Notre cher “Morgan Sachs” frappe de nouveau, voici sa prose:


RECAPITULATIF ANNEE 1

Bien loin des salles bondées de votre morne lycée, vous vous prélassez sur une plage vierge aux émeraudes palmiers et à la turquoise houle. Vous l’avez bien mérité, sans aucun doute. Mais les nuages commencent à vous surplomber et vous sentez la brise froide et coupante qui glace votre peau. Oui, la rentrée arrive et il est temps de reprendre vos bonnes vieilles habitudes : se lever avant les poules, boire du café, écouter assidûment (ou pas) la chevrotante voix du prof et apprendre par cœur d’obscurs théorèmes. Seulement, cette année, je suis là pour vous épauler, du moins en économie. Je suis comme vous et nous allons surmonter cette année ensemble. Finies les colles où vous arriviez avec une feuille vierge, bégayant à chaque question pointue, finies les notes en dessous de la moyenne : si vous me suivez dans cette épopée qu’est la seconde année de prépa, je vous assure une belle récompense, c’est-à-dire, une (très) bonne note en ESH. Mais avant de commencer la seconde année, revoyons ensemble les acquis de la première année sous une édition spéciale !

Présentation de la 1ère année

La première année conjugue tâtonnement (pas walrasien) et assiduité ; effectivement le début de l’année est hésitant pour les élèves puisque c’est une nouvelle matière -elle ne ressemble pas vraiment à la SES qui était assez légère- et la quantité d’informations est assez impressionnante. Mon ressenti personnel est que la première année permet à l’élève de prendre ses marques et lui donne la possibilité de s’avancer de façon conséquente sur le programme.En effet, le programme de première année (j’en parlerai avec plus de détails ci-dessous) est élimé et assez chaotique car il est bien moins long et bien moins compliqué que celui de seconde année. De ce fait, en trois/quatre mois à raison de cinq/six heures de fichage par semaine on peut facilement en venir à bout. Finalement, la première année sert de tremplin aux plus courageux pour nettement approfondir les connaissances de la première année ou alors s’avancer sur la seconde (qui n’est utile que si on est parfaitement à l’aise sur la première). Venons-en à la base de la première année et des possibles difficultés que l’élève peut rencontrer.

Bases et difficultés du programme de première année

Le programme de première année regroupe des chapitres que je trouve plus ou moins utiles. En effet, le module 1 qui regroupe les fondements de l’économie, de la sociologie et entreprise et organisation est sûrement le moins important des quatre modules. Cependant, il s’y trouvent des chapitres primordiaux pour bien comprendre tous les mécanismes qui suivent dans les chapitres suivants. Selon moi, voici les chapitres à connaître absolument (concepts, théories, auteurs, dates) :

L’histoire de la pensée économique 

 Pourquoi ?

Certains diront que c’est une simple chronologie où les économistes se disputent sans cesse, mais ce chapitre est absolument nécessaire par la suite. On retrouve presque tous les auteurs dans les autres chapitres tant ils sont importants (Keynes, Smith, Friedman, Walras…) et leurs théories et concepts vous permettent de trouver une bonne problématique (tension entre différents courants de pensée vient d’un problème irrésolu, naissance de votre problématique) et bien souvent, les théories contemporaines s’appuient sur les théories précédentes.

Difficultés 

Ce chapitre n’est pas compliqué si ce n’est l’apprentissage de tous les grands concepts et problèmes amenés par chaque courant et leur confrontation avec l’empirisme. Les seules difficultés que l’élève pourrait rencontrer ce sont les mécanismes de l’école de la synthèse notamment le modèle IS-LM mais il est à peine abordé dans ce chapitre et sera vu (et revu) dans le programme de seconde année.

Que retenir ?

Il faut connaître la chronologie des grands courants de pensée : mercantilistes, physiocrates, classiques, néoclassiques, keynésiens, néo-keynésiens, école de la synthèse, nouvelle école keynésienne, nouvelle école classique… Leurs tenants et les principaux auteurs qui sont maintes fois revus dans les chapitres d’après : Bodin, Smith, Ricardo, Malthus, Mill, Pareto, Walras, Say, Keynes, Pigou, Hayek, Hicks etc…

Le financement de l’économie

 Pourquoi ?

