« Oh, boule de cristal ESH : quels sujets ? » (2/2)

Après avoir publié une première sélection de sujets possibles pour le concours, voici la deuxième série. À nouveau, les sujets ça ne se devine pas (on n’a pas tous la chance d’avoir des profs concepteurs des épreuves dans nos prépas … ), on ne fait ici que spéculer!

L’écologie

Avec la COP21 l’écologie devient un sujet assez chaud, quoi que très (donc trop) prévisible. Grosso modo il y a trois attitudes face à la question écologique :

  • option 1: “OSEF” de l’écologie. Bien que cette option ne soit pas tenable dans le temps c’est celle qui semble avoir été privilégiée par nos gouvernements depuis 30 ans.
  • option 2: le refus de la croissance, comme l’a appelé le Rapport MEADOWS de 1972 (“halte à la croissance“) ou encore la décroissance comme chez GEORGESCU-ROEGEN qui appelle à la “joie de vivre” plutôt qu’à la course vers toujours plus de croissance et de consommation
  • option 3: la croissance verte et le développement durable. Ici on peut citer le Rapport BRUNDTLAND (1987) ou encore l’opportunité en termes d’emplois et de croissance que représentent les énergies renouvelables.  Les énergies alternatives emploient déjà plus de 800 000 personnes en Allemagne !

Il faut s’interroger sur les mesures qui peuvent être prise (taxe pigouvienne, attribuer des droits de propriété comme pour COASE dans The problem of Social Cost, subventionner etc. ) et sur leur efficacité.  Quand le protocole de Kyoto (signé en 1997) est entré en vigueur (2005), le monde émettait 29 milliards de tonnes de CO2, en 2013 il en émettait 37 milliards de tonnes.

L’austérité

Entre 2010 et 2015 la dette publique grecque est passée de 133 à 180% de son PIB, le PIB a reculé de 25%. L’austérité n’a pas vraiment porté ses fruits. PIGASSE (Éloge de l’anormalité) rappelle que le taux de suicide a augmenté de 100% entre 2010 et 2014. La violence engendrée par ces coupes budgétaires mettent en avant la dangerosité de ces politiques. L’austérité du chancelier BRÜNING entre 1930 et 1932 dans l’Allemagne de Weimar est considéré rétrospectivement comme une des causes de la montée du nazisme (bien plus que l’hyperinflation de 1923-24). Se pose alors la question des choix idéologiques faits par les institutions européennes (Commission Européenne et BCE) mais aussi par le FMI (que STIGLITZ avait déjà largement critiqué dans La Grande Désillusion). Faut-il donc répudier les dettes? C’est une solution proposée par PIKETTY (2015) qui estime que l’Europe a pu se reconstruire dans l’après guerre justement grâce à la répudiation de ses dettes. Faut-il faire de l’inflation pour “euthanasier les rentiers” (KEYNES) ? Quoi qu’il en soit des réformes de fonds des finances publiques, des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires s’imposent, en particulier pour un pays comme la France (dette publique: 97% du PIB en 2015).

L’Europe

L’Europe est naturellement au coeur de l’actualité: crise des dettes publiques, questionnement sur la politique monétaire (déflation, Quantitative Easing…), problématique de l’austérité, faible croissance de la zone euro, “Brexit” et surtout crise des migrants. Reste à savoir sous quel angle le sujet abordera la question. Croissance ? Notons que d’après le modèle de SOLOW (A contribution to the theory of growth, 1956), l’augmentation de la population active est une des deux manières de retarder l’état stationnaire. De ce point de vue les migrants sont une chance pour la croissance européenne. Un autre questionnement est sur l’euro, un sujet classique mais qui reste d’actualité. L’échec de la Zone Monétaire Optimale (ZMO) ou de la convergence nous amène à penser les règles du jeu européennes. Faut-il une harmonisation fiscale (PIKETTY, 2015) ? Faut-il une Europe sociale ? J’ai mis la réponse à ces questions dans mon manuel “L’essentiel de l’histoire économique” (manuel qui porte mal son nom puisque ⅓ du manuel concerne directement les sujets d’actualité).

