Après avoir interviewé le Directeur Général de KEDGE BS (lire ici), nous avons récidivé avec Jean-Guy Bernard, Directeur Général de l’EM Normandie. Plus discrète dans les classements, la très ancienne école normande, fondée en 1871, ne cesse d’innover pour se faire une place dans le paysage des grandes écoles de commerce françaises.

L’EM Normandie se trouve en 24ème position (ex-aequo avec l’ESC Pau) du classement des écoles de commerce établi par Challenges qui déplore que l’école ne soit  « ni très puissante, ni très sélective, ni très internationale, ni très bonne en insertion. » Que pensez-vous de ce constat fort sévère ?

Je pense comme vous que c’est une appréciation plus que sévère et que, outre notre position incompréhensible dans le classement, ce commentaire totalement inapproprié pourrait s’assimiler à un vrai règlement de compte. Je ne comprends d’autant pas ce parti pris de Challenges alors que l’école progresse dans tous les autres classements : 18ème des écoles post prépa du Figaro et 19ème dans le récent classement du Point avec un gain de 3 places par rapport à l’an dernier. Ce classement n’est pas du tout en adéquation avec le score moyen de tous nos classements depuis 2 ans. J’ajoute que nous avons demandé, et nous sommes toujours dans l’attente de l’obtenir, un rendez-vous avec la rédaction de Challenges pour échanger sur ce sujet qui a suscité le mécontentement et des réactions d’autres écoles ainsi que sur les médias et réseaux sociaux comme vous avez pu le constater vous-même.

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L’EM Normandie fait cette année son entrée dans le classement du Financial Times avec une séduisante 69ème place, ce qui tranche avec le constat sévère de Challenges. Selon vous, dans quels domaines l’école a-t-elle progressé pour être ainsi plébiscitée ?

Notre entrée dans le classement des 80 meilleurs masters internationaux du Financial Times confirme la qualité de notre stratégie. Dans ce palmarès, l’école s’est distinguée plus particulièrement sur deux critères : l’expérience et la mobilité internationale des étudiants où elle occupe respectivement la 11ème et la 36ème position. L’obligation d’étudier au minimum un semestre à l’étranger et d’y réaliser un stage est un facteur déterminant qui a contribué à l’obtention de ce score. Cette performance, qui témoigne de la forte ouverture internationale de l’école, s’accompagne d’un autre point important : huit diplômés sur dix (81%) déclarent avoir atteint leurs objectifs de carrière à trois ans, un taux de satisfaction particulièrement élevé dans le contexte économique actuel.

En 2014, vous avez obtenu l’accréditation AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business). Concrètement, cela va-t-il permettre de rendre l’EM Normandie plus attractive pour les préparationnaires ?

Certainement oui. Les préparationnaires sont bien au fait de l’importance des accréditations internationales qui apprécient véritablement la qualité des écoles. Détenir la double accréditation AACSB et EPAS est un avantage. Si l’on regarde les classements, quasiment toutes les écoles du TOP 20 sont titulaires d’une double accréditation EQUIS ou EPAS et AACSB. Le travail fourni pour les décrocher est important et nous avons obtenu pour les deux la durée maximale de 5 ans, ce n’est pas un hasard, mais bien le fruit d’efforts conséquents.

70 places d’ouvertes au concours BCE en 2016, c’est peu ! Quelles sont pour vous les perspectives à terme ? Souhaitez-vous augmenter la proportion d’étudiants issus des classes préparatoires ? Comment les séduire ?

Tout est relatif. Nous voulons rester prudents quant au nombre de places ouvertes au concours BCE car, comme vous le savez, un certain nombre de grosses écoles augmentent les leurs et « absorbent » une grande partie du marché.