C’est un chapitre relativement court qui reste compact et qui est amplement nécessaire pour s’attaquer à la seconde année ! En effet, les mécanismes et l’histoire contemporaine du financement amènent des problématiques qui sont posées dans le programme de seconde année : la vague de déréglementation, les déboires de la finance, la crise des subprimes, la titrisation… Il est nécessaire de bien maîtriser ce chapitre pour comprendre toute la teneur de la mondialisation financière (module III) et des crises et leurs régulations (module IV).

Difficultés

Rien de compliqué dans ce chapitre si ce n’est tous les apports techniques qui arrivent avec le phénomène de titrisation. Personnellement, j’ai énormément approfondi ce chapitre (je me suis arrêté là où les maths prenaient le dessus i.e probabilités de panique boursière etc…) en lisant des rapports et articles universitaires ce qui permet de vraiment comprendre tous les mécanismes qu’engendre le financement. L’élève « standard » pourrait buter sur le fonctionnement de la titrisation et des produits dérivés qui l’accompagnent. Petite explication :

Qu’est-ce que la titrisation ?

Dans les années 80, une vague de déréglementation se fait dans les pays anglo-saxons puis dans les  pays européens afin de permettre un plus large financement pour l’ensemble des agents et de rester attractifs vis-à-vis des puissances montantes d’Asie du Sud-Est. Les banques peuvent octroyer davantage de crédits, prendre plus de risques tout cela permet une hausse des crédits et de facto de liquidité dans l’économie. D’autres institutions financières comme les private equity ou les hedge funds (fonds spéculatifs) se développent et obtiennent de fortes marges car ces agents achètent des titres risqués (plus un titre est risqué, plus il rapporte, il est noté de AAA i.e solvable à C i.e en défaut). Pour faire simple, les banques n’étaient que des intermédiaires  avant les 80’s dans le financement puis sont devenues de réels acteurs cherchant à concurrencer ces nouveaux agents financiers à hauts rendements. La titrisation vient essentiellement de là : ce mécanisme est le fait de rendre des créances (illiquides) en actifs (liquides) échangeables sur les marchés financiers et donc de sortir de leur bilan (actif/passif) ces créances en les restructurant dans des produits adossés sous-jacents (ABS/collateralized debt obligations. Peut-être que cette phrase est obscure, prenons un exemple intuitif : prenez un mille-feuille, cette pâtisserie à plusieurs étages (crème/chocolat/crème/chocolat…) et bien, les produits financiers comme les ABS ou CDO sont exactement pareil ! Ils regroupent sous forme d’obligations différentes créances plus ou moins risquées qui s’empilent ; ce gâteau est fortement apprécié par les fonds spéculatifs car par le risque d’insolvabilité (risque qu’une des couches de chocolat soit pourrie) le rendement est très élevé. La banque gagne sur les deux bords : d’un côté elle fait partir de son bilan des créances illiquides à risque et de l’autre côté elle les vend (et donc gagne de l’argent) aux fonds spéculatifs et n’encoure aucun danger d’insolvabilité !

Que retenir ?

Le mécanisme de titrisation, les lois de déréglementation, les règles prudentielles (accords de Bâle, taxe Tobin), les mécanismes des grandes crises du capitalisme, la finance de l’ombre et la problématique du High Frequency Trading (très intéressant). Après la crise de 2008, énormément d’articles et livres sont parus mais des films également. Pour une approche hésitante et elliptique je vous renvoie à The Big Short (moyen) ou encore Margin Call (bien meilleur et plus précis) mais ce sont surtout les documentaires qui vont enrichir votre copie comme Wall Street vs Cleveland(2015) ou Inside Job (2009).

L’entreprise dans son ensemble

Pourquoi ?

HEC 2017. Voilà pourquoi. Le sujet tombé « l’entreprise (depuis le 19ème siècle) peut-elle se passer de l’entrepreneur ? » montre que les concours reposent sur les deux années. Une raison plus légitime serait de dire que les notions sur l’entreprise servent dans bon nombre de sujets puisque cet agent non financier est un des acteurs primordiaux dans de multiples concepts comme celui de la demande effective keynésienne. Maîtriser les théories sur l’entreprise permet de faire la différence le jour J si le sujet porte sur la mondialisation par exemple (comme beaucoup de sujets ces dernières années) où très peu d’élèves penseront à parler du progrès technique ou du monopole sous l’angle de la théorie évolutionniste par exemple.

