat avec un acteur implique-t-elle l’absence d’obligations ?

Pour bien traiter ce sujet, il faut bien se rappeler les obligations peuvent effectivement découler d’un contrat. L’entreprise a donc des obligations envers son fournisseur qu’elle doit payer et réceptionner le produit acheté, ses clients où, cette fois-ci, les obligations du vendeur pèsent sur elle, et les salariés avec le contrat de travail.

Surtout, le contrat n’est pas la seule source d’obligation pour une entreprise : sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, la concurrence déloyale impose bel et bien certaines contraintes à l’entreprise envers ses concurrents pour assurer le bon fonctionnement du marché sans qu’il n’y ait aucun contrat. De même, le cas des produits défectueux permet à un consommateur d’attaquer une entreprise même s’il n’y a aucun contrat entre les deux parties. Un arrêt mettant en évidence que le droit de la concurrence soumet l’entreprise à des obligations envers ses concurrents sans aucun contrat serait donc le bienvenu. L’arrêt du 8 juin 2017 de la chambre commerciale de la cour de Cassation prouve par exemple qu’une entreprise en situation de quasi-monopole sur un marché qui dénonce les pratiques d’un concurrent dans le but de l’évincer du marché est une pratique de dénigrement qui constitue un abus de position dominante, même si les accusations sont bien fondées et véridiques.

Dans le cas de la concurrence, les entreprises ne sont pas censées contracter entre elles. Mais on peut également constater qu’il peut y avoir des obligations pour une entreprise envers un acteur avant même qu’il y ait conclusion du contrat. Ainsi, sur le marché du travail, donc avant que le contrat de travail soit conclu, l’entreprise a pour obligation de ne pas mettre en œuvre des pratiques discriminatoires dans son processus de recrutement. Ainsi, la loi Egalité et Citoyenneté paru au journal officiel le 28 Janvier 2017 oblige les entreprises à la formation des personnes chargées du recrutement à la non-discrimination et la prise en compte de la diversité dans les entreprises. Sans qu’il n’y ait encore quelconque contrat entre l’entreprise et les personnes qui postule pour le poste, celle-ci a donc des obligations à respecter.

Les obligations envers les autres acteurs du marché peuvent-elles être bénéfiques pour l’entreprise ?

Ce sujet est intéressant car on peut avoir tendance à considérer qu’une obligation est une contrainte pour l’entreprise, que cela lui fixe des règles qui l’empêche de mener son affaire comme elle le souhaiterait. Or, il ne faut pas oublier qu’elle profite elle-même de ces règles. Le cas le plus évident est celui du droit de la concurrence. Certes, c’est une contrainte pour elle d’en respecter les règles. Mais cela lui permet également de ne pas subir elle-même de troubles de la concurrence et de concurrences déloyales qui pourraient lui porter préjudice.

La loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, paru au JO le 28 Mars 2017, apporte également un exemple qui démontre qu’une obligation ne peut concerner qu’un certain type d’entreprise et ainsi bénéficier aux autres. Cette dernière instaure l’obligation pour les grandes entreprises (+ de 5000 salariés) de mettre en place un plan de vigilance pour éviter les catastrophes humaines et environnementales, s’assurer que les droits humains sont respectés et qu’il n’y ait pas de corruption, que ce soit sur leurs sites de production ou ceux de leurs clients ou fournisseurs.

Moins d’obligations sur l’entreprise pour plus d’emplois ?

Ce dernier sujet ne fait pas juste référence au fameux slogan « plus de flexibilité pour plus d’emplois », mais si c’est en grande partie de ça dont il est question. Le sujet demande effectivement de s’intéresser particulièrement à un évènement juridique marquant de la deuxième partie de l’année 2017, les ordonnances de la loi travail du 22 septembre 2017 pour réformer le code du travail. L’objectif avoué du gouvernement avec ces réformes est de faire peser moins d’obligations sur les entreprises, notamment lors de la rupture du contrat de travail, afin de flexibiliser le marché du travail et inciter les entreprises à plus embaucher.

On pourrait alors citer l’ordonnance numéro 3 déjà mentionnée ci-dessus mais également celle visant l’extension du CDI de chantier (contrat prenant fin seulement lorsque le chantier prend fin, et donc qui ne comporte pas de dates précises) à d’autres secteur d’activité que celui du BTP ce qui permet aux entreprises d’éviter le recours au CDD qui oblige de préciser une date de fin du contrat et de verser des indemnités de précarité lors de la fin du contrat.

Mais il serait également pertinent de préciser que moins d’obligations ne peut favoriser la création d’emploi que lorsque cela concerne le droit du travail. Dans d’autres cas, cela ne peut conduire qu’à des abus, notamment en ce qui concerne la concurrence et les consommateurs.