La Révolution Culturelle est un mouvement politique suivi de troubles sociaux ayant eu lieu dans les villes et campagnes chinoises et initié en 1966 par Mao Zedong. Écarté de la présidence du pays mais toujours aux commandes du Parti Communiste chinois, Mao Zedong mobilise la jeunesse chinoise autour d’un renouveau révolutionnaire destiné à lutter contre la bourgeoisie, le réformisme des dirigeants au pouvoir et l’opposition à la révolution prolétarienne. Le pays a frôlé la guerre civile dans ces conflits internes qui, loin d’être les plus meurtriers de l’histoire nationale, ont souligné les incohérences de la pensée communiste et la fébrilité du régime.

Commencement

En 1958, Mao encore à la présidence du pays et du parti lance une vaste industrialisation des campagnes à l’échelle nationale, intitulée « le Grand Bond en Avant ». Cette mise-à-mal de l’appareil agricole national entraine de graves famines dans tout le pays qui seront à l’origine de près de 45 millions de morts sur une population de 700 millions d’habitants… L’échec de cette politique utopique conduit Mao à démissionner de la présidence du pays mais tout en restant aux manettes du parti, et Liu Shaoqi est désigné comme successeur de Mao par le Congrès. Il entreprend des réformes plus modérées en comparaison avec celles de son prédécesseur qui lui est progressivement écarté des affaires économiques du pays. Constatant les dégâts du Grand Bond en Avant, Liu Shaoqi aurait annoncé à Mao : « Avec autant de morts de faim, l’Histoire retiendra nos deux noms et le cannibalisme sera aussi dans les livres ». Toujours à la tête du parti et soucieux de lutter contre la réforme modérée de l’appareil économique, Mao publie en 1966, via le comité du parti, une série de réformes en vue d’une grande révolution prolétarienne. Elle prônerait une purge interne du parti et une lutte contre les vieilles traditions coutumes et croyances. Liu Shaoqi est progressivement écarté et meurt en prison en 1969.

Les gardes rouges, fer de lance de la Révolution

Un engouement populaire nait en faveur de cette révolution suite à la publication du projet de loi, et Mao comprend vite l’intérêt de mobiliser une jeunesse qui n’a connu ni la Chine nationaliste ni la corruption capitaliste. Les gardes rouges sont des jeunes galvanisés qui s’engagent pour défendre les idéaux révolutionnaires et chasser intellectuels, bourgeois et autre ennemi de la cause communiste. Regroupés autour du Petit Livre Rouge, inspiré par Mao en 1964, ils perquisitionnent, chassent, persécutent et emprisonnent les « ennemis de la Révolution » (hautes fonctionnaires, professeurs,…) pendant les trois premières années de cette dernière, avant d’être écartés par Mao. Mais à l’engouement populaire succède la terreur due aux arrestations aléatoires, jugements arbitraires et autres méfaits dans tout le pays. Tensions et discordes s’installent sur tout le territoire entre 1966 et 1967, alors que les gardes étendent leur influence sans assurer leur unité, que les ouvriers rejoignent les gardes, et que l’armée est appelée en renfort. La Révolution se mue en une série désorganisée de révolutions locales aux ambitions différentes, dans tout le pays.

La destruction progressive de la culture

Les gardes rouges, sous prétexte de défendre le renouveau révolutionnaire, ont constamment chassé les différentes formes d’art et de croyance. La culture du plateau tibétain a beaucoup souffert de l ‘arrivée de gardes rouges sur son territoire qui ont méthodiquement détruit les lieux de culte (statuts de Bouddha,…). Les artistes sont mutilés, et le « vieil art » est progressivement remplacé par un art révolutionnaire institutionnalisé par des nouveaux théâtres et lieux de spectacles dédiés à cette culture révolutionnaire. En parallèle de cette destruction culturelle massive se construit un véritable culte de la personnalité, incarné par le fameux tableau de Mao Zedong et son Petit Livre Rouge (recueil de citations et d’anciens discours du Grand Timonier), culte qui sera un pilier de la vie quotidienne à la manière d’une religion.

Le rôle de l’Armée Populaire de Libération (APL)

Mao décide de l’intervention de l’armée en janvier 1967 face à la discorde qui règne dans le pays et à la multiplication des factions, aux ambitions, objectifs et doctrines bien différents même si relevant tous du communisme. L’armée a pour ordre de défendre les centres vitaux du pays (production, transports,…) et doit aussi aider les « vrais révolutionnaires », selon Mao, à prendre le pouvoir. Mais la subjectivité de ce terme ne permet pas une réalisation complète du second ordre qui était imprécis dès le départ. L’armée est en charge de la répression de foyers rebelles, dans les campagnes, qui remettraient en cause l’autorité de Mao. Malgré la stabilisation progressive de la situation à partir de 1967, l’armée fait encore face à des factions rebelles dans le sud du pays, et n’hésite pas à utiliser des moyens extrêmes comme l’artillerie lourde ou le napalm pour faire taire la contestation.

La déportation de la jeunesse, après 1967

Cette jeunesse rouge est de moins en moins bien considérée par Mao au vue de l’importance qu’elle a acquise au cours des années 1966 et 1967 via les Gardes. Sous prétexte de vouloir former une jeunesse révolutionnaire endurcie par la vie à la campagne, Mao, qui est de nouveau à la tête du pays en 1968, organise la déportation de cette jeunesse révolutionnaire et citadine vers les campagnes. Près de 5 millions d’anciens Gardes Rouges sont déportés entre 1967 et 1969, et feront partie de ces 17 millions de jeunes déportés autoritairement entre 1967 et 1980. Ce « mouvement d’envoi des jeunes instruits à la campagne » verra l’émergence d’une jeunesse méfiante vis-à-vis du régime et des diktats de la Révolution, et prônera ensuite l’ouverture du pays (Xi Jinping en fait partie).

Tensions politiques et fin des troubles (1967-1976)

Diverses idéologies s’opposent au sein du parti communiste après les exactions de la Révolution Culturelle. Dans les grandes lignes, Mao apporte son soutien à la bande des Quatre qui veut préserver l’héritage maoïste de la Révolution culturelle, et s’oppose à une branche pragmatique incarnée par Zhou Enlaï puis Deng Xiaoping. Mao et Zhou meurent en 1976 et à la suite de conflits internes, la bande des Quatre est arrêtée, et Deng est réhabilité en 1977 et dirige le pays. Il mettra la Chine sur la voie de l’ouverture et du libéralisme économique grâce aux fameuses modernisations engagées en 1979.

Conclusion

L’opacité des informations autour de cette décennie est telle qu’il est impossible de connaître le nombre de victimes exacte, qui est néanmoins estimé à près d’un million de personnes, mortes dans les camps ou sur des lieux de conflits. Même si on est bien loin des résultats désastreux du Grand Bond en Avant, les troubles politiques de la Révolution ont profondément marqué la population. Beaucoup s’en souviennent comme d’un cauchemar et le régime actuel reste muet sur cette période sombre qui l’incommode. Pour preuve, les victimes de Mao, qu’elles soient simples paysans ou dirigeants du parti, ont été réhabilitées sans que ce soit rappelé leur nom. On retiendra aussi l’hystérie collective au moment de la Révolution qui s’est vite transformée en une kyrielle d’initiatives isolées, bien loi de l’objectif primaire de son initiateur Mao.