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Sujet : « Les espaces maritimes, objet de tensions et de conflits entre les Etats »

Introduction :

En 2013, le Pakistan a libéré 337 pêcheurs indiens arrêtés alors qu’ils s’aventuraient dans les eaux disputées entre l’Inde et le Pakistan, au niveau de l’estuaire de Baan Ganga , entre le Sundh pakistanais et le Gujarat indien. Les espaces maritimes, c’est-à-dire les mers et océans exploités par l’homme en vue de répondre à ses besoins, sont ainsi fréquemment l’objet de tensions, voire de conflits entre les Etats. Ces tensions et conflits portent sur l’exploitation des richesses maritimes, la délimitation des frontières maritimes ou encore le contrôle des passages stratégiques ; ils peuvent prendre la forme de simples conflits d’usage ou au contraire mener à des affrontements armés. Les espaces maritimes ont donc longtemps été des théâtres d’affrontements majeurs entre puissances, pendant la Seconde guerre mondiale et la Guerre froide notamment. Mais l’avènement de la mondialisation annonçait une certaine baisse des tensions sur les espaces maritimes, avec la naissance d’une gouvernance mondiale de ces espaces, dont le symbole est la convention de Montego Bay entrée en vigueur en 1994, consacrant un droit de la mer et une territorialisation des espaces maritimes. Alors que le contexte de mondialisation triomphante présageait la transformation des espaces maritimes en bien commun de l’humanité, comment expliquer la recrudescence des tensions et conflits entre Etats qui ont pour objet les espaces maritimes ?

Les espaces maritimes sont plus que jamais objet de tensions et conflits entre Etats car ils ont acquis une importance stratégique dans la mondialisation. C’est pourquoi les conflits qui opposent les Etats et qui ont pour objet les espaces maritimes prennent aujourd’hui des formes variées. Cependant, les espaces maritimes sont un objet de coopération, moyen de rapprochement entre les Etats : on assiste à la naissance hésitante d’une gouvernance mondiale des espaces maritimes.

I. Les espaces maritimes sont plus que jamais objet de tensions et conflits entre Etats car ils ont acquis une importance stratégique dans la mondialisation

Si les espaces maritimes sont objet de tensions et de conflits entre les Etats, c’est que dans le contexte de mondialisation ils ont acquis un rôle-clé dans le fondement du développement et de la puissance des Etats.

Les espaces maritimes, lieux de l’avènement de la mondialisation, sont plus que jamais support du développement économique. Ils ont toujours été des espaces nourriciers pour les populations qui les exploitent : ils fournissent ainsi des richesses halieutiques, des gisements d’hydrocarbure qui ont pu être exploités avec l’amélioration des techniques de forage dans l’off-shore profond, des modules polymétalliques. C’est pourquoi les littoraux sont particulièrement prisés par les populations en quête d’un habitat favorable au développement, comme en Asie où les littoraux sont très densément peuplés. Mais les espaces maritimes ont pris une nouvelle importance avec l’avènement de la mondialisation : la révolution du conteneur en 1956 diminue les coûts du transport maritime et fait de la mer le principal support des flux de marchandises mondiaux. L’accès à la mer détermine en effet l’insertion dans la mondialisation, c’est pourquoi la Bolivie cherche à tout prix à retrouver le contrôle des littoraux qu’elle a perdus : elle signe en 2010 un accord avec le Pérou qui lui donne un accès permanent au port d’Ilo. L’importance des mers dans le développement économique est ainsi visible lors du décollage des nouveaux pays industrialisés d’Asie. L’Asie-Pacifique dans son ensemble, région née « sous le signe de la mer » selon Fernand Braudel, articule en effet son développement sur les espaces maritimes : la Corée du Sud fait très tôt le pari de la construction navale, les « Dragons » puis les « Tigres » multiplient les zones franches portuaires pour favoriser les exportations.

La maîtrise des espaces maritimes est ainsi vue comme le fondement de la puissance, c’est pourquoi elle fait l’objet de conflits entre les Etats. Dès la fin du XIXème siècle, l’amiral Mahan théorise le « sea power » : au vu du Royaume Uni qui brille grâce à l’efficacité de la Navy, il enjoint les Etats-Unis de se tourner vers la mer pour fonder leur puissance. Ce rôle-clé des espaces maritimes dans le fondement de la puissance est aujourd’hui réaffirmé avec la montée des grands pays émergents qui considèrent les espaces maritimes comme un enjeu majeur qui détermine leur puissance. Ainsi la Chine qui a rompu avec l’animosité de Mao envers les villes du littoral s’est-elle ouverte aux investissements étrangers à partir de ses Zones Economiques Spéciales littorales. Elle prend alors conscience de l’importance de la marine dans la constitution d’une force de frappe militaire. La Chine, qui compte « dégraisser l’arrière-train et aiguiser les crocs » de son armée, pour reprendre l’expression d’un général chinois, modernise sa flotte et augmente ses dépenses dans l’armement maritime. L’entrée en service de son premier porte-avion en septembre 2012 a été très médiatisée : elle a ainsi racheté le Varyag et l’a réhabilité dans le chantier naval de Dalian. Les espaces maritimes étant vus comme fondement de la puissance, leur contrôle devient naturellement l’objet de tensions, voire de conflits entre les Etats.

