American Dream

Cet article a été initialement publié sur le site de Diplo’Mates, l’association de géopolitique des étudiants de l’EMLYON !

Les primaires américaines ont démarré le 1er février avec le caucus de l’Iowa. Elles vont durer 6 mois, durant lesquels tous les regards seront braqués sur les candidats à la présidentielle. Un mois après le début des primaires, Diplo’Mates offre un petit éclairage sur ce processus long et aux règles bien précises, et dresse un portrait des candidats en lice pour la présidence.

Les primaires américaines : comment ça marche ?

Tout le monde ne peut pas devenir président des États-Unis… En effet, le candidat doit être citoyen du pays, avoir plus de 35 ans et avoir résidé au moins 14 ans dans le pays. Barack Obama ne peut pas être candidat à un troisième mandat pour la présidence, car depuis l’adoption du 22e amendement, en 1974, le président des Etats-Unis ne peut pas effectuer plus de deux mandats.

Mais les électeurs américains ne votent pas directement pour leur candidat préféré. Ils doivent d’abord choisir des délégués au niveau de leur circonscription, puis du comté et de l’Etat, qui soutiendront un candidat lors de la convention du parti en juillet 2016.

Il existe deux manières d’élire les délégués de chaque État :

– soit les Partis organisent des caucus, meetings qui ne sont ouverts qu’aux électeurs inscrits comme démocrates ou républicains

– soit les Etats organisent des primaires, qui ressemblent à des élections « normales » avec isoloir, bulletin de vote et urnes. Les primaires sont dites « ouvertes » (à tous les électeurs) ou « fermées » (réservées aux seuls électeurs enregistrés comme démocrates ou républicains).

Le nombre de délégués pour chaque candidat est le plus souvent proportionnel au nombre de voix pour tel candidat à la présidentielle ; mais dans certains Etats comme en Floride, le « winner takes it all » : 55% des voix pour Donald Trump conduit à 100% de délégués pour le candidat républicain, ce qui remet partiellement en cause la définition de « démocratie »…

Le 1er mars s’est tenu le « Super Tuesday », une des dates les plus importantes des primaires : les primaires ou caucus de plusieurs Etats sont organisés en même temps. Les chroniqueurs politiques estiment que le candidat qui emporte le plus de délégués lors du « Super Tuesday » est assuré d’être le candidat de son parti à l’élection présidentielle.

Perdu dans la jungle des candidats ?

Sur l’échiquier politique américain, certains candidats ont déjà jeté l’éponge depuis le 1er février, mais il en reste encore 10.

Du côté des Républicains, Donald Trump est sur toutes les lèvres. Ses réponses binaires à des questions compliquées (« On revient en Irak, on défonce Daech et on prend le pétrole », propose-t-il lors du meeting de Birch Run, Michigan, le 11 août 2015), son machisme et son racisme à peine voilés en font le favori des sondages, avec 37% des intentions de votes, selon les plus récents sondages compilés par le Huffington Post. Il est le fils d’un développeur immobilier et le symbole de l’Amérique de la réussite individuelle : il possède désormais des casinos, des parts dans l’industrie du yacht, des gratte-ciels… Certains médias américains disent qu’une fois avoir récolté des millions de dollars pendant la campagne, il se retirera de la course, trop obsédé par l’argent pour continuer : président des Etats-Unis, c’est peut-être beaucoup de soucis, et pas si bien payé que ça, finalement.

Dans la course républicaine se trouve aussi l’ultraconservateur sénateur du Texas, Ted Cruz, pro-armes et anti-avortement et anti-mariage homosexuel. Il stigmatise durement les instances de son propre parti, ce qui lui a attiré la méfiance de ses pairs (John McCain l’a même qualifié de « dingue »). Pourtant, il a remporté le scrutin républicain en Iowa, devançant de trois points Donald Trump. Contrairement à son adversaire Donald Trump, il a une véritable carrière politique, ce qui peut faire pencher la balance en sa faveur.

Face aux deux précédents candidats, le sénateur de Floride Marco Rubio a abandonné la course le 16 mars dernier, ne récoltant que 27% des voix dans son propre Etat (contre 45% pour Donald Trump). Des dix-sept candidats initiaux, il n’en reste plus que trois : Donald Trump, Ted Cruz, et John Kasich, gouverneur de l’Ohio, qui a infligé un sanglant revers à Donald Trump dans l’Etat qu’il gouverne.

