« La descente aux enfers du Venezuela » (France Info), « Le Venezuela est-il en train d’exploser ? » (Le Figaro), « Venezuela : Situation plus critique que jamais » (Mediapart). Il suffit de taper « Venezuela » sur Google pour être alarmé face à l’ampleur de la crise humanitaire que traverse le pays. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Pour ceux qui veulent compléter leurs fiches, ceux qui veulent se les rappeler, ou bien tout simplement ceux qui découvrent le Venezuela (il était temps !), cet article est fait pour vous !

La crise politique

Qui est Maduro ?

De député à Président de l’assemblée nationale, Nicolás Maduro devient Ministre des affaires étrangères puis vice-président du Venezuela sous Chavez (2012-2013). Suite à la mort de celui-ci le 5 mars 2013, il devient président par intérim. Malgré un scrutin contesté par l’opposition, il remporte l’élection un mois plus tard la présidentielle avec 50,6% des voix. Néanmoins aujourd’hui ce sont sept vénézuéliens sur dix qui réprouvent la gestion du président. 

Un début de mandat sous tension

De son élection à 2014, des manifestations sont organisées dans tout le pays. Etudiants et membres de l’opposition marchent pour dénoncer les pénuries de produits de base, la cherté de la vie et l’insécurité. Ces manifestations sont réprimées dans le sang, ce qui exacerbe les tensions. Cela vaudra à Leopoldo López, le chef de l’opposition, d’être placé en détention où il demeure encore — le gouvernement l’a accusé d’être responsable des 43 morts résultant de manifestations qu’il avait organisées.

La sanction par les urnes

En vue des élections parlementaires, le gouvernement a recours à plusieurs stratagèmes pour favoriser son parti, le PSUV (Partido Socialista Unido de Venezuela) :

  • Le système judiciaire a inhabilité des opposants politiques (La députée Maria Corina Machado et Leopoldo Lopez)
  • Des multiples partis ont été créés, dont celui de MIN-UNIDAD (très proche de MUD-UNIDAD) pour détourner des votes de l’opposition.
  • Les temps d’audience ont favorisé le pouvoir central
  • Le gouvernement a réparti via des missions sociales des appartements, tablettes, télévisions et nourriture au sein de la population pour gagner leur vote.

Malgré cela, en décembre 2015 l’opposition (MUD : Mesa de la Unidad Democratica) remporte une large victoire aux élections législatives avec les 2/3 des députés (112 sièges), ce qui lui confère des pouvoirs très importants qui lui permettent notamment de :

  • Faire passer des lois à l’Assemblée
  • Libérer des prisonniers politiques  
  • Destituer des ministres
  • Faire un réferendum
  • Raccourcir le mandat de Maduro

Le résultat est clair : le peuple s’estime prêt à tourner la page d’un chavisme éteint, désormais incarné par un Maduro forceur, manquant de charisme. Le gouvernement se donne pour mission de contrecarrer par  tous les moyens possibles ce que le président dénonce comme un « coup d’Etat électoral ».

  • Maduro crée un « parlamento comunal », une institution prévue dans une loi de 2010 qui n’avait jamais vu le jour. Le but est de restreindre le pouvoir de l’Assemblée, sachant que seuls les révolutionnaires peuvent faire partie de ce parlement. Il pourrait notamment voter des lois, prendre des décisions importantes…
  • Maduro s’est assuré d’être soutenu par la seule institution capable de freiner la nouvelle assemblée : le Tribunal Suprême de Justice, qui est chargé de trancher pour les litiges entre le gouvernement de Maduro et l’opposition.
  • Finalement, Maduro parviendra à limiter le pouvoir de l’Assemblée en s’attaquant aux députés élus. Le Tribunal Suprême de Justice a suspendu l’élection de trois députés de l’opposition, la privant ainsi de la majorité des 2/3 qui lui conférait des pouvoirs importants. Après résistance de l’opposition (ils ont dans un premier temps déclaré que les députés se rendraient quand même à l’assemblée effectuer leur travail, mais alors le TSJ a menacé le parlement de suspendre toutes les lois qu’il allait voter), et pour apaiser les fortes tensions politiques et sociales dans le pays, l’opposition a accepté de retirer ses députés.

La conséquence est immédiate : la MUD passe sous la barre de la majorité absolue, ses pouvoirs sont donc réduits.

 Les combats d’une opposition affaiblie

Par la suite, l’Assemblée a voté une loi d’amnistie pour les prisonniers politiques visant notamment à libérer Leopoldo Lopez. Toutefois le Tribunal Suprême de Justice l’a invalidée, la jugeant « inconstitutionnelle ».

