La stratégie dite du « collier de perles » a été mise en place par la République populaire de Chine afin de garantir la sécurité de ses voies maritimes jusqu’au Moyen Orient, dans l’optique d’assurer l’approvisionnement énergétique du pays. Le nom de collier de perles date de 2004 et a été mentionné pour la première fois dans un rapport interne du département d’État américain intitulé « Energy Futures in Asia ».

Depuis 2008, la Chine donne la priorité aux constructions navales militaires d’après le sixième Livre Blanc chinois sur la défense nationale. Depuis cette date, la Chine est devenue la troisième puissance navale en termes de tonnages et a dépassé celle de la Russie en 2016. Les chantiers navals chinois développent de nouvelles activités telles que les constructions de sous-marins, de frégates, de bâtiments amphibies ou encore de bâtiments de soutien. De facto, la marine chinoise est passée d’une marine côtière traditionnelle à une marine océanique.

Description de la stratégie du collier de perles

La stratégie du « collier de perles » consiste dans le rachat, la construction ou la location pour une durée limitée d’installations portuaires et aériennes allant des ports chinois jusqu’au détroit d’Ormuz et aux côtes orientales de l’Afrique -détroit de Bab-El-Mandeb-, via les rives de l’Océan Indien. La Chine, consciente de sa dépendance énergétique vis-à-vis des autres pays mais également de la faiblesse de ses routes commerciales, place stratégiquement ses forces navales afin de sécuriser ces passages. Le président Hu Jintao avait initié un vaste programme censé répondre à ces contraintes et nouveaux enjeux auxquels doit faire face la Chine.

Le collier de perles s’inscrit donc dans une stratégie d’extension du contrôle chinois sur la mer de Chine méridionale et la mer de Chine orientale -où se trouvent les champs de Chunxiao, riches en ressources gazières. Il faut savoir que cette zone du monde est celle dans laquelle les flux commerciaux sont les plus intenses, et la Chine doit également partager cet espace avec ses voisins japonais et « dragons » asiatiques. De plus, près de 80% des importations énergétiques chinoises transitent par la mer de Chine méridionale et 40% de ses besoins en hydrocarbures viennent du Moyen-Orient.

Pour mener a bien cette stratégie, Pékin a développé un grand nombre de projets en Asie méridionale qui ont eu des conséquences immédiates sur les relations avec les pays voisins.

Le prétexte du « dilemme de Malacca »

Le 29 novembre 2003, Hu Jintao, président de la République populaire de Chine, prononce à Pékin un discours clôturant un séminaire économique restreint du comité central du PCC (Parti Communiste Chinois) dans lequel il fait part de son inquiétude quant à la haute dépendance pétrolière de son pays. Les importations pétrolières principalement issues du Golfe Arabo-Persique et des pays d’Afrique passent par le détroit de Malacca, une route commerciale sensible selon le président chinois, car un contrôle de cette région par des puissances étrangères entraînerait des difficultés pour l’approvisionnement pétrolier de la RPC, ce qui, in fine, perturberait le fonctionnement de l’économie chinoise.

C’est, de facto, dans cette optique que le président chinois de l’époque entend prendre les mesures nécessaires afin de réduire la vulnérabilité de son pays. L’expression du « dilemme de Malacca » vient du titre d’un journal d’Hong-Kong, Wen Wei Po, qui a repris les propos du président Hu Jintao en les résumant sous la dénomination « dilemme de Malacca ». Cette expression a par le suite été reprise par plusieurs médias chinois qui ont fait de cette expression un enjeu de sécurité nationale.

Jusqu’à présent, les États-Unis étaient les garants de la sécurité du continent asiatique ainsi que de ses voies maritimes. Toutefois, la stratégie chinoise du « collier de perles » consiste à créer un nouvel ordre régional multipolaire qui se traduit par la remise en cause de l’équilibre des puissances en Asie.

Description des relations avec les pays voisins

La Birmanie

Il s’agit d’un des alliés les plus fidèles de la Chine dans cette région : le pays met de nombreux ports à disposition de la RPC comme les installations portuaires en eaux profondes de Sittwe ainsi qu’une base sur l’île Coco. De plus, la Chine peut également utiliser les ports du pays, notamment les ports de Munaung et Hainggvi.

Afin d’éviter le détroit de Malacca et de sécuriser ses approvisionnements en pétrole et gaz naturel, la Chine a fondé une co-entreprise avec la Birmanie en 2009 pour construire un gazoduc et d’un oléoduc entre le golfe du Bengale et Kunming.