Difficultés 

Encore une fois, c’est un chapitre fastidieux mais pas compliqué puisque les théories sont parlantes pour l’élève ayant quelques acquis de la terminale et la plupart des concepts sont intuitifs.

Que retenir ?

Autant la chronologie ne me paraît pas primordiale à apprendre, autant les théories sont importantes et la sociologie des organisations me paraissent incontournables. Il faudra retenir en priorité les thèses néoclassiques, évolutionnistes, marxistes mais aussi des auteurs majeurs comme Chandler, Knight, Fayol, Coase, Willamson, Jensen, Meckling, Demsetz, Baumol, Galbraith, Aoki, Penrose, Rajan, Zingales…

Croissance et fluctuations (module II)

Pourquoi ?

Il s’agit vraisemblablement du chapitre le plus important de la première année et peut-être le plus long avec un exhaustif pan historique (la Révolution Industrielle est plutôt lourde) et théorique qui part de la question centrale de l’économie : D’où vient la croissance ? Comment puis-je créer de la croissance ? S’en suit les questions qui font part des fluctuations, i.e pourquoi n’y a-t-il pas toujours de la croissance ? Qu’est-ce qu’une crise?Sont-elles prévisibles ? C’est LE chapitre à connaître par cœur (dates, mécanismes) car il est la jonction de nombreux chapitres et se retrouve souvent dans les sujets d’écrits et d’oraux.

Difficultés 

Pour le coup, ce module regroupe des notions plutôt complexes notamment dans les mécanismes de fluctuations qui ne sont pas intuitifs. Bien que cet article soit un récapitulatif, je vais expliquer deux ou trois mécanismes qui sont à connaître (demandés inlassablement aux oraux) et qui, je pense, sont sombres pour la majorité des élèves.

Modèle de Solow

Ce modèle est sûrement le plus connu des préparationnaires mais reste flou pour la majorité d’entre eux.

Les hypothèses de ce modèle néoclassique sont :  la productivité marginale du capital est décroissante (lorsqu’on augmente le stock de capital, la quantité de travail restant fixe, l’augmentation de la production est de + en + faible.), toute épargne est investie, les facteurs de production sont constants mais surtout l’intensité capitalistique est variable, on rappelle que l’intensité capitalistique est capital/travail.

On a une croissance équilibrée (i.e dans ce modèle l’état stationnaire)stable i.e s/v=n ou s est l’épargne, v le coefficient du capital (capital/production) et n la population active. Si s/v > n la croissance éco est plus rapide que la croissance démographique, il y a donc pénurie de main d’œuvre amenant une augmentation des salaires. Les entreprises substituent donc du capital au travail: le coefficient du capital v augmente, diminuant s/v qui tend vers n. On a le phénomène inverse si s/v<n : la croissance équilibrée est assurée par la flexibilité des salaires (les entreprises peuvent augmenter ou baisser les salaires facilement). Ceci est un modèle exogène car la productivité marginale du capitale décroît et seuls le progrès technique et l’augmentation de la population permet à long terme d’assurer la croissance. Cependant le modèle n’explique pas le progrès technique et met en avant la convergence absolue des pays : si deux pays ont le même taux d’épargne disons la France et la Tanzanie, la France a plus de capital que la Tanzanie donc la Tanzanie va rattraper la France car sa productivité marginale de capital est plus forte (elle décroît moins vite!).

Il existe énormément de modèles pour les fluctuations qui sont plus ou moins simples (de Kondratieff aux oscillations amorties il y a un monde -et des équations-) j’ai décidé d’expliquer ici un modèle plutôt parlant qui a pu en laisser quelques-uns sur la route.

