Selon Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinsky « la Chine l’Inde et l’Afrique feront le monde de demain ». Ils auront des rôles démographiques, économiques, technologiques, énergético-alimentaires et géopolitiques croissants d’ici 2030. A quoi ressemblera donc le monde en 2030 ?

Partie I : Les ressources humaines

Chapitre 1-2 :Le pouvoir démographique glisse au profit des trois géants, ils auront 1,5 milliards d’habitants chacun en 2030, soit bien plus de la moitié de la population totale alors que l’Europe poursuit son déclin démographique couplé à un vieillissement de sa population (UE : 25% de plus 65ans en 2009, 45% en 2030). Par ailleurs, l’Afrique dont la population est extrêmement jeune (âge médian aujourd’hui : 19 ans), connaîtra une explosion démographique et conservera une population très dynamique en 2030 (avec 300 millions de jeunes âgés entre 15 et 24 ans) alors que la Chine verra le vieillissement de sa population. Une fenêtre d’opportunité démographique va ainsi s’ouvrir en Afrique et en Inde, alors qu’elle tend à se refermer en Chine d’ici 2030.

Chapitre 3 : * Facteurs migratoires attractifs (pull factors) et répulsifs (push factors). En Chine les migrations sont essentiellement internes (220 Milllions de Mingongs), même si la diaspora est de 50 millions de personnes, avec notamment 1 million de Chinois en Afrique (tendance croissante). La diaspora est également présente aux USA (Chinatown, migrations anciennes) et surtout dans les pays de civilisation chinoise (Vietnam, Cambodge,…). Pour répondre à l’exode rural massif, politique d’urbanisation de l’intérieur de la Chine avec des grandes villes en devenir telles que Chongqing (Go West Policy).

* L’inde a une diaspora également importante notamment en Angleterre et dans les pays du golfe. Au total les migrants rapatrient 50 Mds de $ en 2010 (record mondial). Le brain drain devient une aubaine pour l’Inde car un grand nombre de migrants qualifiés revient au pays. (Infosys gère chaque année 5000 visas H1B qui permet aux professionnels de rester entre trois et six ans aux US et de rentrer travailler en Inde en tant que cadre).

* L’Afrique représente 10% de l’émigration mondiale : mais beaucoup plus de migrations internes (7%) qu’externes (3%) à l’ASS. Mais du fait des conflits inter-ethniques (Côte d’Ivoire), ou de la plus grande attractivité des pays occidentaux qui auront de plus en plus besoin de main d’œuvre, il devrait y avoir une croissance des émigrations hors Afrique Subsaharienne.

Chapitre 4 :Le taux d’alphabétisation est de 90% en Chine, 68% en Inde et 65% en Afrique, mais grosse disparité intra-étatique en Afrique, intra régional en Inde (BIMARU [BIhar, Madya Pradesh, Rajahastan, Uttar Pradesh sont les 4 régions les plus pauvres d’Inde] V.S. Kerala) mais le taux de scolarisation augmente en Inde et en Afrique. Néanmoins énorme inégalités hommes/femmes au niveau de la population et de la scolarisation.

En termes d’éducation supérieure, l’Inde et la Chine investissent massivement afin d’acquérir le brain power. Des universités hyper-technologiques voient le jour pour pouvoir répondre à cette demande massive. En Afrique il y a 4 types de pays : ceux qui veulent combattre l’analphabétisme, ceux qui investissent dans le primaire, ceux qui investissent dans le secondaire (ex : Ghana). Ces pays connaissent une fuite des cerveaux car il n’y a pas assez d’universités dans le pays. Enfin il y a ceux qui investissent dans le supérieur (Nigéria et Afrique du sud seuls), ils montent progressivement en puissance (3 universités sud-africaines dans le classement de Shanghai).

Partie II : Perspectives économiques

Chapitre 5-6 : La Chindia est responsable du basculement du monde. L’Afrique se réveille mais depuis peu. Ensemble ils contribuent à 45% de la croissance mondiale en 2010 ! Le rattrapage chinois est certain, celui Indien est en cours alors que l’Afrique semble enfin « bien partie » (clin d’œil à l’agronome français René Dumont en 1962, L’Afrique est mal partie)

Il s’agit d’avoir une croissance créatrice d’emploi en Afrique. Des investissements pour faire sortir la masse de la pauvreté (infrastructures, logements, efforts sanitaires,…). L’île Maurice et le Botswana semblent bien parties.