Actuellement les forces de l’opposition sont consacrées à l’organisation d’un référendum révocatoire contre Maduro, maintenant que, privée de la majorité absolue, l’Assemblée n’en est plus capable. L’opposition a pour l’instant recueilli deux millions de signatures pour la tenue du référendum. La prochaine étape à franchir est de recueillir quatre millions de signatures, auquel cas le Conseil National Electoral (CNE) fixera la date d’un référendum. Cependant rien n’est gagné car il est peu probable que le celui-ci ait lieu en 2016. Or, si un référendum est organisé au-delà du 10 janvier 2017, Maduro, s’il est battu, pourra désigner son vice-président pour le remplacer…

Enfin, le Vatican vient d’accepter de jouer l’intermédiaire entre l’opposition et le gouvernement entre qui les tensions ne se sont visiblement pas apaisées. Affaire à suivre, donc !

La crise économique

Une production en berne et une inflation galopante

En 2015, le PIB du Venezuela s’est contracté de 5,7%. Pour 2016, le FMI prévoit une baisse de 8% de son PIB. De même, le FMI prévoit une inflation de 720% pour le Venezuela en 2016. Les chiffres de l’inflation peuvent varier car le pays a cessé de les publier. La situation est insoutenable : elle donne lieu au développement d’un marché noir parallèle où s’échangent des dollars.

Un manque de diversification pénalisant

Le Venezuela a longtemps profité de la rente pétrolière sous Chavez, lui-même parlant de « socialismo petrolero ». Le pays possède 18% des réserves pétrolières du monde, ce qui en fait la plus grande réserve. Sous Chavez, aucune diversification de l’appareil productif n’a été mise en oeuvre, faisant du Venezuela un pays très dépendant de ses importations. Par exemple, la moitié de l’alimentation est importée. Dès lors, il est facile de comprendre la situation de fortes pénuries dont souffre le pays : suite à la chute des prix du pétrole (95% des exportations), le Venezuela ne disposait plus d’assez de devises pour importer des biens, même de première nécessité.

L’état d’urgence économique

Pour faire face à la triple crise que traverse le pays Maduro a décrété l’état d’urgence économique pendant 60 jours, qui, malgré invalidation du Parlement, a été mis en place. Cela permet au gouvernement de pouvoir saisir des biens du secteur privé pour garantir l’approvisionnement des produits de base. En juillet 2016, l’état d’urgence économique est prolongé, devenant l’ « état d’exception » : le président dispose en outre de pouvoirs militaires étendus.

La crise sociale

Les coupures d’électricité

Le Venezuela souffre de coupures d’électricités qui paralysent le pays. Suite à El Niño (phénomène climatique), la sécheresse a réduit le niveau d’eau dans les barrages. La situation est devenue si alarmante que le président a eu recours à des mesures pour le moins originales dans le but d’économiser de l’énergie: en avril, le vendredi a été déclaré férié pour les fonctionnaires pendant deux ou trois mois, et le fuseau horaire a été avancé de trente minutes.

Les pénuries

Chaque jour, des files d’attente immenses s’étendent devant les supermarchés du pays. Chacun dispose d’un ticket de rationnement qui lui permet de se procurer des produits de base, quand ceux-ci sont disponibles. Mais selon des organismes privés, près de 80% des produits de première nécessité sont désormais quasi introuvables, plongeant les vénézuéliens dans la misère et la famine. En conséquence, les pillages se multiplient et une présence policière est nécessaire pour encadrer la distribution de la nourriture.

Mais il n’y a pas que la nourriture qui manque : les médicaments se font rares aussi, dégradant fortement la situation sanitaire du pays. C’est une situation dénoncée par les autorités internationales telles qu’Amnesty International qui en ce moment critique un décret autorisant le recours au travail forcé dans les champs afin de lutter contre la crise alimentaire. Ban Ki-Moon, lui, s’inquiète de la crise humanitaire que traverse actuellement le Venezuela :

“Estoy muy preocupado por la situación actual, en la que las necesidades básicas no pueden ser cubiertas, como la comida, el agua, la sanidad, la ropa, no están disponibles. Eso crea una crisis humanitaria en Venezuela”

Le Venezuela qui avait fermé sa frontière avec la Colombie pour, selon le gouvernement, contenir le narcotrafique, s’est retrouvé contraint de l’ouvrir à nouveau. Et ce sont des milliers de vénézuéliens qui traversent chaque jour la frontière pour se ravitailler, certains allant même jusqu’à traverser tout le pays pour cela.

La pauvreté

Après une baisse impressionnante de la pauvreté sous Chavez (en 14 ans, la pauvreté a été divisée par deux), celle-ci a remonté sous Maduro. 73% des foyers vénézuéliens vivent sous le seuil de la pauvreté, contre 44% en 1998.

Le vocabulaire complémentaire

  • Le Tribunal Suprême de Justice = el Tribunal Supremo de Justicia
  • des pénuries = penurias (ça ne se dit pas beaucoup, mais le mot existe)
  • des pénuries d’aliments = la escasez de alimentos (à préférer)
  • coupures de courant = apagones
  • un référendum révocatoire = un referendum revocatorio
  • la sécheresse = la sequía
  • sous le seuil de pauvreté = bajo el umbral de la pobreza
  • un pillage = un saqueo
  • une signature = una firma
  • un prisonnier politique = un preso político
  • un siège (député) = un escaño
  • des biens de première nécessité = productos básicos
  • une large victoire = una holgada victoria