Le 23 août 2017, l’ancien président de la république brésilienne, Fernando Collor de Mello, était mis en examen dans le cadre du scandale Petrobras pour corruption passive, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle. Son nom s’ajoute à la longue liste de personnalités politiques déjà inculpées dans cette affaire qui semble sans fin.

En effet, la justice brésilienne ne cesse pas de mettre en évidence depuis trois ans l’existence d’un réseau de corruption tentaculaire à toutes les échelles politiques du pays. Et dire que tout le scandale Petrobras est parti d’une simple enquête sur des soupçons de blanchiment d’argent dans une petite station-service… Vraiment, qui aurait-pu imaginer tout ce qui se cachait derrière cela ?

Pourtant, la corruption a toujours été la face cachée d’un pays en pleine expansion, qui nourrissait tous les fantasmes à la suite de la crise financière de 2008. En effet, derrière un dynamisme époustouflant, avec un taux de croissance du PIB de 7,5% en 2010, se cache un certain mal-être social. Comment ne pas prendre en compte l’indignation générale qui a secoué le pays deux mois avant les JO ? Comment ignorer les 18 millions de personnes qui vivent encore dans une extrême pauvreté ?

Finalement, le paradoxe du Brésil ne se résume-t-il pas à cette affirmation d’Yves Gervaise : « Derrière l’opulence, le drame » ?

Le scandale Petrobras en question

Tâchons d’être synthétique. Tout commence lorsqu’une enquête policière est menée en mars 2014 pour des soupçons de blanchiment d’argent entre Petrobras et plusieurs entreprises du BTP. Rapidement, les enquêteurs mettent en évidence l’existence de nombreux pots de vins dans le but d’obtenir les juteux contrats proposés par Petrobras. En effet, cette dernière commandait des chantiers à des entreprises (OAS, Odebrecht, Camargo, Correia, …), au sein d’un marché fortement concurrentiel. Mais, il ne faut pas oublier que Petrobras est une entreprise pétrolière d’état… Dès lors, la complicité de politiques véreux était alors nécessaire pour gagner les appels d’offres.

L’opération Lava-Jato (« lavage express ») commence alors.

Dès septembre 2014, en pleine campagne présidentielle, Dilma Rousseff se retrouve fragilisée pour sa réélection. En effet, comment pouvait-elle ignorer tout cela alors qu’elle était présidente du conseil d’administration de l’entreprise ? Elle sera tout de même réélue en octobre… mais pas pour longtemps. Après plusieurs témoignages, une procédure d’impeachment est lancée contre elle en décembre 2015 et 9 mois plus tard, sa destitution est actée. Cependant, la raison officielle évoquée est sa tentative d’avoir voulu maquiller les comptes afin de masquer l’ampleur du déficit. Pour la petite anecdote, c’est Eduardo Cunha (président de la chambre des députés de 2015 à 2016) qui avait lancé la procédure de destitution… et qui fut condamné peu après à plus de 15 ans de détention pour corruption, blanchiment d’argent et évasion illégale de devises.

Avec elle, plusieurs autres grandes figures vont tomber dont voici quelques exemples. Marcelo Odebrecht, CEO de la compagnie éponyme, est arrêté et est condamné à 19 ans de prison. Puis, c’est au tour de Luiz Inacio Lula da Silva d’être condamné à plus de 9 ans de prison par le juge Sergio Moro, grande figure de la justice brésilienne, pour son rôle dans l’attribution d’un contrat pour OAS. Cette condamnation est une immense défaite pour la gauche brésilienne, même si Lula ne recule devant rien et est prêt à se représenter pour les élections de 2018, dénonçant même un lynchage public. Même l’actuel président, Michel Temer, est au bord de l’impeachment, car accusé de corruption passive et d’obstruction à la justice. Mais la procédure contre lui a échoué, du fait que seulement 263 parlementaires étaient pour l’ouverture d’un procès, loin des 342 requis. Ainsi, miné par les affaires et une conjoncture économique défavorable, le pays semble désormais privilégier une certaine stabilité politique à l’honnêteté de ses dirigeants.

Un tournant à venir dans la politique brésilienne ?

Le scandale Petrobras a réellement marqué une (r)évolution dans la façon de percevoir la politique au Brésil. Contrairement aux autres affaires, toutes les informations, les suspicions, etc. ont été rendues publiques par le biais du procureur général de la République, Rodrigo Janot. Mais ce choix reste une épée à double tranchant ; Certes, il met en évidence la volonté d’un pays juste mais il dévalorise le Brésil à grande comme à petite échelle.

La corruption reste clairement un frein à l’investissement pour de nombreuses compagnies internationales. Shell a par exemple renoncé à l’acquisition d’un champ de canne à sucre visant à sa production d’agro-carburant. Le constat est alors sans appel. Alors que les JO de Rio devaient être un tremplin pour sa légitimité internationale (notamment par la revendication d’un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unis), son influence à l’échelle internationale est désormais moindre. Aucun chef d’état n’est venu en visite officielle au Brésil depuis un an, excepté le premier ministre espagnol fragilisé par des affaires de corruption…

Cependant, plusieurs initiatives populaires tentent de changer la donne. Par exemple, la « ficha limpia » est une loi votée en 2010 à la suite d’une pétition riche de 1,3 millions de signatures. Elle instaure une inéligibilité de 8 ans pour toute personne condamnée pour des faits de corruption. Certaines personnes sont également emblématiques de ce combat. Joachim Barbosa, président du Tribunal suprême fédéral de 2012 à 2014 est l’une d’entre elles. Il a notamment été l’instructeur d’une affaire d’achat de votes truqués au Congrès, le scandale Mansalo, qui a touché tous les partis politiques, à gauche comme à droite. Le juge Sergio Moro, en charge de l’affaire Petrobras depuis la mort prématurée du juge de la Cour Suprême Teori Zavascki en janvier dernier, mène d’une main de fer l’enquête. L’impunité n’est désormais qu’un lointain mirage ; Suffisant pour éradiquer définitivement la corruption ? On peut être sceptique quand on sait que en 2011, le magazine Exame estimait à plus de 17 milliards d’euros la somme totale détournée, soit presque 1% du PIB !

Ainsi, déjà plus de 1300 années de prison ont déjà été prononcées dans cette enquête ! Mais tout cela semble être réalisé en vain… Il n’y a même pas quelques jours une nouvelle enquête a été ouverte pour suspicion de corruption dans l’attribution des JO de Rio avec le possible achat de voix au sein du Comité International Olympique (CIO). Vous l’aurez compris, la corruption reste un problème sans fin, touchant tous les aspects politiques et économiques du pays.

Finalement, l’opération Lava Jato a eu pour seule conséquence un rejet absolu et complet de toute la classe politique brésilienne. C’est pourquoi de nombreux commentateurs mettent en lumière le risque de voir surgir les extrêmes aux élections de 2018. La capacité de résilience du pays existe-t-elle vraiment ? Affaire à suivre…