La dictature de Batista

Le 10 mars 1952 a lieu le coup d’Etat organisé par le général Fulgencio Batista, ancien président de la République de 1940 à 1944. Il met fin à l’ordre constitutionnel et au gouvernement démocratiquement élu de Carlos Prios Socarra. Cette initiative est vivement soutenue par les Etats-Unis -insatisfaits du caractère révolutionnaire du gouvernement en place- qui signent des accords militaires avec Cuba. L’ambassadeur étasunien Arthur Gardner déclare sur le dictateur Batista : « je doute que nous ayons eu de meilleur ami que lui » face à Fidel Castro, un « gangster » qui « allait s’emparer des industries américaines et tout nationaliser ».

La révolution castriste

Fidel Castro, révolutionnaire, marxiste-léniniste et avocat, s’engage précocement dans la politique estudiantine. En 1953, il dirige une attaque contre la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba, un échec sanglant à l’issue duquel il est emprisonné, puis amnistié quelques années plus tard par Batista. Dès lors, il cherche à regrouper les survivants de l’attaque dans le Mouvement du 26 juillet, qui sera l’un des principaux foyers de la guérilla. Des mouvements de protestation armée et des grèves sont initiés dans les grandes villes. En décembre 1958, Santa Clara et Santiago sont assiégées. Dès janvier 1959, c’est la Havane qui est prise par les insurgés.

Après cet épisode, une nouvelle Constitution est approuvée, les partis politiques traditionnels complices de Batista sont désintégrés et de nombreux opposants sont exécutés. Castro devient ministre de la défense, puis premier ministre. Les tensions politiques avec les Etats-Unis commencent alors lorsqu’il décide de nationaliser plusieurs grandes firmes américaines sur l’île, et que les Américains sont soupçonnés pour l’explosion d’un cargo français à la Havane, qui fait 75 morts.

Cuba et les Etats-Unis pendant la guerre froide

Suite à la révolution, les Etats-Unis tentent de renverser le nouveau régime en organisant en mars 1961 le débarquement de la Baie des cochons, qui consiste en un bombardement de la part d’exilés cubains des bases aériennes de la Havane et de Santiago. Le soulèvement populaire qu’attendait la CIA n’a pas lieu, et la mission tourne à l’échec.  Sous la pression américaine, l’organisation des Etats américains (OEA) suspend alors l’adhésion de Cuba.

En réponse à cette offensive, Castro déclare le socialisme à Cuba et se rapproche de l’URSS. Il accepte que l’armée soviétique installe des rampes de lancement de missiles balistiques à moyenne portée sur l’île. Le président américain J.F Kennedy impose alors un blocus maritime en fermant les voies d’accès vers Cuba. Les discussions manquent d’aboutir à un affrontement nucléaire, et le 28 octobre, la situation se dénoue grâce à un compromis : les bateaux soviétiques font demi-tour tandis que les Américains s’engagent à ne pas envahir Cuba – et officieusement à retirer leurs fusées Jupiter de Turquie.

L’émigration vers les Etats-Unis est importante à cette période : plusieurs centaines de milliers de Cubains s’établissent en Floride. En 1965, une exception à l’embargo prend la forme de Freedom Flights, un pont aérien entre les deux pays permettant à 250 000 personnes de quitter l’île. En 1980, l’exode de Mariel donne lieu au départ de 125 000 personnes. Le dialogue entre les deux pays est brièvement envisagé par le président Jimmy Carter, mais l’élection de Ronald Reagan en 1980 renforce les tensions et l’embargo.