 

Le modèle de Goodwin (1967) 

Il reprend l’idée des proies et des prédateurs : si le nombre de prédateurs augmente, il y a une baisse des proies ce qui fera baisser de facto le nombre de prédateurs. On a le même raisonnement avec les salaires et les profits ; tant que le taux de chômage > u* (taux de chômage équilibré), la part des profits augmente, les investissements augmentent, on est en période d’expansion, les revenus augmentent car le plein-emploi est atteint. Le taux de chômage devient donc inférieur à u* ce qui amène une baisse des profits, contraction de la production et le chômage raugmente. Ce conflit est vérifié puisqu’en 1970/75 on a une hausse des salaires qui s’accompagne d’une hausse du chômage, puis, à partir de 1980, une baisse des charges fiscales (Tax Recovery Act aux USA en 1981), la part des profits raugmente, permettant la relance de l’économie. On perçoit parfaitement les fluctuations (récession, expansion,…).

Que retenir ?

 Hélas, ce module est le plus important et l’impasse y est interdite, apprenez tout en particulier les mécanismes des théories de la croissance et des fluctuations car cela servira toujours.

Les sujets d’ESH qui traitent uniquement de la première année

Il y en a peu c’est vrai, mais comme vu plus haut, les cours de la première année sont indispensables pour bien comprendre la seconde année. Toutefois, certains sujets sont conçus pour pouvoir être traités par des élèves de fin de première année.

 

  • Qu’est-ce qu’une bonne gouvernance d’entreprise ? (ECRICOME 2016, sujet 1)
  • Faut-il souhaiter, ainsi que le soutenait J.-M. KEYNES, « l’euthanasie des rentiers » ? (ECRICOME 2013, sujet 2)
  • Les défaillances des marchés financiers justifient-elles l’intervention de l’Etat ? (ECRICOME 2011)
  • Les banques centrales ont-elles eu et ont-elles aujourd’hui une influence décisive sur l’activité économique ? (ESCP-EAP 2009)
  • L’entreprise (depuis le XIXe siècle) peut-elle se passer de l’entrepreneur ? 

Notre professeur nous a proposé en guise de dernier concours blanc un sujet global sur la première année qui grignotait étonnamment sur la seconde année et donc pouvait faire office de sujet potentiel aux concours (d’autant plus qu’il est classique). Je partage ma copie (la note n’est pas à prendre en compte, elle n’est qu’indicative). Après coup, je pense que j’aurais pu rendre plus clair certains passages et je n’ai pas eu le temps de tout étayer malheureusement (sur papier elle fait 17p) la limite des quatre heures étant frustrante. J’ai donc oublié de mentionner un ou deux points qui auraient mérité d’être cités, on pourra penser au fait que je n’ai pas expliqué totalement le schéma de micro sur la concurrence ce qui est fortement déconseillé le jour J (expliquez tout!). Les points importants à relever dans cette copie et à regarder scrupuleusement sont, je pense, l’argumentation qui me paraît claire et solide, les références bien ficelées et les éléments de la seconde année qui ont été fortement valorisés.

copie 1

Comment aborder la seconde année sereinement ?

Major Prépa a déjà publié un article dessus donc je ne vais pas m’y attarder mais j’aimerais rajouter quelques conseils. Je pense qu’il faut impérativement relire ses fiches de la première année, apprendre les auteurs, leurs livres (et dates de ces derniers), les théories classiques et si on veut s’avancer celles plus tordues et originales (sans toutefois se perdre). Pour de l’apprentissage passif, lisez des articles d’économie vulgarisés, des livres de vulgarisation aka P. Krugman (écriture très très simple destinée à un grand public)…Pour ce qui est des manuels, j’en ai pléthore mais en vérité… je n’en ai ouvert que deux. Ne vous ruinez pas à en acheter (peut-être est-ce trop tard!) et si je dois vous en conseiller ce serait les « Aide-mémoire de Beitone » un ouvrage simple qui suit le programme de façon complète et surtout concise (sa grande qualité) et aussi l’incontournable Précis d’Economie d’E.Combe qui explique très bien tous les mécanismes (notamment les chapitres de seconde année). Cependant, il ne suit pas le programme d’ESH car il s’adresse aux prétendants de l’ENA et de Sciences Po également. Ne lésinez pas les sites Internet qui sont une vraie mine d’or (il y a simplement tout) mais on s’y perd facilement. En somme, ne vous éparpillez pas, soyez méthodiques mais ne vous n’inquiétez pas, je vais vous épauler cette année ! Ce ne sont que huit mois douloureux et après vous pourrez tout oublier, en attendant, mettez vous au travail car après tout « au long terme, nous serons tous morts » (J-M Keynes)