La stagnation séculaire

En 2013, Larry SUMMERS reprenait l’article d’Alvin HANSEN de 1939 sur la théorie de la stagnation séculaire et le mettait d’actualité. Selon ce dernier le ralentissement de la démographie et des gains de productivité condamnait l’économie à une stagnation de la croissance. La guerre puis les trente glorieuses lui ont donné tort. Ce qui est intéressant c’est qu’historiquement toutes les théories pessimistes sur la croissance (MALTHUS, RICARDO, MARX, SOLOW, …) ont été invalidées par les faits. Peut-être que cette fois-ci c’est différent. Il faut s’interroger sur les causes de la stagnation séculaire mais peut-être aussi sur les conséquences, en effet on compte sur le retour de la croissance pour réduire le chômage et le déficit public. Notons enfin que celle-ci ne touche pas exclusivement les PDEM, les BRIC sont en plein ralentissement (crise financière en Chine, récession au Brésil…). Le continent africain avec son taux de croissance moyen de 5% sur les 10 dernières années est en train de devenir une exception !  Quoi qu’il en soit tous les économistes “mainstream” ont publié un livre à ce sujet cette année. L’”enfonçage” de portes ouvertes fonctionne à plein régime !

Innovation :

SCHUMPETER (Business Cycles, 1939) expliquait la dynamique de la croissance par l’innovation. Aujourd’hui l’innovation apparaît comme une sortie de crise crédible pour la plupart des pays occidentaux et comme un levier de développement pour les PED (avec des entreprises comme Samsung en Corée du Sud ou Baidu et Alibaba en Chine). Elle est au coeur de la compétitivité des entreprises, de la création d’emplois. Le phénomène de licornes (startups valorisées à plus d’un milliards de dollars), mais surtout les stratégies très agressives de certaines d’entre elles (Uber, Airbnb) ou très ambitieuses (SpaceX) font de l’innovation un thème récurrent dans l’actualité.

La réponse française -face au relatif retard technologique  du pays- a été celle des mesures gouvernementales avec le développement du label “French Tech”, du CICE (crédit impôt compétitivité emploi) ou de la BPI (Banque Publique d’Investissement). La France essaie de rattraper son retard relatif par rapport à Londres, la Suède ou Berlin en termes de startups et de financement de l’innovation. Berlin par exemple compte des startups comme Zalando ou encore Soundcloud. Parmi les enjeux, on retrouve le débat récurrents sur les conséquences de l’innovation sur l’emploi, en particulier avec le développement de l’intelligence artificielle (IA).  BRYNJOLFSSON & MCAFEE (The Second Machine Age) montraient que la différence entre la révolution technologique actuelle et toutes celles précédentes est que celle-ci permet aux machines de se passer de l’homme !

L’innovation est un sujet qui touche : la croissance, les cycles, les crises, l’emploi, le développement, la finance, la mondialisation (pensez au “avantages technologiques” chez POSNER en 1961)… c’est donc un sujet très transversal qui demande une grande compréhension du cours.

Bon maintenant on peut aussi imaginer que les concepteurs lisent Major-Prépa (ça voudrait dire qu’ils ont du goût) et que du coup ils changent les sujets !


Passé par HEC, Arnaud Labossière enseigne l’économie en classe préparatoire et sur Livementor. Il est l’auteur du manuel L’Essentiel de l’histoire économique (éd. Sonorilon), qui compte parmi les ouvrages les plus vendus de la catégorie. Il y analyse chacune des parties du programme d’ESH sous un angle à la fois historique et théorique, en distinguant pour chaque chapitre le XIXème siècle, le XXème siècle et l’actualité récente. Le manuel est structuré en paragraphes « prêts à l’emploi » pour la dissertation avec des couples théorie-exemple.

Arnaud Labossière est également le créateur de l’application KHUUBE, qui permet de ficher automatiquement ses cours.