Cuba dans le monde pendant la Guerre Froide

Durant la Guerre Froide, Cuba intervient à l’étranger en soutenant des mouvements de guérilla communistes en Amérique latine (Venezuela, Guatemala, Bolivie) et en Afrique (Congo) dans le but d’établir des focos – foyers de révolution – dans le monde entier. Dans sa Deuxième Déclaration de la Havane en 1961, Fidel Castro évoque les liens entre l’île et l’Amérique du sud, appelant au soulèvement des « masses exploitées d’Amérique ». Toutefois, la plus large opération menée a lieu en Angola à partir de 1975, et témoigne de la solidarité internationaliste dont veut faire preuve Cuba. En effet, Cuba dépêche des troupes sur place pour soutenir le gouvernement marxiste en place, menacé par une offensive de l’Afrique du sud et de l’UNITA (mouvement de guérilla pro-occidental soutenu par les Etats-Unis). La Havane a également apporté une aide économique et médicale à ses alliés du continent (en Angola, au Mozambique).

La Révolution cubaine se présente ainsi comme une révolution socialiste, proche alliée du bloc soviétique, tout en affirmant sa vocation anti-impérialiste et tiers-mondiste. Cuba est ainsi le premier pays d’Amérique latine à participer à la Conférence de Belgrade en 1961 et à s’inscrire dans le mouvement des non-alignés.

En parallèle d’exporter la révolution, Castro s’emploie en interne à institutionnaliser la révolution par la tenue en 1975 du premier Congrès du Parti communiste, puis l’établissement en 1976 d’une Constitution et l’élection de Castro comme président de la République par l’Assemblée nationale. Selon la Constitution, cette Assemblée du pouvoir populaire est l’organe suprême du pouvoir d’Etat.

L’après-guerre froide : des années 90 à 2006

À la fin des années 80, Cuba doit faire face à une chute brutale des exportations et importations suite à la chute de l’URSS. De plus, en 1992, la loi Torricelli votée par le président américain renforce l’embargo, en prévoyant des sanctions économiques contre les entreprises de pays-tiers qui commerceraient avec Cuba. Dans l’urgence de la situation, Cuba s’efforce de développer des relations multilatérales avec la communauté latino-américaine et caribéenne. Toutefois, la décennie 1990 coïncide avec l’application d’un modèle néolibéral sur le continent américain, qui contraste avec les aspirations du régime cubain et contribue à son isolement.

Sur le plan de la politique interne, plusieurs actions de dissidence sont menées à Cuba. La plus marquante est le projet Varela, initié en 1998 par Oswaldo Paya Sardinas, qui demande à l’Assemblée nationale l’organisation d’un referendum pour soumettre au peuple cubain cinq propositions (élections libres, libertés d’association et d’expression etc.). À la suite de ce projet, de nombreux opposants au régime ont été emprisonnés.

En 1998, Bill Clinton annonce que Cuba n’est plus une menace pour les Etats-Unis et assouplit l’embargo : les vols directs et humanitaires peuvent reprendre. Les sociétés américaines sont autorisées à vendre certains produits agroalimentaires et des médicaments sur l’île. Le 17 décembre 2014, Cuba et les Etats-Unis annoncent conjointement la reprise des relations diplomatiques, et par conséquent un assouplissement de l’embargo. De plus, en janvier 2017, le rapprochement entre les deux pays conduit à la suppression de la politique de Clinton, permettant aux exilés cubains d’obtenir automatiquement l’asile et une carte verte en pénétrant sur le territoire américain.

Sur le plan international, l’isolement de Cuba en Amérique latine est atténué dans les années 2000 par l’arrivée au pouvoir de présidents se réclamant de gauche, notamment celle d’Hugo Chavez en 1998 au Venezuela. Les deux pays coopèrent pour la création de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) en 2001, rejointe ensuite par la Bolivie, le Nicaragua, l’Equateur, la Dominique et le Honduras. La mission Barrio Adentro introduite en 2003 permet également l’envoi de médecins cubains au Venezuela contre des barils de pétrole. Cuba est de plus reconnue à l’international pour ses succès réalisés dans l’accomplissement des Objectifs du millénaire pour le développement, et sa coopération technique, scientifique et culturelle, notamment en Amérique latine. L’île privilégie désormais la realpolitik en tempérant son discours et en se montrant ouverte au dialogue et au développement de ses échanges multilatéraux.