Nous n’avons pas la prétention de recruter des centaines de préparationnaires chaque année. Ceux qui choisissent l’EM Normandie font le choix d’une plus « petite » école, certes, mais en pleine progression et avec un plan stratégique qui passe par plus d’international, le développement de nos campus à Paris, Oxford, Caen et Le Havre, l’essor de l’alternance, une filière qui mène directement à l’emploi, des spécialisations pointues dans des domaines en lien avec les atouts de notre territoire et les attentes des recruteurs telles que l’entrepreneuriat, la logistique et le Supply Chain Management ou encore le management numérique.

Depuis la mise en place de de La SmartEcole® en 2013, nous multiplions les initiatives pour permettre à nos étudiants de travailler en mode collaboratif, de se positionner comme des acteurs de leur formation tout en maitrisant les technologies digitales. Nous avons ainsi introduit des cours de codage dans le PGE, repensé la façon de dispenser les cours, aménagé des salles de cours et investi de façon conséquente dans des équipements informatiques pour créer des espaces de co-working et déployer notre pédagogie multimodale. Avec deux ans de recul, les bénéfices sont probants pour les étudiants : implication accrue dans leur apprentissage, plus de régularité dans le travail, meilleure mémorisation des cours, développement du travail collaboratif et création de nouvelles ressources pédagogiques au service de la communauté. Chacun est devenu un véritable acteur de sa formation avec, depuis une tablette numérique ou un PC, un accès libre à tous les supports de cours via la Schoolbox, pour apprendre où que l’on se trouve et quand on le souhaite. 90% des cours, dont nombre se déroulent en mode « classe inversée » ou en e-learning, et environ 25% du contrôle continu (tests, QCM et dépôt de dossiers) sont intégrés dans une démarche Smart.

Nous misons aussi sur l’entrepreneuriat, l’une des tendances fortes d’aujourd’hui, avec de plus en plus d’étudiants qui se lancent dans la création d’entreprise pendant leurs études ou dès la sortie de l’école. Outre les spécialisations Entrepreneurs et Startup et développement numérique qui leur sont dédiées, nous avons un incubateur-école, l’InsIDE, au sein duquel nous accueillons cette année 30 étudiants afin de les accompagner dans le montage et le la création de leur startup. Nos jeunes diplômés ont pas mal de succès à leur actif, je pense notamment à des startups comme l’Atelier de la Venise Normande (https://www.a-v-n.fr) qui commerciale des jeans 100% made in France ou encore Fizzer (https://www.fizzer.fr) qui permet de transformer des photos en cartes postales personnalisées depuis un smartphone.

Autre nouveauté de la rentrée 2016, la possibilité de suivre l’intégralité du cursus en anglais. Les étudiants renforceront ainsi sensiblement la dimension internationale de leurs cv et l’intérêt des futurs recruteurs. Un élève issu de classe préparatoire pourra choisir d’effectuer sa première année en anglais sur le campus d’Oxford ou du Havre, puis sa deuxième année à Oxford ou faire un premier semestre en anglais au Havre suivi d’un semestre d’expatriation à l’étranger dans une université anglophone.

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Le campus de l’EM Normandie… à Oxford !

A la rentrée 2016, nous ouvrons une nouvelle spécialisation de dernière année (M2) Startup et développement numérique à Caen. Ce programme, tourné vers les nouveaux métiers nés de la transition numérique, a pour vocation de former de futurs cadres entrepreneurs et intra-preneurs, cumulant une connaissance large du business et des pratiques marketing et commerciales ainsi que des compétences spécialisées telles que le management technique, le référencement, le Community Management ou encore le growth hacking.

En 3ème année, nous leur proposons les spécialisations International Business, International Logistics and Port Management et Supply Chain Management au Havre, International Events Management et Digital Business Strategy, en partenariat avec Grenoble Ecole de Management à Paris, Cross-Cultural Marketing and Negotiation à Caen. Deux nouvelles spécialisations seront ouvertes à Oxford à horizon 2017 et 2018. Certaines peuvent être suivies en alternance en contrat de professionnalisation. Autre choix possible, une année de double-diplôme dans une université anglophone, aux USA ou au Canada par exemple.