Djibouti

En 2017, localisé stratégiquement dans le golfe d’Aden, a accepté l’installation d’une base militaire chinoise dans le ports de la capitale (Djibouti).

L’Inde

Le pays, avec qui la Chine entretien des relations tendues en raison de différends territoriaux, accuse Pékin de vouloir l’encercler via la stratégie du collier de perles.

Pour contrer cette influence chinoise, l’Inde a développé la Look East Policy, afin de se rapprocher des pays d’Asie du Sud-Est. En 2018 elle a noué des accords avec les Seychelles et l’Île Maurice afin d’y installer des bases militaires.

Les Maldives

La RPC profite des relations tendues entre l’archipel des Maldives et l’Inde. L’État indien n’a jamais caché sa déception de ne pas pouvoir contrôler cet archipel qui s’étend loin dans l’Océan et qui lui aurait, in fine, conféré une importante domination maritime. Toutefois, le président de l’archipel jusqu’en 2008 Abdul Gayoum s’est rapproché de la Chine sous l’œil inquiet des Américains et des Indiens. Ce rapprochement se traduit par l’ouverture d’une ambassade des Maldives en Chine en 2007, mais surtout par la construction d’une base de sous-marins chinois à Marao, dont l’atoll, à 40 kilomètres au sud de la capitale, serait loué pour 25 ans aux Chinois.

Sri Lanka

Tout comme les Maldives, la RPC a profité du climat tendu entre le pays et son voisin indien. De 1983 à 2009, le Sri Lanka était victime d’une guerre civile opposant la majorité cinghalaise bouddhiste, et les Tigres de libération de l’Îlam tamoul (LTTE), organisation séparatiste luttant pour la création du Tamil Eelam, un État indépendant dans l’Est et le Nord du pays, majoritairement peuplé de Tamouls de confession hindoue. L’Inde s’est toujours montrée réticente à donner des armes au Sri Lanka pour en finir avec cette guerre civile, ce que le pays n’apprécie toujours pas. Contrairement à l’Inde, la Chine a apporté une aide déterminante au gouvernement de Colombo et dans la victoire finale. Pour certains experts, cette aide chinoise était faite dans un but tactique : le pays possède une localisation stratégique dans l’Océan indien qui en fait un point de passage commercial et pétrolier crucial pour l’avenir. La Chine a d’ailleurs financé la construction d’un port au sud-est du pays, à Hambantota, une des perles cruciales.

Le Pakistan

Le pays est l’allié de longue date de la Chine en Asie du sud et est principalement cité en raison du port de Gwadar, financé à 85% par la Chine. Construit avec l’assistance chinoise, il est sans doute destiné à devenir la base la plus importante de la Marine chinoise -avec les installations pakistanaises d’Ormara- sur les côtes de l’Océan Indien.

Bangladesh

Dans ce pays, le port de Chittagong a subi d’importants travaux de modernisation de sa partie militaire par la Chine. Cette dernière gagne donc un accès pour ses propres navires.

Les Seychelles et l’Île Maurice

Ces deux pays ont récemment approfondi leurs relations avec l’Empire du milieu. En février 2009, Hu Jintao a annoncé , lors d’un voyage à l’Île Maurice , la création d’une « zone économique spéciale » pourvoyeuse d’emplois ainsi que l’ouverture d’un chantier de modernisation de l’aéroport international présent sur l’île. Pendant la même période il s’est également rendu aux Seychelles. L’archipel se dit inquiet de la montée de la piraterie à proximité de ses côtes et voit en la Chine l’aide nécessaire afin de résoudre ce problème majeur.

Néanmoins, ils ont accepté l’installation de bases militaires indiennes sur leur territoires en 2017.

La limite du « collier de perles » : le port de Gwadar

Le port de Gwadar, au Pakistan, est le parfait exemple pour montrer les limites de la stratégie chinoise. Bien que Gwadar soit la clé de voûte de ce projet, un certains nombres d’éléments montrent que son exploitation est en difficulté. Tout d’abord, le coût lié à la modernisation des installations portuaires semble plus élevé que prévu. De plus, les autorités pakistanaises ne donnent pas les soutiens logistiques nécessaires pour le bon fonctionnement du port.

Dernier fait en date : le port pakistanais de Gwadar a été officiellement placé sous le contrôle d’une entreprise chinoise le 11 novembre 2015, ce qui permettra à la Chine de mieux contrôler le transport de pétrole dans la région. La compagnie Chinese Overseas Ports acquiert donc la gestion d’une zone de 923 hectares pour une période de quarante-trois ans