On vous le rappelle, on a décidé à Major-Prépa de revenir chaque jour sur un des aspects des premiers mois de la présidence Trump, tout au long de la semaine. Après le bilan économique provisoire, le zoom sur son action à l’international, sur deux mesures phares puis sur les principales réussites, on s’attaque aujourd’hui à un vaste sujet : les neufs premiers mois du président dans le domaine de l’environnement. Que retenir pour l’instant ? On décrypte ses principales décisions.

Un climatosepticisme assumé

Quand on a le pouvoir de le faire, quoi de plus simple que de censurer un mot qui ne nous plaît pas ? C’est sûrement ce qu’a dû se dire Donald Trump, début août, en demandant au Service de Conservation des Ressources Naturelles Américain (NRCS) de bannir tout un ensemble de termes du vocabulaire de son personnel. The Guardian, qui s’est procuré une série d’emails échangés directement avec l’administration américaine, explique ainsi que des mots comme « réchauffement climatique » et « gaz à effet de serre » devraient dorénavant être remplacés respectivement par « phénomène climatologiques extrême » et « émanation de matière organique provenant du sol ».

Cette décision intervient au lendemain de la fuite d’un rapport gouvernemental alarmant sur la situation du climat. Ce rapport, publié tous les quatre ans, doit en principe être approuvé par le gouvernement avant sa publication. Cette année, le rapport préliminaire, particulièrement préoccupant, a été publié par le New York Times sans l’avis de l’administration Trump. Le scientifique à l’origine de la fuite a précisé au quotidien que ses collègues et lui avaient préféré divulguer le document avant que ce dernier ne soit enterré par le gouvernement.

Inutile de préciser que l’hostilité de Trump vis-à-vis de la lutte contre le réchauffement climatique ne s’arrête, ni ne commence ici. Aujourd’hui, on rembobine donc les neufs premiers mois du président Trump sous l’angle de son action vis-à-vis de la protection de l’environnement.

Le réchauffement climatique : « un canular des Chinois »

1er juin 2017, Trump annonce le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Tout sauf une surprise de la part du leader américain qui avait fait campagne en maudissant la protection de l’environnement, assimilant volontiers le réchauffement climatique à « un canular entretenu par la Chine pour affaiblir l’économie américaine ». Avant cette décision symbolique et lourde en conséquences (on le verra en détails), il avait déjà pris bon nombre d’initiatives très contestées.

Un climatosceptique à la tête de l’Environnement

A peine élu, Donald Trump avait annoncé la couleur en nommant Scott Pruitt, un climatosceptique convaincu, à la tête de l’EPA, l’Agence américaine de Protection de l’Environnement. Dans son État, cet ancien procureur général de l’Oklahoma avait intenté plus d’une dizaine d’actions en justice contre le « Clean Power Plan » (projet pour une énergie propre), clé de voûte de l’action environnementale de l’ancien président démocrate. Selon la proposition de budget 2018, l’EPA est d’ailleurs susceptible de perdre 31% de sa dotation financière, tandis qu’une réduction de 20% de ses effectifs est prévue. Cela ne faisait déjà guerre de doute : l’environnement n’est pas la priorité du nouveau président.

Trump entend « mettre fin à la guerre contre le charbon »

Ensuite, Donald Trump s’est entêté à saper les avancées de l’ère Obama avec, il faut le dire, une efficacité redoutable. Sur les trente décrets signés par Donald Trump au cours de ses cent premiers jours à la Maison Blanche, huit concernaient l’environnement. Par exemple, le « décret sur l’indépendance énergétique » ordonne un réexamen du Clean Power Plan dont l’objectif est d’accélérer la transition énergétique en imposant aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2. Rien d’étonnant quand on sait que Trump souhaite « mettre fin à la guerre contre le charbon » et faire entrer son pays dans une « nouvelle ère énergétique », dominée par le « magnifique charbon propre ». Un oxymore qui prend, dans la bouche de Trump, des airs de pléonasme… ou de provocation, sachant que les émissions de carbone sont le premier facteur du réchauffement climatique.

Le patrimoine américain menacé

Parmi les autres mesures controversées, on trouve la relance des oléoducs Keystone XL et Dakota Access dont la construction avait été interrompue à la demande d’Obama en raison de leur impact environnemental, une coupe de 97% dans le budget de l’agence en charge de la sauvegarde des Grands Lacs ainsi que le dépeçage des parcs nationaux comme le Grand Canyon ou la Vallée de la Mort, jusqu’alors protégés de l’exploitation des entreprises.

Retrait du protocole de Paris : ça veut dire quoi au juste ?

Tous ces décrets annonçaient en filigrane l’inévitable retrait des États-Unis de l’historique Accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre 2016. Mais concrètement, comment ça se passe ?

Première option, Donald Trump choisit de suivre le protocole de retrait prévu par l’accord, mais il y a un délai. C’est seulement trois ans après l’entrée en vigueur, soit le 4 novembre 2019, que le Président américain pourra dénoncer l’Accord auprès du Secrétaire Général des Nations Unies, le retrait prenant alors effet un an plus tard, en 2020 donc. La seconde option, plus rapide, serait de dénoncer directement la convention cadre des Nations Unis sur les changements climatiques. Cette manœuvre pourrait permettre un retrait de la COP21 en seulement un an, mais elle s’avère plus risquée pour Trump, puisqu’elle nécessite le feu vert du Congrès américain. Pour l’instant, c’est la première option qu’il semble avoir retenue. Mais quelles conséquences aura la sortie une fois actée ?

De lourds impacts écologiques et géopolitiques potentiels

Les États-Unis étant le deuxième émetteur de gaz à effet de serre (5,7 milliards de tonnes par an environ), leur retrait va indéniablement fragiliser la lutte contre le réchauffement climatique dans la mesure où ils s’étaient engagés, dans le cadre de l’Accord, à réduire de 26 à 28% leurs émissions de 2005 comparées à 2025. Si certains experts ont calculé le coût de cette décision à 0,1 ou 0,2 degrés supplémentaires pour la planète, l’impact diplomatique est encore incertain. En effet, le texte contient un volet d’aide aux pays développés qui prévoit 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider ces États à faire face aux effets du réchauffement climatique et à financer leur transition énergétique. L’attitude de la première puissance mondiale pourrait faire effet boule de neige parmi les États signataires de l’Accord et en pousser certains à ne pas respecter leurs engagements financiers, même si pour l’instant l’Europe et la Chine se serrent les coudes.

Une décision unilatérale très contestée

Une chose est sure, Trump ne va pas attendre la sortie effective de son pays pour respecter ses promesses de campagne, d’autant que l’Accord de Paris n’est pas contraignant, c’est-à-dire qu’il n’a prévu aucun pouvoir de sanction. Néanmoins, si la lutte contre le réchauffement climatique devra se faire sans l’Amérique, il faut tout de même compter sur les Américains. En effet, le secteur privé, qui considère la transition énergétique comme une réelle opportunité économique, ne voit pas d’un bon œil cette décision tandis que de nombreux États, comme la Californie, se sont engagés à poursuivre les objectifs fixés lors de la COP21. Les autres puissances, quant à elles, n’ont pas fléchi et semblent toujours déterminées à « Make The Planet Great Again ». Affaire à suivre, donc.