Emmanuel Macron, leader du mouvement « En Marche ! » et ancien ministre de l’économie sous François Hollande, s’est imposé le dimanche 7 mai 2017 face à Marine Le Pen ; devenant ainsi le huitième président de la Vème République. Quatre mois après son élection, et quelques jours après sa grande rentrée (et celle de son gouvernement), retour sur les grands enjeux économiques de ce mandat.

Comment se porte l’économie française ?

Une chose est certaine : Emmanuel Macron s’empare des rênes du pays dans des conditions économiques complètement différentes que celles que François Hollande a connues au début de son mandat. Morale de l’histoire : économiquement parlant, mieux vaut entrer à l’Elysée en 2017 qu’en 2012. En effet, de nombreux indicateurs démontrent que l’économie française est aujourd’hui en meilleure forme. Selon l’Insee, la croissance française a connu une hausse de 0,5% au deuxième trimestre 2017. En juin, d’ailleurs, la Banque de France affirmait que la reprise de la croissance du PIB était en train de se confirmer : son rapport indique que le PIB annuel français pourrait au moins s’établir à 1,4% (1,1% en moyenne annuelle en 2016, et un faible taux annuel de 0,2% en 2012). Emmanuel Macron pourrait donc profiter de cette reprise globale de la croissance, qui nécessite par ailleurs une certaine prudence : la France connaît des chiffres inférieurs à ceux de ses voisins et s’établit sous la moyenne européenne en termes de croissance notamment (Eurostat indique par exemple que le PIB de l’UE à 28 a augmenté de 0,7% au deuxième trimestre). Les indicateurs sont donc en meilleure forme, mais cette situation est évidemment à nuancer ; d’autant plus que certains organismes se montrent légèrement moins optimistes que l’Insee (on citera par exemple le FMI et la Commission Européenne dont les prévisions pour la croissance s’établissent à 1,4%).

D’autres indicateurs sont aussi très encourageants : le taux de chômage devrait poursuivre sa baisse (initiée fin 2015). Au premier trimestre 2017, le taux de chômage au sens du BIT* s’établissait à 9,6% de la population active, alors que ce taux était de 10,0% au quatrième trimestre 2016. Concernant la fin de l’année, l’Insee prévoit un taux de 9,4% de la population active (soit – 0,6 point par rapport à son niveau de fin 2016). Dans la zone euro, le taux s’est établi à 9,1% en juillet, soit le taux le plus faible dans la zone depuis février 2009.

Quant au commerce extérieur, la France accuse un déficit de 6,0 milliards d’euros en juillet 2017. Ce déficit important s’explique par la hausse des importations face à la progression trop faible des exportations.

Concernant les créations d’entreprises, le mouvement semble en marche : en 2016, 554 000 entreprises ont été créées. La dynamique est relativement importante : 45 302 entreprises ont vu le jour en juillet 2017 (+ 13% par rapport au mois de juillet 2016).

Cependant, d’autres indicateurs sont inquiétants : on évoquera ici la question de la dette et du déficit. La dette, au premier trimestre 2017, représentait en France 98,7% du PIB (Eurostat). La France fait d’ailleurs parti des pays dont le ratio de la dette publique par rapport au PIB a augmenté par rapport au dernier trimestre 2016. Dans la zone euro, la dette publique est, certes, en hausse, mais s’établit à 89,5% du PIB (84,1% du PIB dans l’UE à 28).

Quant au déficit public français, il était de l’ordre de 3,3% du PIB au premier trimestre 2017 ; contre un taux de 0,9% dans la zone euro.

La situation économique française est ainsi relativement encourageante ; elle pourrait constituer une base solide pour ce quinquennat.

* Selon le BIT (Bureau international du travail), « un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :

– être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence ;

– être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;

– avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois. » (Insee).

Comment Emmanuel Macron compte impacter (positivement) l’économie française ?

