La face cachée des Maldives

Plages de sable blanc, cocotiers, vacances paradisiaques… Telles sont les images qu’évoquent souvent le nom de l’archipel sud-asiatique des Maldives, constitué de 1 199 îles, dont 202 habitées. Pourtant, les Maldives des dépliants touristiques sont aussi le théâtre d’une réalité moins ensoleillée à laquelle sont confrontés les locaux. Cet article a pour vocation de découvrir quelques aspects de cette face cachée dont on soupçonnerait à peine l’existence en sirotant son cocktail dans un transat de l’un des multiples villages de vacances maldiviens – entre corruption, pauvreté accablante, montée de l’islamisme radical et consommation de drogue.

 

Plages de sable blanc et hôtels de luxe

Le développement touristique précoce des Maldives a été essentiellement impulsé par l’initiative privé. En 1960, la capitale, Malé, est dotée d’un aéroport. En octobre 1972, les premiers resorts, le Kurumba village et Bandos, ces îles entièrement cédées en concession à des entrepreneurs touristiques, ouvrent dans l’archipel. En 1978, un Département du tourisme, qui acquiert ultérieurement le statut de ministère, est créé afin d’assurer la mise en valeur progressive des îles les plus vastes, à la capacité d’accueil supérieure.

L’activité touristique a ainsi remplacé le secteur traditionnel de la pêche comme moteur du développement économique, représentant 32% des revenus du pays en 2000. Ce développement original a abouti à la création de nombreuses îles-hôtels, dont le principe se rapproche de celui de « l’enclave touristique » (Cazes) : dans ces îles initialement inhabitées, la main d’oeuvre est exogène et tout est conçu pour l’autonomie (groupes électrogènes, stations d’épuration des eaux usées et désalinisation, restaurants, piscines…). Les Maldives reçoivent aujourd’hui près de 900 000 visiteurs annuels, installés dans 112 villages de vacances.

Toutefois, ces visiteurs en quête de soleil et de paysages paradisiaques ne croisent pratiquement pas de Maldiviens au cours de leur séjour, puisqu’ils sont dirigés directement depuis l’aéroport de Malé, la capitale, vers leur île hôtel. En effet, si le gouvernement retire des recettes touristiques de la location des îles ou des taxes appliquées aux clients, touristes et habitants vivent dans deux mondes cloisonnés. L’accès des îles habitées par les locaux est réglementé, et le logement chez l’habitant interdit.

Islamisme et cocotiers

A côté de ces bulles touristiques, les règles de vie sont très strictes pour les habitants. La Constitution de 1997 fait des Maldives une République dont l’islam est religion d’Etat. La législation appliquée, basée sur la charia, est l’une des plus strictes du monde : les autres religions que l’islam sont interdites, les Maldiviens ne sont pas autorisés à boire de l’alcool… Autant de règles dont les touristes sont exemptés.

Le tsunami de 2004 a accéléré l’essor du fondamentalisme aux Maldives, avec l’arrivée des ONG saoudiennes et de prêcheurs wahhabites qui ont arpenté les îles de l’archipel en présentant le tsunami comme une punition divine. Des prêcheurs pakistanais ou saoudiens sont depuis venus répandre un islam rigoriste, en puisant dans les frustrations sociales mais aussi en comptant sur l’aide d’étudiants partis étudier dans des pays du Golfe et du Pakistan. En 2007, un attentat à la bombe blesse 12 touristes à Malé, encourageant un renforcement des normes de sécurité dans les clubs de vacances alarmés par la situation.

La situation politique n’est pas non plus propice à ralentir cette vague fondamentaliste. Le 7 février 2012, le président Mohamed Nasheed, élu démocratiquement en 2008 après des décennies de régime autocratique, a été forcé à la démission à la suite d’une mutinerie de la police, soutenue par l’opposition. Il est remplacé par son vice-président Mohammed Waheed Hassan, jusqu’aux élections présidentielles de novembre 2013 qui ont porté au pouvoir Abdulla Yameen, le demi-frère de l’ancien président. Ces agitations ont dopé les forces islamistes locales, critiques à l’égard de M. Nasheed, cet « infidèle » adepte d’une lecture libérale de l’islam.