Enfin, et j’insiste sur ce point, nous poursuivons notre travail pour développer l’alternance. En apprentissage ou en contrat de professionnalisation, les étudiants peuvent opter pour cette filière en 2 ans (M1 et M2) ou en 1 an (M2) qui leur garantit de façon quasi systématique un CDI à la sortie. 466 étudiants l’ont choisie cette année et nous franchirons certainement rapidement la barre des 500. A l’heure où les frais de scolarité des grandes écoles sont pointés du doigt par certains médias, alors là même qu’elles ne sont pas aidées par l’état, et que les ressources des familles ne sont pas extensibles, l’alternance constitue un excellent moyen de faire une école de commerce en bénéficiant d’une exonération des frais de scolarité et d’une rémunération pendant la période.

Coté infrastructures, nous inaugurerons à l’automne prochain une extension de 2000 m² à Caen. Nous nous sommes déjà agrandi à d’Oxford et nous sommes en quête de nouveaux locaux pour nous développer, tout comme à Paris où nos effectifs sont en forte croissance. Enfin au Havre, nous travaillons avec la région, la CODAH (communauté d’agglomération du Havre) et la CCI Seine Estuaire à la création d’un campus au cœur du nouveau quartier des Docks Vauban qui rassemblera tous les établissements d’enseignement supérieur. Nous fermerons alors notre campus actuel devenu trop petit pour accueillir jusqu’à 1600 étudiants dans le nouveau bâtiment.

Le parcours-carrière, dispositif d’accompagnement personnalisé qui aide les étudiants à élaborer un projet de carrière, ne se retrouve nulle part ailleurs dans le paysage des écoles de commerce françaises. Quelles en sont les modalités ?

Le parcours-carrière accompagne les étudiants dans la constitution et la maturation de leur projet professionnel. Ce dispositif progressif et multimodal dispensé en présentiel et à distance les implique dans une démarche proactive et réfléchie pour leur permettre d’élaborer un projet professionnel viable, d’identifier clairement leurs compétences et de se projeter de façon concrète et réaliste dans le milieu professionnel. Une vingtaine de coachs et d’experts en RH animent des ateliers autour de la construction d’une démarche réseau, la préparation aux entretiens de recrutement ou encore la maîtrise des outils de recrutement web 2.0. Tout leur cursus est jalonné de mises en perspective avec le monde de l’entreprise via de nombreux forums de recrutement, workshops et autres job-datings organisés pour optimiser les recherches de stages, de contrats d’alternance et de premier emploi.

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Vous avez signé des partenariats avec deux autres écoles de commerce (ESC Dijon et Grenoble EM) offrant la possibilité aux étudiants d’être double-diplômé. En quoi cette formation se distingue-t-elle des autres parcours proposés par l’EM Normandie ? Cela peut-il aboutir à une fusion avec ces établissements ?

Oui en effet, voilà maintenant deux ans, l’EM Normandie, l’ESC Dijon et Grenoble École de Management (GEM), ont signé un accord visant à ouvrir aux élèves de leurs programmes Grande Ecole des spécialisations exclusives en dernière année d’études (M2) et leur donner la possibilité d’obtenir, en plus du diplôme de leur école, un diplôme MS, MSc ou de 3ème cycle de l’école partenaire. Nos élèves peuvent choisir la spécialisation MSc Wine Management  ou le Mastère Spécialisé Management des Entreprises culturelles et industries créatives de l’ESC Dijon. Ils se verront également proposer le MSc Business Development et le MSc Digital Business Strategy de GEM. Cet accord offre aux étudiants des expertises complémentaires à celles disponibles dans leur institution d’origine. L’EM Normandie capitalise pour sa part sur son savoir-faire en matière de Supply Chain et de logistique internationale. Nous travaillons sur un mode de coopération intelligent avec GEM et l’ESC Dijon en cherchant à étendre les services proposés à nos étudiants. C’est pour nous une voie d’avenir, mais qui ne présage en rien d’une fusion avec ces écoles.