Le programme économique d’Emmanuel Macron, dévoilé en février 2017, aspire à constituer, selon le mouvement EM !, « Un nouveau modèle de croissance fondé sur l’investissement (50 milliards d’euros sur 5 ans) ; la justice (répartir équitablement les efforts et les gains) ; le sérieux (60 milliards d’euros d’économie par an à la fin du quinquennat et le respect de nos engagements européens) ». En quoi consistent alors les principales réformes économiques et budgétaires prévues par le président et son gouvernement ?

Premièrement, Emmanuel Macron compte répondre au défi du chômage grâce aux réformes du code du travail, destinées à flexibiliser ce marché, en faisant l’hypothèse forte que grâce aux signaux envoyés aux employeurs, ceux-ci embauchent plus. L’objectif du président est de ramener le taux de chômage sous la barre des 7% d’ici la fin de son mandat. La souplesse et la flexibilité sont donc les devises du quinquennat. La loi travail de 2016 avait déjà ouvert la voie ; notamment avec la volonté (du président) d’inverser la hiérarchie des normes entre les négociations d’entreprises et les négociations de branches. Donner la priorité à la négociation d’entreprise, c’est ce que vise Emmanuel Macron. Mais pas seulement : à cela, on ajoute d’autres thèmes comme les niveaux de rémunération, les conditions de travail, la notion de pénibilité, l’égalité professionnelle, le licenciement économique… Les futures ordonnances et leur contenu ne sont cependant pas encore arrêtés. Seule certitude : l’article 1er prévoit déjà 9 ordonnances.

Une mesure proche concerne l’assurance chômage : tous les indépendants et les salariés démissionnaires devraient en bénéficier. Ce sont donc davantage de droits accordés. Cependant, le programme économique du président vise à renforcer les devoirs de ces bénéficiaires. En principe, le refus de deux offres d’emploi entraînerait une radiation des droits. Pourtant, ce dispositif, proche du modèle britannique notamment (qui demande des preuves d’une recherche active d’emplois), existe et ne semble pas concluant.

Enfin, Emmanuel Macron prévoit de remplacer les cotisations chômage (versées par les salariés) par une augmentation de la CSG (Contribution Sociale Généralisée) à hauteur de 1,7 point, soit un prélèvement de 22 milliards d’euros. Quel sera alors le montant des prestations ? Nul ne le sait encore. La volonté semble claire : permettre à l’Etat d’avoir une plus grande influence sur cette assurance, afin de de réaliser environ 10 milliards d’euros d’économies par an.

Sur le plan fiscal, le gouvernement prévoit une baisse globale des charges fiscales. D’ici la fin du quinquennat, cette baisse (des taxes, des cotisations et des impôts) devrait atteindre 20 milliards d’euros par an.

Emmanuel Macron a aussi fait la promesse d’une suppression de la taxe d’habitation pour 80% des français dès 2018. La suppression de cette taxe se justifie par son caractère considéré comme inégalitaire : schématiquement, deux ménages habitant dans des logements similaires mais dans deux communes différentes ne paient pas le même taux. Pourtant, cette taxe permet aux collectivités de financer les services publics. Visant à accorder davantage de pouvoir d’achat aux ménages, le gouvernement devra donc agir afin de permettre aux collectivités de maintenir leurs dépenses et de financer leurs services, dans la mesure où la perte pour les collectivités pourrait atteindre 10 milliards d’euros.

Autre réforme, celle sur l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune). Emmanuel Macron a affirmé vouloir transformer cet impôt en « impôt sur la fortune immobilière ». Ce qui change, donc, c’est la volonté de limiter l’assiette aux actifs immobiliers. Le nouvel ISF s’adresserait aux ménages dont le patrimoine immobilier dépasse les 1,3 millions d’euros au 1er janvier de l’année. Cette baisse d’impôt devrait s’établir à hauteur de 4 milliards d’euros. A noter, en 2016, l’ISF rapportait 5,19 milliards d’euros au budget de l’Etat.

L’impôt sur les sociétés devrait lui aussi diminuer : le programme économique du candidat prévoyait une baisse de 33,5% à 25%.

