Déchainant toutes les passions, les diamants sont vus depuis la nuit des temps comme le symbole de l’amour, de la gloire et de la beauté. Cependant, la réalité est bien différente pour certains pays africains, plongés dans le chaos à la fin du XXième siècle. En effet, les diamants sont synonymes de trafics et donc nécessairement de conflits. Pas de rubis, seulement des « Blood Diamond » … Ce terme, utilisé pour la première fois par des ONG comme Amnesty International, Global Witness,… fait référence aux diamants bruts utilisés par les mouvement rebelles ou leurs alliés afin de financer des conflits armés visant à déstabiliser des gouvernements légitimes.

Cette réalité, c’est ce que tente de retranscrire Edouard ZWICK dans son film Blood Diamond, avec Leonardo DiCaprio en tête d’affiche. Dans le cadre de la guerre civile de 1999 en Sierra Leone, il essaye de montrer comment la richesse du sous-sol peut être un véritable levier de développement pour l’Afrique. Souvent gâchée, malheureusement … Néanmoins, comme tout film américain qui se respecte, l’afro-optimisme est de retour… Et c’est loin d’être faux.

Le conglomérat diamantaire Beers Group, qui avait peur de l’influence du film sur ses activités, avait alors sorti un communiqué en 2006 précisant que « l’industrie du diamant a aujourd’hui dépassé cette période de conflit ». Mais, dans quelle mesure la dimension éthique est-elle réellement devenue un élément de premier plan dans l’industrie du diamant ?

Des déstabilisations politiques aux multiples conséquences sociales

La majeure partie de l’Afrique, depuis la fin de l’époque coloniale, est marquée par des conflits, souvent internes. Blood Diamond nous plonge, dès le début, au cœur de la guerre civile en Sierra Leone (1999), où les rebelles du RUF (Revolutionary United Front) tentent de déstabiliser le gouvernement central de Ahmad Tejan Kabbah. Tout cela passe, bien évidemment, par le contrôle des zones du sous-sol riches en matières premières afin de financer les milices.

Salomon Vandy (interprété par Djimon Housou, récompensé par l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle), pêcheur d’origine Mende, se retrouve donc dans le gisement de Kono, sous le contrôle du RUF. On retrouve alors, dans le personnage de Salomon Vandy, tous les problèmes liés au trafic de diamants : violence, personnes mutilées, esclavage moderne, embrigadement d’enfants soldats,…

Les guerres civiles au Libéria (1989-2001), en Sierra Leone (1991-2002) puis en Côte d’Ivoire (2002-2007) furent une voie royale pour exporter les diamants. De plus, les milices en Sierra Leone furent directement soutenues par Charles Ghankay Taylor, le président libérien. Ce dernier soutenait le RUF car il souhaitait agrandir son empire diamantifère. Résultat ? Il fut arrêté en 2006 puis jugé à la Haye. Difficile de ne pas y voir l’influence grandissante de la communauté internationale dans ce type de conflit …

Vers une moralisation de la production diamantifère

Face à ces conflits qui touchent particulièrement l’Afrique, la communauté internationale a tenté, certes tardivement, de moraliser l’industrie du diamant pour éviter toutes les dérives citées précédemment.

A l’aube du 20ième siècle, 54 participants (dont l’UE), ont commencé à vouloir instaurer un processus de certification des diamants brut : c’est le processus de Kimberley. En bref, ce processus, initié par Tony Blair, vise à éviter le financement, par le biais des diamants, des groupes militaires qui déstabilisent les gouvernements légitimes en place.

Mais comment fonctionne-t-il concrètement ? Le Système de Certification du Processus de Kimberley (SCPK) émet des conditions strictes sur la vente des diamants, de l’extraction à la commercialisation.

Pourtant, il ne s’agit pas d’un accord international car il est uniquement mis en œuvre par la législation nationale, entre les gouvernements et les industriels du diamant…

Le Processus de Kimberley a su tirer sa légitimité par des mesures répressives concrètes. Le SCPK a ainsi exclu en 2004 la République du Congo, pour des certificats falsifiés. Face à une chute drastique de ses ventes de diamants, dû à un attachement grandissant des industriels à leur provenance, la RDC a rapidement régularisé sa situation pour réintégrer le SCPK en 2007. Son influence est telle que la valeur totale des diamants vendus via le SCPK en 2015 est de 13 881 626 082,74 dollars ! Finalement, aujourd’hui, 99,8% des diamants vendus proviennent de sources hors conflit. Un tel résultat d’efficacité n’était pas attendu… Ainsi, la facilité avec laquelle Salomon Vandy réussi à vendre le diamant rose au diamantaire Simmons, sous l’œil de sa complice, la journaliste Maddy Bowen, est déconcertante. Et dire que cette scène est inspirée d’un évènement réel datant du début du siècle …

Zwick analysera, après coup, que son film est porteur d’un message d’espoir. En effet, pour lui, « le seul joyau, c’est l’enfant ». Le fils de Salomon Vandy fait ainsi partie de ceux qui auront le pouvoir demain de « changer les choses». Cependant, pour s’inscrire dans une vision totalement afro-optimiste, il serait faux de négliger l’apport de la communauté internationale. Mais, pour certains observateurs à l’image de Bambisa MOYO dans L’aide Fatale, le constat est alarmant : l’aide au développement depuis 1960 est un véritable fiasco. En effet, elle fait obstacle à l’établissement d’une gouvernance fiable et durable … tous les problèmes que l’on retrouve dans l’industrie du diamant.