Gare aux questions portant sur la démographie aux concours ! C’est un thème global ou régional selon la formulation du sujet, propice aux analyses multiscalaires… Bref, du pain béni pour les concepteurs de sujets. Petit tour d’horizon sur les grandes idées directrices.

Quand on est face à un sujet qui aborde la question démographique, de quoi doit-on parler? Il faut d’abord veiller à se limiter, poser les bornes du sujet: il s’agit bien d’évoquer l’aspect démographique de l’espace à l’étude (ensemble régionale ou le monde dans son ensemble) et uniquement cela! Ca peut paraitre trivial, mais il ne faut pas s’égarer sur la voie de réflexions sociales ou économique qui seraient hors propos. Parler de démographie, c’est d’abord donner des ordres de grandeurs (combien d’habitants ? quelle densité de population ?), des informations sur la répartition de la population étudiée (migrations, taux d’urbanisation) ainsi que sur sa structure (âge, ethnie…). Il est ensuite essentiel d’évoquer la dynamique démographique: c’est souvent celle-ci qui met en exergue l’intérêt du sujet. Par exemple, lorsqu’on évoque la population africaine, on ne peut pas occulter l’explosion démographique (et urbaine!) que connait le continent noir sans passer complètement à côté du sujet. Si on parle de la population européenne, japonaise ou chinoise, il est impératif d’évoquer la menace que constitue le vieillissement accéléré de ces populations.

I- En préambule

 

Quelques ordres de grandeur à maîtriser :

1800: 1 milliard d’habitants sur Terre
1930: 2 milliards d’habitants
1987: 5 milliards d’habitants
2015: 7,4 milliards d’habitants

Les six pays les plus peuplés :

1) Chine (1 405 millions)
2) Inde (1 289 millions)
3) USA (325 millions)
4) Indonésie (257 millions)
5) Brésil (204 millions)
6) Pakistan (189 millions)

Age médian :

Afrique: 19 ans
Monde: 28 ans
Asie: 29 ans
Europe: 40 ans

Taux de fécondité :

Europe: 1,5
Amérique: 2
Asie: 2,2
Asie: 2,5
Afrique: 4,5

Espérance de vie :

Afrique: 55 ans (Afrique du Nord 68 ans, Afrique Australe et Subsaharienne 52 ans)
Monde: 66 ans (46 ans en 1950)
Asie: 70 ans (Asie de l’Est 75 ans et Asie du Sud 65 ans)
Amérique latine: 73 ans
Europe: 75 ans
Amérique du Nord: 78 ans

Quelques définitions à connaître:

Transition démographique: passage non simultané, de taux de natalité et de mortalité élevés à des niveaux sensiblement plus faible. A la clé, un accroissement démographique important s’opère sur une période plus ou moins longue.

Fenêtre démographique: structure de la pyramide des âges d’un pays et les perspectives qui en découlent (une fenêtre démographique est favorable ou défavorable).

Taux de fécondité/ indice de fécondité: nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer.

Taux de natalité: rapport entre le nombre annuel de naissances et la population totale (exprimée en 1 pour 1 000).

II- L’explosion démographique des pays du Sud: Comment problématiser sur ce sujet ?

Evidemment, pas de recette miracle: la problématique à adopter va dépendre de la formulation du sujet et de l’ensemble étudiée. Si le libellé mêle question démographique et Afrique, Moyen-Orient ou Asie (ou bien les trois!) on peut tout de même dégager une grande question, qui se pose sous la forme d’une alternative:

La croissance démographique/ l’explosion démographique est-elle une pression créatrice, porteuse d’opportunités ou de développement OU une pression destructrice, source de pauvreté et de tensions sociales ou géopolitiques?

A) Références et arguments “contre” l’explosion démographique

La bombe P (the population bomb) de Paul Ehrlich: c’est un livre écrit en 1968 qui prédisait des famines dans les années 1970 et 1980 en raison de l’explosion démographique incontrôlée dans les pays du Sud. Il plaide en faveur de politiques de restriction des naissances. Critiqué pour son ton alarmiste, l’ouvrage est néanmoins devenu un best-seller et a été traduit dans presque toutes les langues.

Dans la même optique, on peut démontrer aisément que l’explosion démographique rend la tâche des garants du développements des nations concernées -les Etats- plus difficile. C’est notamment le cas en Afrique: dans nombres de pays à 5% de croissance annuel, le PIB par hab n’augmente que de 2% ou 3% en raison de l’accroissement démographique.
Sur le continent noir, le marché du travail ne peut absorber une jeunesse toujours plus nombreuse. Les jeunes désœuvrés se tournent vers les différents trafics pour subsister, ce qui fait les affaires des chefs de guerre, voire des groupuscules terroristes. Le sentiment de “surnombre” comparativement à la finitude des ressources terrestres est un vecteur de tensions certain (l’exemple du génocide Rwandais est le plus notable: le conflit entre les Tutsi éleveurs et les Hutus cultivateurs s’est cristallisé autour de la question de l’espace).
Enfin, la croissance démographique a pour corollaire l’explosion urbaine, qui fait des macrocéphalies africaines des lieux attractifs mais de plus en plus dangereux, constitués en partie d’habitats précaires (bidonville). Ce phénomène de macrocéphalie s’observe aussi en Asie du Sud-est.