Quant au budget, la volonté est claire de réduire les dépenses publiques. Le plan économique d’Emmanuel Macron vise une réduction de 60 milliards d’euros par an d’ici la fin du quinquennat. En bref, le gouvernement prévoit de réduire le nombre de fonctionnaires (120 000 sur la durée du quinquennat), en s’appuyant surtout sur le non-remplacement des départs en retraite (sauf dans le cas de la fonction publique hospitalière notamment, mais parallèlement au recrutement de policiers, gendarmes et enseignants supplémentaires). Côté collectivités locales, cela s’annonce plus compliqué, dans la mesure où l’Etat ne peut imposer une réduction des effectifs (mais peut agir sur le niveau des moyens qui leur sont attribués).

La ligne budgétaire s’appuie donc sur le mantra du « trop de dépenses publiques tuent les dépenses publiques ». De la même manière, le président compte bel et bien maintenir le déficit sous la barre des 3% (imposé par le traité de Maastricht). Rigueur budgétaire, donc.

Enfin, un autre défi (et non des moindres) consiste à la mise en place d’un énorme plan d’investissement de 50 milliards d’euros tout au long du quinquennat, répartis autour de plusieurs thématiques : formation, écologie, santé, agriculture… Un vaste chantier, avec la volonté de créer un nouveau modèle de croissance.

Croissance, emploi, fiscalité, budget… On peut évidemment nommer le renforcement de l’intégration européenne, qui, elle, ne dépend pas essentiellement de la volonté de la France. Les propositions du président, par exemple la création d’un budget de la zone euro (qui serait voté par un Parlement de la zone euro), témoignent de cette volonté forte. Les défis économiques sont donc nombreux, la stratégie est claire et les projets sont variés.

Qu’en pensent les experts ?

Étant donné la situation économique globalement satisfaisante du pays, certains objectifs (notamment en termes d’emploi et de croissance) ne semblent pas inatteignables. Philippe Uzan (Edram) le précise : « Emmanuel Macron est chanceux, il arrive à un moment où le cycle économique est favorable non seulement en France, mais aussi dans la zone euro et dans le monde ». Dès lors, l’objectif des 7% en termes d’emploi par exemple n’est ni impensable, ni irrationnel.

Pour les économistes de l’OFCE, c’est un constat davantage critique : « ce projet table sur une réduction forte de la dépense publique qui risque de dégrader le soutien au pouvoir d’achat obtenu par les baisses de fiscalité sur les ménages ». D’autant plus que la trajectoire budgétaire pourrait « peser sur la reprise de la croissance au cours du prochain quinquennat. D’ailleurs, la croissance attendue par le candidat reste relativement modeste pour créer une vraie dynamique de sortie de crise ».

Quant au financement de ce projet, l’économiste Alain Fabre affirme que « C’est globalement ce que voulait faire François Hollande. […] Il parle d’investissements car le terme est plus acceptable que celui de dépenses. Mais mécaniquement, dès qu’on investit, on dépense ! »

Les débats les plus intenses, pour le moment, portent sur les futures réformes (par ordonnances) du code du travail. Economistes (plus ou moins atterrés) et experts peinent à se mettre d’accord. Le modèle de flexisécurité, sur lequel tente de s’appuyer le président, ne convainc pas tout le monde, dans la mesure où règne la peur de l’emploi précaire et de la pauvreté (et tout ce qui va avec : inégalités, contrats désavantageux, cumul des emplois… Une analyse intéressante est celle de Guy Standing, qui inventa une nouvelle classe, Le Précariat, du nom de son ouvrage). Flexibiliser vite, cependant, peut s’avérer être un pari risqué : comme le souligne Patrick Artus (chef économiste chez Natixis), « le risque c’est qu’une des deux jambes de la flexisécurité aille plus vite que l’autre ». Autrement dit, flexibiliser trop vite, au détriment de la sécurité, pourrait avoir des dégâts sur le plan social (mais pas que!).

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