Cette maîtrise des espaces maritimes constitue enfin un enjeu sécuritaire pour les Etats, c’est pourquoi elle peut faire l’objet de conflits. Les grandes routes maritimes sont devenues les artères de la mondialisation : plus de 90% des informations téléphoniques transitent par des câbles sous-marins. Les Etats qui veulent s’insérer dans les échanges mondiaux, exporter leur production et s’approvisionner en matières premières sont ainsi tenus de sécuriser les routes et passages stratégiques : ces enjeux sécuritaires sont particulièrement visibles au niveau des détroits ou des canaux, points de passage que les Etats veulent contrôler. La crise de l’îlot Persil, dans le détroit de Gibraltar est ainsi un symbole de ces conflits : l’îlot disputé entre le Maroc et l’Espace, le Maroc y a installé un poste de frontière et l’Espagne s’est engagée dans l’opération Romeo Sierra pour reprendre l’îlot. Seule la médiation des Etats-Unis a permis d’apaiser les tensions ?

II. C’est pourquoi les conflits qui opposent les Etats et qui ont pour objet les espaces maritimes prennent aujourd’hui des formes variées

L’importance stratégique des espaces maritimes en fait les objets de tensions et conflits multiformes entre les Etats.

Ce sont d’abord les ressources maritimes convoitées par plusieurs Etats qui sont objet de tensions. Dès les années 1950, le Royaume-Uni et l’Islande sont engagés dans la « guerre de la morue » : chacun des pays revendique l’exclusivité des droits de pêche sur les eaux riches en ressources halieutiques, et le Royaume-Uni menace même l’Islande d’un embargo complet sur les poissons venus d’Islande. Les richesses immenses, réelles ou présumées du « nouvel Eldorado » qu’est devenu l’Arctique sont aujourd’hui l’objet de convoitises des pays riverains. La Russie par exemple revendique des eaux de l’Océan glacial arctique le long de la dorsale de Lomonosov : il s’agirait selon la Russie d’un prolongement de son plateau continental qui lui permettrait d’élargir sa ZEE. Elle rencontre entre autres l’opposition de la Norvège attachée à sa souveraineté en mer de Barents.

C’est donc plus largement la délimitation des frontières maritimes qui est l’objet de tensions et de conflits entre les Etats. Si la convention de Montego Bay instaure la libre-circulation sur les espaces maritimes, elle consacre en même temps la territorialisation de ces espaces : chaque pays peut ainsi prétendre à des eaux territoriales, une zone contigüe et une zone économique exclusive (ZEE) de deux cents milles marins. Cette convention a ainsi permis de régler des litiges entre  Etats, comme la frontière maritime entre les ZEE islandaise et britannique a définitivement mis fin à la « guerre de la morue ». Mais elle a aussi réveillé de nouvelles tensions dans des zones exigües, où les ZEE de différents pays se chevauchent. On peut ainsi évoquer les tensions entre Chili et Argentine qui s’affrontent dans leur course à la bi-océanité : le Chili possède en effet plusieurs îles dans le canal de Beagle et veut prétendre à une ZEE, ce que l’Argentine refuse. Le conflit est arbitré par le Pape, le Chili a le droit de conserver ses îles mais ne peut avoir accès à une ZEE. Ce sont les tensions en mer de Chine orientale et méridionale qui sont au centre de tous les regards aujourd’hui : ces mers ont acquis une importance capitale pour le Japon car tous ses approvisionnements en hydrocarbure y transitent, mais aussi pour la Chine qui compte en faire des mers intérieures sous son contrôle. Les îles Spratleys et Paracels sont revendiquées par la plupart des pays riverains, car les eaux exclusives qu’elles pourraient prouver sont riches en ressources.

