Les grands repères

Chronologie

8000 av. JC :

Naissance de l’agriculture (domestication des animaux et des plantes et maîtrise de l’eau par drainage et irrigation) au Proche-Orient, puis en Inde du Nord et en Chine

XVIIIème siècle :

Première révolution agricole (élevage, mise en culture des terres en jachère) qui entraîne une augmentation de la production.

Années 1930 :

Importantes politiques agricoles et réformes agraires dans les pays du Nord et du Sud.

Années 1950 :

Seconde révolution agricole (agriculture productiviste en Amérique du Nord et en Europe)

Années 1970 :

Révolution verte (programmes volontaristes d’augmentation de la production agricole dans les PED, surtout en Asie).

Années 1980 :

Libéralisation de l’agriculture dans les pays du Sud.

1982 :

Premiers cas de ESB (encéphalopathie spongiforme bovine) en Grande Bretagne (comprendre “vache folle”), suivie d’une série de crises sanitaires dans l’alimentation.

1986-1994 :

Uruguay Round, produits agricoles intégrés dans les négociations commerciales du GATT.

Années 1990 :

Troisième révolution agricole : interactions croissantes entre les biotechnologies, l’informatique et l’agriculture.

 2006 :

Envolée du cours des matières premières agricoles sur les marchés mondiaux.

2008 :

Emeutes de la faim dans un certain nombre de pays. Polémiques sur le « land grabbing».

Un défi croissant

La croissance de la population mondiale est bien réelle et s’accompagne de la croissance de la demande alimentaire. En 1810 la population mondiale n’était que d’un milliard d’êtres humains. Cette croissance s’est accélérée : trois milliards dès 1960, quatre milliards en 1975, puis cinq en 1987, six en 2000… En 2025 nous devrions être plus de 8 milliards sur terre. 

De nouveaux moyens de production

Pour répondre au défi alimentaire corrélé à ce défi démographique, il a fallu mettre en place de nouvelles méthodes de production. Certes la modernisation de l’agriculture ne s’est pas faite au même rythme partout : Sylvie Brunel dans L’Afrique est-elle si bien partie ? (2014) montre ainsi que les structures demeurent assez archaïques sur le continent Africain. Un indice à cela est la part de l’agriculture dans le PIB africain (plus elle est élevée plus cela traduit un retard de développement) qui s’élève à 14% alors que la moyenne mondiale est de 3%.

Dans les pays développés, se met en place une agriculture productiviste dès les années 1960.  Entre les années 1950 et les années 2000 la production agricole augmente ainsi de plus de 50% ! Cela alors même que la stabilité des superficies cultivées n’augmente que de 10%. Cet écart est lié au fait que si l’on maintient les surfaces de défrichement (13 millions d’hectares par an), c’est l’équivalent en terres arables qui est perdu.

La faim persiste malgré l’augmentation de la production

En 2012, 868 millions d’hommes souffrent de la faim (12,5% de la population mondiale), dont 850 millions dans les PED. Les progrès sont plus rapides en Asie du Sud-Est (13,4% à 7,5% entre 1990 et 2012), en Asie de l’Est (de 26,1% à 19,2%) et en Amérique Latine (de 6,5 à 5,6%). Mais en Afrique Subsaharienne, la tendance s’aggrave (17 à 27%), de même en Asie du Sud (32,7 à 35%). Ainsi la consommation journalière moyenne est de 2600 kg/cal dans le Sud, 3200 aux Emirats Arabes Unis, 2200 au Bangladesh et 1900 en Somalie.

Les systèmes agro-industriels et agro-tertiaires : l’importance des firmes

Il existe une forte intégration entre l’agriculture et l’industrie en amont (intrants et matériel), en aval (transformation et distribution de produits alimentaires) qui forment ce qu’on appelle les systèmes agro-industriels. La forte concentration des secteurs d’amont se traduit par l’existence de  10 firmes de produits phytosanitaires regroupant la moitié de la la production, entre autres : Bayer Crop Science, Syngenta, Monsanto, DuPont Pioneer… Le rôle en aval dans le pilotage des filières par des firmes comme Global NetXchage, une centrale commune d’achat qui impose les prix aux agriculteurs et aux firmes, est croissant. La plupart des grandes firmes est américaine ou européenne mais il y a une diversification de l’actionnariat et une progression très rapide d’entreprises issues de pays émergents (comme la brésilienne JBS, la 7ème parmi les dix premières mondiales !).