Atteintes aux droits de l’homme et restriction des libertés

La restriction des libertés passe par de nombreux domaines : viols, arrestations arbitraires, censures, mariages précoces… Le rejet du bouddhisme, religion historique des Maldives avant leur islamisation au XIIè siècle, a conduit en 2012 à une opération commando au cœur du Musée national de Malé pour détruire des statues bouddhiques en calcaire et en corail. Les auteurs de ces vandalisations avaient également défilé en faveur de la fermeture des spas, vitrine de la prostitution à leurs yeux, dans les hôtels fréquentés par les touristes étrangers. Ou encore le projet de servir de l’alcool dans un établissement de Malé – ce privilège étant pour l’instant réservé aux seules îles vides de tout Maldivien et accueillant des touristes.

En mars 2013, la situation interne de la population est mise en lumière à l’international, sur les réseaux sociaux : une jeune fille de 15 ans, enceinte après avoir été violée par son beau-père, doit recevoir cent coups de fouet en public. En une semaine, une pétition recueille un million et demi de signatures demandant la fin aux Maldives de la pratique de la flagellation. Le texte menaçant de ternir la réputation des Maldives a conduit à l’annulation des sentences, toutefois entre 100 et 150 flagellations par an sont encore conduites sur les femmes.

Une autre alerte s’est déclenchée en 2014, avec le rétablissement de la peine de mort pour les enfants rétablie par le président au pouvoir, en contradiction avec la Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant. La responsabilité criminelle débute ainsi à 10 ans en général, voire à 7 ans pour certains crimes – le viol, la fornication, la consommation d’alcool ou encore l’apostasie.

En octobre 2016, le gouvernement des Maldives a annoncé le retrait du Commonwealth en lien avec les considérations de l’organisme sur la position du territoire par rapport aux droits de l’homme. Les considérations internes sont également combattues. En avril 2017, l’influent blogueur Yameen Rasheed, réputé pour sa critique incisive du pouvoir en place sur sa plateforme The Daily Panic, a été assassiné de seize coups de couteau.

 « Sucre brun » et autres drogues

Depuis quelques années, la drogue sévit chez les Maldiviens, et plus particulièrement chez les jeunes, entre le haschisch indien, l’héroïne (du « sucre brun » pakistanais et indien à l’héroïne blanche venue du Triangle d’or) et de nouvelles apparitions comme la méthamphétamine et la cocaïne. Selon un rapport des NU, 48% des 15-19 ans sont des consommateurs réguliers. Près de 200 consommateurs à Malé se sont révélés être des consommateurs par injection, vulnérables aux épidémies de maladies transmissibles par le sang telles que le VIH/sida et l’hépatite. Cette omniprésence a conduit au développement de gangs dans les années 90, dont le Masodi, un de plus redoutés, qui gèrent trafic de drogue, alcool et racket. On compte entre 20 et 30 gangs dans l’ensemble des Maldives, avec 50 à 400 affiliés chacun.

De plus, la drogue et les gangs, pour la plupart radicalisés et favorables à Daech, sont les premiers chaînons de la radicalisation qui concerne un nombre croissant de jeunes dans l’archipel. Plus de 200 Maldiviens ont pris depuis 2014 la route de la Syrie et de l’Irak pour aller combattre avec Daech. La destination prisée des touristes est, en valeur relative, le premier pourvoyeur de combattants au monde. Le cheik Shameen, vedette du recrutement djihadiste aux Maldives, détient plus de 28 000 likes sur page Facebook.

 Tu cherches d’autres exemples précis et originaux ? Consulte ces articles : https://major-prepa.com/geopolitique/vietnam-nouvel-atelier-du-monde// : https://major-prepa.com/geopolitique/osaka-ville-lumiere-pays-photovoltaique//