Fort de ce constat, certains Etats ont adopté des politiques de restriction des naissances: c’est notamment le cas de la Chine (politique de l’enfant unique) ou de l’Inde des années 1960 dans laquelle Indira Gandhi organisait des stérilisations massives.

B) Références et arguments “pour” l’explosion démographique

Evolution agraire et pression démographique d’Ester Boserup (1970) : S’opposant à Thomas Malthus, elle considère que la croissance de la population est le facteur déterminant des changements technologiques survenus dans l’agriculture. La densité démographique incite à augmenter la fréquence des récoltes sur une parcelle donnée (intensification de l’utilisation du sol). En somme, la croissance démographique serait une pression bienfaisante “créatrice” de croissance et de développement.

“Une bouche c’est deux bras” disait Mao dans les années 1960. Cette logique adoptée par beaucoup de pays du “Tiers-Monde” (Alfred Sauvy) sera entérinée quelques années plus tard, en 1974. C’est à cette date que se tient la conférence de Bucarest, lors de laquelle les pays du Nord arrivent avec des plannings familiaux censés aider les pays du Sud à endiguer l’explosion démographique qui pourrait compromettre leur développement. Ces derniers rejettent massivement la mise en place de politiques néomalthusiennes: ils y voient une tentative d’asservissement des pays du Nord.
Géopolitiquement, la démographie est aussi un facteur essentiel de la puissance d’un Etat. Les politiques natalistes de certains Etats visent à “occuper l’espace” afin de se l’accaparer. C’est un outil de légitimation du pouvoir sur un territoire donné. Israël et Palestine se livrent ainsi une véritable “guerre du ventre”.

“Un enfant, c’est une flèche dans l’œil de l’ennemi”. Saddam Hussein

III- Au Nord (mais pas que !), la question du vieillissement et ses enjeux

“Le XXème siècle sera celui du vieillissement” disait Alfred Sauvy. La problème du vieillissement n’est pas un sujet propre aux pays développés: nombre d’émergents commencent à ressentir les effets de l’évolution progressive de leur pyramide des âges. D’après l’ONU, en 2050, 80% des plus de 60 ans vivront au Sud. La Chine en particulier, après avoir bénéficié d’une fenêtre démographique idoine pour le formidable essor économique qu’elle connait depuis plus de 30 ans, aperçoit le retour de bâton se profiler: la politique de l’enfant unique bouleverse la logique ancestrale de la famille chinoise, dans laquelle les enfants prennent en charge leurs parents lorsque ceux-ci se font vieux. A travers cet exemple, on perçoit bien que le vieillissement de la population implique forcément certaines mutations sociétales.

«Tandis que les pays développés sont devenus riches avant de devenir vieux, les pays en développement seront vieux avant de devenir riches.»  Gro Harlem Brundtland, ancienne directrice générale de l’OMS, en 2002.

Si le phénomène est mondial (on peut exclure éventuellement l’Afrique qui ne devrait être confrontée à ce problème que dans plusieurs décennies ; l’âge médian y est actuellement de 19 ans), elle impacte inégalement les différents continents. C’est en Occident que cette tendance est la plus préoccupante dans l’immédiat: elle n’est certes pas nouvelle, mais le vieillissement s’accélère nettement depuis 15 ans. Au XXème siècle, la moyenne d’âge des pays développés augmentait d’une année par décennie ; nous sommes actuellement sur un régime de deux années par décennie. En Europe, il y a 85 millions de + de 65 ans et possiblement 120 millions à l’horizon 2030. Les taux de fécondité sont ainsi particulièrement bas sur notre continent (aucun pays ne dépasse 2 enfants/femme là où le seuil de renouvellement des générations s’élève à 2,1 enfants/femme).

Les questions d’ordre politique et économique sous-jacentes à ce problème du vieillissement dans les pays développés sont nombreuses et il convient de toutes les traiter si le sujet porte sur cette problématique:

  • l’apport migratoire déjà indispensable pour pallier le manque de naissances
  • l’émergence d’une “silver économie” qui va créer des emplois dans les services et la recherche médicale
  • le problème épineux du système de retraite: peut-il encore être viable ? En 1950, il y avait 12 actifs pour un retraité en Europe. Ce chiffre est passé à 9 en 2000
  • les conséquences macroéconomiques (augmentation de l’épargne, diminution de la consommation, crispation du marché du travail notamment)

IV- Mise en garde

Attention, ce ne sont que des pistes de réflexion ! L’importance d’analyser précisément le sujet et de produire une copie en conséquence prévaudra toujours par rapport à un amas de connaissances sur le thème abordé.