Chapitre 7 : Ce bouleversement accélère la DIPP et entraîne une pression baissière sur les salairessurtout sur les emplois non qualifiés dans les pays du nord. Il s’agit pour ce pays de se repositionner sur des secteurs dans lesquels ils sont encore compétitifs (ex : R&D, NTIC,…). En Afrique et en Inde il y a sous-emploi des plus pauvres et pénurie des travailleurs qualifiés en Chine. De plus les salaires augmentent même en Chine sous l’effet notamment des protestations (ex : été 2010, Foxconn monte le salaire de 1200 yuans/mois à 2000 yuans/mois). Pour émerger l’Afrique a besoin de protectionnisme intelligent, d’un Etat développeur favorisant une logique productiviste via notamment une monnaie sous-évalué et un accès facilité au crédit pour les entreprises naissantes. Elle a aussi besoin de s’industrialiser au lieu de se baser sur le secteur primaire seul. Cependant grosse concurrence chinoise (ex : domaine du textile la Chine a détruit des dizaines de milliers d’emplois en Afrique). Mais beaucoup de bienfaits (permet de concurrencer le monopole occidental sur le continent ce qui entraîne une baisse des prix pour les africains sur notamment les médicaments ou la construction par exemple). Cependant Chindia favorise la spécialisation de l’Afrique vers les MP (or secteur peu créateur d’emploi). Par conséquent explosion du secteur informel [petit boulot de rue au Bénin]. Pour ce faire nécessité de maîtrise du cadre politique en Afrique : nécessité de l’émergence d’États efficaces aux stratégies efficientes et de Zone d’intégration régionale puissante.

Mais dans ces conditions nous sommes en droit de nous demander : l’émergence de la Chindiafrique est-elle soutenable pour la planète par rapport aux ressources disponibles et à l’environnement ?

  • Nécessité d’un développement durable en Chine Inde et Afrique respectueux de l’environnement (ex : entreprise Béninoise Songhaï). Réponse Chapitre 4.

Jean Bodin :

« Il n’y a de richesses ni de force que d’hommes »

Un proverbe africain dit :

« La nuit dure longtemps mais le jour finit par arriver ». Serait-ce enfin l’heure du réveil Africain ?

 Partie III : Technologie et innovation

 Chapitre 8 : De plus en plus de Chinois vont étudier à l’étranger pour revenir en Chine et dynamiser le marché intérieur : ce sont les « tortues de mer » (sur les 700 000 de diplômés Chinois partis à l’étranger entre 1978 et 2003 ; 160 000 seraient revenus tels que Li Gong, diplômé à Tsinghua [Pékin], doctorat en Angleterre, il travailla dans la Silicon Valley et est depuis 2007 à la tête de la branche chinoise de Mozilla qui a notamment inventé le Web Firefox). La Chine se situe surtout sur le Hardware (premier exportateur mondial des biens Hi-Tech) et l’Inde sur le software (premier exportateur mondial de services informatiques). Chindia accélère le saut technologique africain notamment dans le domaine de la téléphonie, l’Afrique bénéficie de technologie bon marché (ordinateur Lenovo à 150$, téléphones ZTE à 10$, Huawei fournis des clés 3G à MTN), qui permet l’essor de compagnie telle que MTN qui possède plus des 2/5 des abonnés en Afrique (plus de 200 millions en 2008). L’Afrique compte en 2010 plus de 500 millions d’abonnés au téléphone mobile.

La Chine n’a donc pas que des effets négatifs sur l’Afrique. Les Chinois vendent leur technologie à l’Afrique, qui pourrait bientôt devenir un continent parmi les plus câblés au monde. Il y a un nombre croissant de technopôles ou de clusters et de plus en plus d’effort dans la R&D en Chindia notamment dans les biotechnologies et les nanotechnologies. L’Afrique en est absente mais profite de ces bienfaits (ex : mise en place par l’Inde sur le marché africain de traitements plus abordables contre le virus du sida. Recherches de Chindia nécessaires dans l’agriculture ou les énergies vertes notamment).

