La création controversée d’un Etat juif a généré de nombreuses tensions au Proche et Moyen-Orient. Ces tensions ont été telles qu’elles ont façonné de nombreuses crises et guerres. Cette région constitue un creuset de risques et de tensions qui perturbent l’équilibre géopolitique mondial à toutes les échelles. Afin de comprendre les principales forces en jeu dans la région, il est nécessaire de retourner à la source de celles-ci et de pointer les principales charnières.

La chronologie

La fin du XIXème siècle est marquée par l’accentuation de l’antisémitisme (massacres de juifs par l’Empire tsariste lors des progoms, affaire Dreyfus) et a entraîné l’émergence du sionisme, c’est-à-dire une idéologie prônant la création d’un foyer national juif en Palestine. La création d’un « abri permanent pour le peuple juif d’Israël » a été théorisée par Theodor Herzl dans son ouvrage L’Etat Juif (1896). La déclaration de Balfour en 1917 constitue une avancée majeure pour le sionisme car Arthur Balfour (Secrétaire d’Etat des affaires étrangères) se prononce dans une lettre ouverte comme étant « favorable à l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Ce parti-pris était d’autant plus important que conformément aux accords Sykes-Picot de 1916, la France et la Royaume-Uni se partagent les dépouilles de l’Empire Ottoman. Un réseau de migration s’organise vers la Palestine ce qui augmente les tensions et débouche sur les premières émeutes en mars 1920 à Jérusalem. Ces migrations sont soutenues jusqu’en 1939 par les Britanniques qui n’hésitent pas à intervenir.

Néanmoins, à l’approche de la Seconde Guerre Mondiale, le Royaume-Uni prône la stabilité de la région pour éviter que les pays pétroliers soutiennent l’Allemagne nazie. La haganah, un mouvement para-militaire sioniste, met donc un place un réseau d’immigration clandestine et mène des actions contre le Royaume-Uni afin que la politique migratoire supporte à nouveau les départs vers la Palestine. Le Royaume-Uni, impuissant face aux mouvements migratoires des juifs rescapés fuyant l’Europe, confie le dossier à l’ONU qui établit un plan de partage de la Palestine (résolution 181), la proclamation officielle de l’Etat a lieu le 14 mai 1948 après une période de guerre civile. Le plan de partage est refusé par les populations Arabes en Palestine qui, par le biais du mufti, demandent de l’aide aux pays arabes qui sont mis en échec lors d’une première guerre israélo-arabe (1948-1949). Après la crise de Suez en 1956 où Israël fait partie des belligérants, les guerres se multiplient autour du nouvel Etat. Le 28 mai 1964 est créé à Jérusalem l’Organisation de Libération de la Palestine, cette organisation est composée de plusieurs organisations comme le Fatah créé par Yasser Arafat en 1959.

La Guerre des Six Jours (1967) est une guerre préventive déclarée par Israël contre ses voisins arabes, cette guerre a permis à Israël d’annexer certains territoires comme le Sinaï ou la bande de Gaza. De plus, Israël a pris la vieille ville de Jérusalem qui devient alors sa capitale. L’Egypte et Israël entre alors dans une guerre d’usure jusqu’en 1970. Il ne faudra attendre que 3 petites années pour voir éclater un nouveau conflit sanglant (La Guerre du Kippour) entre Israël et une coalition arabe menée par la Syrie et l’Egypte. Le 6 octobre 1973, jour du jeûne de Yom Kippour (jour férie en Israël), les Egyptiens et les Syriens attaquèrent les territoires qu’Israël avait conquis lors de la guerre des Six Jours. Cette attaque surprise contre Israël permis l’ouverture des négociations de paix qui aboutirent en 1978, on parle des accords de Camp David. Cette guerre a été l’un des facteurs contribuant à l’onde de choc mondiale déclenchée par le choc pétrolier de 1973. L’espoir de paix et de stabilité porté par les accords de Camp David ne doit pas cacher les tensions toujours existantes puisque le Liban est alors déchiré par une guerre civile. Israël lance en mars 1978 l’opération Litani et envahit le Liban Sud afin de repousser l’OLP au delà de la rivière Litani. Une seconde opération similaire sera lancée en 1982 au Liban Sud, on parle de l’opération Paix en Galilée.

Si les tensions géopolitiques entre les Etats font rage, il ne faut pas oublier les tensions à l’échelle nationale entre les Israéliens et les Palestiniens. Ainsi en 1987 un soulèvement Palestinien a lieu, on parle de la Première Intifada (guerre des pierres) qui dura 6 ans. 3 ans plus tard, une autre opération israélienne a lieu au Liban sud : l’opération Raisin de la colère a pour but de faire cesser les tirs de roquettes sur les terres israéliennes. Le mois de Septembre 2000 est marqué par une accentuation des tensions internes, de nombreuses émeutes éclatent, la Seconde Intifada a lieu, elle est caractérisée par des campagnes d’attentat suicide lancées notamment par le Hamas et le Fatah. L’initiative de Genève signée le 1er décembre 2003, après les accords d’Oslo de 1993, prévoit un plan de partage de Jérusalem ainsi que le retrait à 98% de la Cisjordanie par les Israéliens. Cet accord est selon Alexis Keller « un pari réaliste » (L’Accord de Genève. Un pari réaliste) car le plan présenté est concret, appuyé sur des cartes et des décisions précises.