Pour les élections de 2016, la situation est plus simple chez les démocrates : parmi les deux seuls candidats, on entend bien sûr parler de Hillary Clinton, ex-secrétaire d’Etat, ancienne First Lady, qui retente sa chance après sa première tentative ratée en 2008. Samedi 27 février, elle a remporté la primaire en Caroline du Sud (73% des voix), là où elle avait échoué face Barack Obama il y a 8 ans. Son programme reprend les idées de la gauche libérale féministe. Cependant, on peut légitimement penser que si elle est élue, elle pourra changer de bord : sur Israël ou la situation en Syrie, elle a souvent critiqué Obama et défendu des positions proches de celles de McCain.

Son adversaire, le sénateur du Vermont Bernie Sanders, se décrit comme un « socialiste », ce qui est très inhabituel dans un pays où le socialisme est perçu comme un épouvantail. Toutefois, les campagnes démocrates sont très souvent très à gauche, mais une fois investi, le candidat démocrate vire au centre. Le programme de Bernie Sanders est le suivant : augmenter le salaire minimum, étendre la couverture de l’assurance retraite, augmenter l’impôt sur les riches… Mais plus que la révélation d’une adhésion croissante aux idées socialistes, le succès de Bernie Sanders montre plutôt la formation d’un front anti-Clinton. Pourquoi ? Après le scandale sur l’opacité de ses emails quand elle était secrétaire d’État entre 2009 et 2013, des critiques pour des histoires d’argent (notamment en ce qui concerne des dons à la Fondation Clinton), certains la considèrent comme trop riche pour représenter l’Américain moyen. Le Huffington Post s’interroge : « Se pourrait-il que Hillary Clinton soit devenue trop riche pour s’asseoir derrière le Bureau ovale ? ».

Lors du deuxième « Super Tuesday » le 15 mars dernier, Hillary Clinton l’a emporté face à son adversaire en Floride, dans l’Ohio, en Caroline du Nord et dans l’Illinois, ce qui devrait considérablement accroître son avance sur son rival en termes de délégués. A cette occasion, elle a déclaré : « On ne peut renoncer à tout ce qui a fait la grandeur de l’Amérique et tout ne tourne pas autour de Donald Trump. On ne peut se contenter de ne parler que des inégalités économiques, nous devons nous attaquer à toutes les formes d’inégalités et de discrimination. », visant ainsi certains propos de Donald Trump, qui s’est engagé à refouler 11 millions d’immigrants illégaux présents sur le sol américain.

Un nouveau président pour de nouveaux défis

En juillet prochain, pendant 4 jours, se tiendront les conventions nationales de chaque parti afin de mieux faire connaître le candidat qui a été investi par les délégués. C’est le début de la campagne officielle pour les deux candidats républicain et démocrate, jusqu’à l’élection par les citoyens le 8 novembre 2016.

Élu pour son charisme, Barack Obama pensait pouvoir gouverner grâce à celui-ci. Ce n’est pourtant pas possible car le Congrès est en place pour une durée plus longue que la présidence et a beaucoup plus de pouvoir sur les affaires internes.

Quels défis attendent donc le successeur de Barack Obama à la Maison Blanche ?  Certes, les retraits d’Afghanistan et d’Irak firent parler d’eux. Mais se furent plutôt les accords sur le nucléaire iranien et les politiques contre le changement climatique qui marquèrent la politique Obama, accompagnés de l’Obamacare (services de santé pour les plus pauvres) ou encore du mariage homosexuel.

Cependant, la réduction à néant des relations avec la Russie sera le pire résultat de la politique étrangère du président en poste depuis 2008, désormais cadeau empoisonné de Barack Obama à son successeur. La législation sur les armes à feu est encore une question en suspens, malgré les fusillades quasi-quotidiennes dans ce pays où porter une arme est un droit.

Obama s’est exprimé sur les premiers résultats des primaires le 16 février en Californie : « J’ai confiance dans le peuple américain. Ils sont conscients du fait qu’être président est un métier sérieux. Cela n’a rien à voir avec l’animation d’une émission de téléréalité. Ce n’est pas du marketing. C’est difficile ». De quoi en faire réfléchir plus d’un…à l’heure où Mitt Romney, candidat républicain en 2012, défend le « républicanisme » contre le « trumpisme ».