Chapitre 9 : En 1995, 5 entreprises chinoises dans le top 500 des sociétés mondiales (dont 4 de HK). En 2010 il y en a 35 (dont 5 de HK). En Inde des mastodontes telles que Tata. En Afrique des FTN montent progressivement en puissance même si elles restent marginales telles que MTN, Sonatrach, Sonangol [pétrole Angola], Bidvest [distribustion Afrique du SUD] Ecobank [Nigéria] et Sasol [Chimie Af.Sud]. Ainsi en Chindiafrique de nouvelles forces entrepreneuriales poussent rapidement (Songhai) avec un nouveau business model : l’innovation frugale.

Innovation inversée Au lieu de partir du Haut de gamme et réduire les coûts via délocalisation, on développe des technologies low-cost soucieuses des besoins et contraintes des populations en développement (ex : le laboratoire indien de santé de GE invente un électrocardiogramme le mac 400 dont le prix de revient est de 1000$ au lieu de 2000$ et qui coûte au malade 1$ contre 100 fois plus dans les pays développés).

Les deux auteurs nous expliquent que si les grandes innovations du type Internet resteront à l’horizon 2030 l’apanage des vieux pays industrialisés, Inde et Chine (pas l’Afrique) sont en train d’inventer un nouveau business model, l’innovation frugale, low-cost, qui consiste, à partir des besoins des plus pauvres, à inventer de nouvelles solutions “par le bas”. Des filtres à eau aux voitures telles que la Nano, en passant par les téléphones mobiles, les structures de micro-crédits, les entreprises chindiennes développent des produits nouveaux, peu chers, et des méthodes originales de production, de commercialisation et de recyclage en faveur de produits plus socialement incluants et moins polluants. Ces biens connaissent une demande croissante.

 Partie IV : Ressources naturelles et agricoles

Chapitre 10 : Une bataille pour les hydrocarbures fait rage dans le monde comme en témoigne le choc pétrolier de 2008 (1baril = 147$). Il est clair que la Chindia exerce une pression grandissante sur le marché des ressources naturelles avec une demande croissante. Aujourd’hui l’OPEP tend à avoir de moins en moins d’influence avec l’émergence de pays pétrolier tel que le Brésil, la Russie, la découverte de schiste bitumineux au Canada, les gisements off-shore de l’Afrique. La Chindia en plus de capter la demande du M-O, favorise d’ailleurs les petits Etats pétroliers tels que le Soudan avec SINOPEC ou CNOOC qui entrent dans les capitaux des entreprises pétrolières préexistantes, car les priorités chinoises et indiennes sont claires : Sécuriser leurs approvisionnements en hydrocarbures. D’où une tension sur la Birmanie riche en pétrole et qui permettrait à la Chine de créer un pont vers son intérieur ce qui la rendrait moins dépendantes du détroit de Malacca. En Afrique l’enjeu est que le pétrole au lieu d’être une malédiction entravant tout décollage (ex : Gabon), incitants aux guerres (ex : Angola et Soudan) et au népotisme (ex : Guinée équatoriale) et favorisant une primarisation de l’économie (ex : Nigéria) devienne une source de développement.

Chapitre 11 : La pression sur les matières premières est également grande. Aujourd’hui on parle de boom des MP. La Chine cherche à capter le plus de marché possible comme le montre l’affaire des terres rares ou la Chine occupe 90% du marché. Montée en puissance de la Chinafrique (sommets annuels Chine-Afrique depuis 2006) avec le consensus de Pékin « win-win » (ex : sur 25 ans, la RDC livrera 11 millions de tonnes de cuivre, 620 000 de cobalt et 372 tonnes d’or en échange CREC er Sinohydro construiront 3 000 km de routes et de voies ferrées, 31 hôpitaux, 145 centres de santé, 4 universités et 10 000 emplois). L’Afrique attise clairement les convoitises avec toutes ses ressources naturelles et ses terres arables abondantes (à raison de 2$ par an pour un hectare en moyenne, l’Inde a ainsi investit massivement en Ethiopie avec Karuturi Global qui a acquis 300 000 ha pour la culture de roses, de céréales et d’huile de palme en 2009) sous exploitées, le défi pour les Etats étant de remonté en gamme dans le processus de production mais à condition que les gouvernements mettent la main à la pâte. La démocratisation est une condition sine qua none pour affronter « la malédiction des MP ». Faire des emplois verts et des énergies renouvelables un moteur de la croissance est un autre défi en Chindiafrique.