Mais ce sont aussi les routes maritimes, support des échanges mondiaux, qui deviennent objet de tensions et de conflits entre Etats. Les routes maritimes sont des artères vitales pour les grandes puissances, c’est pourquoi les Etats cherchent à les contrôler. En 1987, l’Iran brandit ainsi la menace de fermer le détroit d’Ormuz par lequel transitent la majorité des exportations de pétrole du Golfe Arabo-Persique, ce qui amène à une véritable « guerre des tankers ». Les nouvelles routes du Nord-Est et du Nord-Ouest qui devraient devenir navigables avec la fonte des glaces sont aujourd’hui l’objet de fortes tensions : ces routes pourraient raccourcir de beaucoup les routes qui relient l’Asie à l’Europe, elles offrent ainsi une alternative au canal de Panama dont les écluses ne sont pas adaptées aux grands navires, cependant elles sont problématiques car le Canada considère les eaux entre ses îles comme des eaux intérieures sur lesquelles il pourrait faire payer des droits de passage. Le Canada rencontre la réticence des Etats-Unis, attachés à la libre-circulation des navires sur les mers et océans. Les espaces maritimes, de par leur importance stratégique dans le développement et la puissance, sont objet de tensions et de conflits entre les Etats.

III. Cependant, les espaces maritimes sont un objet de coopération, moyen de rapprochement entre les Etats : on assiste à la naissance hésitante d’une gouvernance mondiale des espaces maritimes

Cependant, les espaces maritimes ne sont pas uniquement des pommes de discorde, ce sont aussi des objets de coopération entre les Etats : une gouvernance mondiale encore à ses débuts, œuvre à la pacification de ces espaces.

La naissance d’un droit de la mer fait des espaces maritimes des territoires bien délimités, elle laisse présager une baisse des tensions sur les espaces maritimes. La convention de Montego Bay et son application ont permis de résoudre un certain nombre de litiges existants et donc de pacifier les espaces maritimes. En 2013, la frontière maritime entre les ZEE du Nicaragua et de la Colombie, et celles du Pérou et de la Colombie sont fixées, ce qui apaise les tensions entre les Etats. La qualité pacificatrice des frontières maritimes, bien que discutée, est incontestable en Afrique. D’un côté, la Somalie ne peut délimiter clairement sa ZEE et que des pêcheurs étrangers s’invitent dans ses eaux, ce qui prive les pêcheurs somaliens de leur source de revenus et les contraint à se tourner vers la piraterie : l’absence de frontière est donc source de troubles. De l’autre côté, le Maroc qui a été capable de délimiter sa ZEE est aujourd’hui capable de vendre des droits de pêche aux Européens, ce qui est source de devises pour le pays.

La sécurisation des espaces maritimes fait également l’objet d’une coopération internationale. Le détroit de Malacca, épicentre de la piraterie mondiale dans les années 1990, est désormais surveillé par des forces malaises, singapouriennes, indonésiennes et surtout japonaises. 80% du commerce du Japon dépend en effet de ce détroit. Le golfe d’Aden et les eaux au large de la Somalie sont surveillés par des forces internationales, c’est d’ailleurs l’une des principales opérations des forces de défense de l’Europe communautaire. Même le delta du Niger, nouveau centre de la piraterie, voit émerger une coopération pour la sécurité maritime qui associe les pays riverains du golfe de Guinée.

Mais cette pacification reste à nuancer : les enjeux que représentent les espaces maritimes diffèrent selon les Etats, c’est pourquoi les conflits dont ils sont l’objet sont d’ampleurs différentes. Si on craint un affrontement armé en Asie Pacifique, les tensions dans les autres régions du monde sont bien moindres (voir la carte). Les espaces maritimes ne sont souvent pas les seuls objets de tensions : la revendication des îles Senkaku par la Chine et le Japon sert plus la rivalité préexistante entre les deux puissances qu’elle ne la crée.

Conclusion 

L’avènement de la mondialisation a largement changé la donne en ce qui concerne les espaces maritimes : les espoirs de pacifications des mers et océans qu’il a suscités ont certes été déçus, mais il a recomposé les tensions qui portent sur les espaces maritimes. Ils n’étaient que les théâtres d’affrontement entre grandes puissances, mais l’importance qu’ils sont acquise dans l’émergence des géants asiatiques, ainsi que la territorialisation croissante des mers dans la mondialisation en ont fait des objets de tensions, non plus seulement des lieux mais des causes des affrontements entre les Etats. Les espaces maritimes ne peuvent désormais plus être négligés par les Etats qui entendent s’affirmer comme puissance : même l’Inde dont la culture millénaire s’est détournée de la mer, réservant la pêche aux castes les plus basses, est confrontée à cette nécessité d’investir la mer, et de faire de l’océan Indien l’océan des Indiens.

Carte :