Mais si Israël met en place le Plan de désengagement des territoires occupés adopté le 6 Juin 2004, 2 ans plus tard en 2006 l’armée israélienne, Tsahal, pénètre la bande de Gaza qui est sous autorité palestinienne afin de secourir un soldat israélien, c’est l’opération Pluies d’été . La même année éclate la seconde guerre du Liban après une accroche à la frontière entre le Hezbollah et les troupes israéliennes. Par la suite, Gaza revient au centre des préoccupations d’Israël et du monde entier, lorsque le 27 décembre 2008 l’armée israélienne bombarde et investit ce territoire. Les attaques se multiplient, en 2012 Israël lance l’opération  Pilier de défense  afin de lutter contre les tirs de roquettes lancés par le Hamas, le Jihad islamique et d’autres groupes islamiques. 2 ans plus tard, une nouvelle guerre se déclenche, on parle de la Guerre de Gaza de 2014.

La multiplicité des enjeux

En somme, le conflit israélo-palestinien, aussi violent soit-il, focalise l’attention de l’opinion mondiale car cet espace, déchiré par la violence, est le berceau des trois religions du Livre (judaïsme, chrétienté et islam). Pour autant, si les enjeux religieux sont incontournables, ce serait une erreur d’occulter les autres motivations des belligérants dans ce conflit. il ne faut pas oublier l’enjeu territorial, l’enjeu géopolitique et les tensions qui se nouent autour de l’accès à l’eau et à la guerre de l’image. La colonisation en place depuis près d’un siècle montre que l’identité et l’appropriation de l’espace est un point capital dans le conflit. Deux nationalismes s’affrontent, chaque peuple revendique son droit de propriété. Le peuple juif a fondé sa colonisation sur l’axe géographique (avec la mise en place de véritables mouvements de colonisation) et la démographie avec un taux de fécondité élevé. Ces revendications territoriales se traduisent dans l’espace par un véritable apartheid urbain, le mur de sécurité est finalement un mur de cloisonnement. La bande de Gaza est un second exemple montrant l’importance des revendications territoriales.

Ces tensions territoriales sont exacerbées par les contraintes climatiques qui placent l’accès à l’eau comme un enjeu majeur. Ainsi, l’asymétrie est frappante car les Israéliens consommeraient 4 fois plus d’eau que les Palestiniens qui souffrent d’un faible accès aux ressources (vallée du Jourdain contrôlée par Israël) et d’infrastructures obsolètes : 40% de l’eau irriguée est perdue dans les fuites. Les enjeux et les défis sont donc nombreux sur cet espace où une véritable guerre de l’image fait rage. Dans son œuvre Un enfant est mort, Charles Enderlin revient par exemple sur la tempête médiatique qui a eu lieu après la diffusion controversée de la mort d’un enfant palestinien par France 2. Les tensions qui déchirent la région marquent l’opinion mondiale par leur cruauté mais aussi par le fait que Jérusalem est le creuset historique de nombreuses civilisations. Cette focalisation prend aussi sens dans une dimension géopolitique car la création houleuse de l’Etat d’Israël s’est faite au cœur d’une région pétrolifère où les défis sécuritaires se multiplient et menacent aujourd’hui tous les continents.

Le conflit israélo-palestinien est aujourd’hui loin de faire partie de l’Histoire. La 71ème assemblée générale de l’ONU qui a eu lieu à New York le 22 septembre 2016 a mis en exergue la persistance des tensions qui existent entre le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas, celui-ci dénonçant le non respect des recommandation du Quartette (Etats-Unis, Union Européenne, Russie et ONU). Ces recommandations prévoyaient la fin de la colonisation israélienne et l’arrêt des violences.

Si ce conflit reste dévastateur, il n’en demeure pas moins qu’il semble insoluble, malgré la multiplicité des tentatives de sensibilisation de l’opinion locale et mondiale. Les initiatives qui appellent à la rationalité et pointent les atrocités sont nombreuses, on peut notamment penser au récent ouvrage Nos larmes ont la même couleur (B. Awad, R. Damelin, A. Guion) qui suit le deuil des familles ayant perdu leurs enfants abattus pour des raisons qui leur étaient étrangères. Il semble que ces recours à l’affection et à la sensibilité ne peuvent aboutir s’ils ne sont pas couplés d’un engagement politique sincère et rationnelle qui vise à résoudre le conflit de manière multilatérale.

Sources :

L’Express, Le Monde, France Diplomatie, Wikipédia, Le Monde Diplomatique, France Culture