Quelques exemples à réutiliser en dissertation

Rendements de blé en France

L’amélioration des rendements grâce au progrès technique et à la seconde révolution agricole en France a permis une augmentation des rendements moyens en blé de 25 quintaux à l’hectare en 1960 à 2000 en 1975 (dont 100 dans le bassin parisien) ! D’une façon générale, la hausse de la production liée à la modernisation concerne surtout les 27 produits commercialisés au niveau mondial représentant 90 % de la production mondiale d’aliments et de matières premières industrielles : c’est donc quelque chose de concentré !

La Révolution Verte (puis jaune et blanche)

Il s’agit d’un programme d’intensification de la production agricole dans les PED, lancé en Inde dans les années 1960, mais surtout appliqué en Asie. Il consiste à introduire de nouvelles techniques de production (irrigation, nouvelles variétés, intrants), mais se caractérise également par un  important soutien étatique. Il se distingue de la seconde révolution agricole par une moindre moto-mécanisation et un recours plus important à l’irrigation. La situation alimentaire est indéniablement améliorée dans les zones concernées, mais le bilan est controversé. On observe un renforcement des inégalités sociales dans les campagnes, la faim n’est pas supprimée : en Inde, 217 millions de personnes sont sous-alimentées en 2012 ! De plus la Révolution  Verte entraîne une forte consommation en eau (surtout dans les régions arides où l’on se met à cultiver du blé et du riz)  et les intrants sont polluants. Naît la volonté d’une révolution doublement verte… Il faut également noter que l’ouverture économique de l’Inde qui en découle condamne à terme les subventions dont elle bénéficie.

S’alimenter: une pratique culturelle dans la mondialisation.

On distingue les produits mondiaux qui ont une qualité définie par des standards techniques indépendamment de leur origine géographique et dont la commercialisation est basée sur les cours mondiaux, des produits géographiquesPar exemple, les vins « industriels » ou « de cépage » (produits en Californie, Chili, Afrique du Sud, Europe) sont à distinguer des vins « géographiques » ou « d’Appellation » issus des terroirs limités avec des cahiers des charges. Depuis quelques années est ainsi mise en place une politique pour protéger les savoir-faire agricoles spécifiques. En 1935, le label AOC, IGP (indication géographique protégée) et l’Appellation d’origine protégée (AOP) sont mis en place au sein de l’UE. 

Cela nous conduit à nous demander si la mondialisation conduit à l’uniformisation ou à la diversification des pratiques alimentaires. Bien sûr, avec le développement de la grande distribution ou encore l’implantation de chaînes de restauration rapide, il y a une forme d’uniformisation. Toutefois, les pratiques alimentaires demeurent fortement diversifiées : elles dépendent du niveau de développement et des spécificités régionales.

On peut penser aux « céréales de civilisation » : le riz d’Asie, le maïs d’Amérique Latine, le blé de l’aire méditerranéenne et d’Europe, le miel de l’Afrique sahélo-soudanienne…. Les effets sont paradoxaux : localement on observe tout de même une diversification des habitudes (sushis, pizza, kebab …).

La PAC, Première politique commune

Entre 1960-1992 s’opère la modernisation de la production, la politique de prix garantis financée par des prélèvements sur les importations et des restitutions à l’exportation (FEOGA, Fonds Européen d’Orientation et de Garantie Agricole). Mais tout ceci n’a pu fonctionner que tant que la CEE était déficitaire. La réforme de 1992 organise une baisse des prix d’intervention, compensée par des aides directes aux agriculteurs.    En 2003, les accords du Luxembourg entraînent la mise en place du « second pilier » de la PAC, à savoir une politique de développement durable constituant 15% du budget global et financée à parts égales par l’Union et par les Etats. La PAC a toujours été l’objet de tensions : avec les Etats-Unis mais aussi en interne. En 1980, alors que 80% du budget de l’Union va à la PAC, le Royaume Uni estime être lésé et Margaret Thatcher demande « I want my money back ». Vœu en partie exaucé à l’issu des accords de Fontainebleau de 1984.