Chapitre 12 : Avec la spéculation sur les MP, la diminution de l’offre due à de mauvaises récoltes en Australie notamment et à une hausse de la demande tirée par Chindia, il y a eu une crise alimentaire en 2008… La question de la famine que l’on pensait résolu, refait surface… Mais comment nourrir 5 milliards d’habitants en Chindiafrique alors que la classe moyenne voit une amélioration de sa consommation et qu’il y a encore près de 500 millions de sous-nourris en Afrique et Inde seuls aujourd’hui ? La révolution verte (VHR découverte par l’institut Rockefeller aux Philippines, engrais, effort dans les infrastructures pour faciliter l’irrigation) fut la solution en Chindia, mais l’Afrique n’a pas su l’embrasser car les infrastructures héritées de la colonisation favorisait les cultures d’exportations et que les gouvernements dont l’électorat est en ville préfèrent maintenir bas les prix des denrées agricoles ce qui ne favorise pas l’essor d’une agriculture vivrière productiviste. Le modèle productiviste (intensifier les cultures) suppose des efforts des Etats dans la recherche agronomique ce qui est loin d’être le cas actuellement. La révolution doublement verte est en fait une révolution verte soucieuse de l’environnement (ex : Songhai).

Un autre phénomène a noté est l’achat de terres arables (« land grabbing ») surtout en Afrique par le MO, mais aussi Chindia d’où les craintes justifiées de néo-colonialisme. Qu’en est-il des OGM ? Vers une meilleure répartition des ressources agricoles ce qui suppose un effort de la demande dans les pays du nord ?

Partie V : Les cartes politiques

Chapitre 13 : La Chine va-t-elle dominer le monde d’ici 2030 ? Si son budget militaire a augmenté de 12% en 2011, sa montée en régime est graduelle (« ascension pacifique de la Chine »). Elle ne semble ainsi pas disposer à dominer le monde dans l’immédiat même si et politique vis-à-vis de Taïwan, et collier de perle et consensus de Pékin font penser au monde le contraire. Le modèle chinois doit se réformer comme le montre la multiplication des incidents de masse.

L’Inde est plus encline au soft power, mais sa portée est limitée au rôle de puissance régionale. Il existe une rivalité sino-indienne. L’Afrique et ses Etats faibles pour peser plus doit avant tout voir émerger une élite soucieuse du développement du pays.

Même si le basculement politique du monde n’est pas encore amorcé, USA et UE doivent se réformer face à l’émergence d’un monde multipolaire. Si l’une doit abandonner l’idée d’être seule hyperpuissance, l’autre doit amorcer un effort dans le hard power afin que son soft power soit un peu plus pris au sérieux.

Chapitre 14 : L’auteur prône un monde multilatéral, basé sur la coopération et une gouvernance mondiale.

CONCLUSION : Tout comme Dani Rodrick le prône dans Le paradoxe de la mondialisation, la mondialisation ne peut plus se penser sans la Chindiafrique. Mais pour qu’elle soit soutenable et pour l’environnement, et pour la société civile et pour les Etats-nations, et pour la paix, il est préférable que cette mondialisation soit modérée.

Points positifs :

  • Des exemples variés et de qualités mettant en exergue le basculement du monde induit par l’émergence de Chindiafrique
  • Vision plutôt positive mais assez réaliste des trois géants et de leurs complémentarités
  • Prône une mondialisation modérée

Points négatifs :

  • Essai très prospectif

 Référence utile pour :

Ceux qui visent une connaissance globale des 3 géants du monde en développement et leur complémentarité mais aussi pour ceux qui visent le top 7.

Ezékiel SEDAMINOU
Major-prépa