Un infléchissement actuel de l’augmentation de la production

La mise en place d’une agriculture moderne productiviste a un effet néfaste sur l’environnement. Selon la FAO un infléchissement de la croissance est à prévoir pour l’horizon 2021 car la dégradation des terres agricoles, la tension sur les ressources en eau, les ralentissements en matière de gains de productivité deviennent de plus en plus insoutenables. On notera que la mise en culture de nouvelles terres avec des méthodes productivistes a été favorisée par la hausse des prix. Entre 2000 et 2010 le taux de progression de la production s’élevait à 70% au Brésil, 40% en Europe de l’Est, en Asie centrale et Afrique subsaharienne mais déjà seulement à 20% en Amérique du Nord et à 6% en Europe de l’Ouest.

Le Paradoxe 

La filière agricole représente 20 % du PIB des pays de l’OCDE, mais la production agricole seulement 2%. Toutefois il est vital  de protéger cette dernière car elle constitue le maillon central de la filière agro-économique, de la graine au tracteur en passant par les services en aval !

Augmentation des échanges, sécurité alimentaire 

Au printemps 2008, une envolée des cours des produits de base et une réduction des exportations a pour conséquence des émeutes de la faim. En Amérique latine les pays touchés sont le Mexique, la Bolivie, le Nicaragua, Haïti ;  en Asie : l’Afghanistan, le Pakistan, le Népal ; et l’Afrique. Les pays acheteurs (Egypte, Suède, Japon, Libye, Chine) dépendent des importations alimentaires. La Corée du Sud a par exemple misé sur l’industrialisation et l’urbanisation au détriment de son agriculture, ce qui a terme risque de lui porter préjudice.  

Les pays vendeurs ou loueurs de terres, sont paradoxalement souvent peu densément peuplés avec d’importantes réserves de terres (au Mozambique seules 10% des terres sont exploitées) mais manquent d’infrastructures et les politiques pilotées posent de nombreux problèmes sociaux. Ainsi au Soudan, plus de  20% de la population est sous-alimentée mais l’Etat encourage quand même l’achat de terres. En découle une forte instabilité politique : renversement du président Ravalomanana à Madagascar à cause de la location de 1,3 million d’hectares de terres pour la production d‘huile de palme et de maïs par Daewoo. On notera que les principaux pays concernés par l’achat de terres, en millions d’hectares sont Madagascar (3,7), les Philippines (5,2), et l’Ethiopie (3,2).  Il devient ainsi nécessaire et pour l’environnement, et pour l’aspect social de produire plus juste et équitable et de favoriser les circuits courts et autres initiatives allant dans ce sens !

Santé publique

Plusieurs problèmes sont posés dans ce domaine. Tout d’abord, la malnutrition, un problème mondial aux causes multiples. Il peut s’agir de carences en nutriments (insuffisances de poids pour 165 millions d’enfants de moins de 5 ans en 2011, 42% des enfants étant originaires d’Asie méridionale). Mais aussi d’excès alimentaires (2,8 millions de morts par an, les pays dit développés étant les plus touchés). En 2011, 1,4 milliards d’adultes et 43 millions d’enfants étaient en surpoids et on en comptait respectivement 500 millions et 40 millions d’obèses. L’écart entre Nord et Sud se réduit avec l’enrichissement des classes moyennes dans les pays émergents mais dans les pays développés les malnutris par excès sont pauvres !

Ensuite, des maladies liées à l’agroalimentaire émergent : elles représentent 75% des maladies infectieuses de 2002 à 2012. Parmi les crises alimentaires les plus connues : celle de la vache folle, qui commence au Royaume-Uni en 1982 à cause de la consommation de farines dites « animales ». En 2000 on compte 180 000 cas au Royaume-Uni, 900 en Irlande et 550 en France. Un embargo sur les viandes britanniques et l’interdiction totale des farines animales sont mis en place. En 2006 a lieu un épisode de grippe aviaire : la grippe est détectée en Asie et fait 200 victimes.