Marie-Claire Bergère nous montre comment les réformes lancées depuis 1979 sont conduites de façon autoritaire par une élite dont l’objectif n’est pas de créer un système capitaliste, mais d’utiliser au mieux les ressources du marché pour développer la richesse de la Chine, renforcer sa puissance et préserver le monopole du parti unique (Pour Deng Xiaoping en 1992 « Qu’importe que le chat soit noir ou blanc du moment qu’il attrape la souris », de même, qu’importe que soit la nature du système économique du moment qu’il permette de répondre au besoin de la société chinoise, à ceux de la Chine et qu’il contribue à la pérennité du PCC[Parti Communiste Chinois]). Car ce dernier demeure la « clé de voûte » de ce système, un parti qui tire sa légitimité non plus de l’idéologie mais de la croissance et de l’exaltation nationaliste.

Chapitre 1 : Une transition économique réussie

Favorisées par Deng Xiaoping avec notamment l’ouverture de zones franches dès 1979, ralenties entre 1989 et 1992 (suite aux massacres de Tian Anmen, illustré notamment dans le film Une jeunesse Chinoise, les Chinois pensaient que la libéralisation économique aurait eu pour corollaire la libéralisation politique) continuées par Jiang Zemin (1992-2002, dés 1992 Deng Xiaoping « Lâcher les petites, garder les grandes », d’où privatisation des entreprises publiques petites ou moins performantes, restructuration des autres entreprises publiques. Le côut social sera élevé avec désindustrialisation et chômage notamment dans la provence de Harbin), par Hu Jintao (2002-2012, bourses à Shanghai et Shenzen, création de Pudong qui attire les IDE) et aujourd’hui par Xi Jinping, l’ouverture (adhésion à l’OMC en 2001) et les réformes chinoises vers «l’économie socialiste de marché», ont conduit à d’impressionnants succès économiques.

Marie-Claire Bergère insiste sur le rôle central du parti dans la croissance et montre que les politiques chinoises sont empiriques, graduelles et pragmatiques (exemple des zones franches : expérimentation sur une petite zone si ça marche on étend la réforme à l’ensemble du littoral ce qui forme aujourd’hui une très grande ZES).

Cette transition économique a été un franc succès et la modernisation est en marche (Chine 2ème PIB mondial, 500 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté, classe moyenne de 300 Chinois,…).

Cependant des limites bornent le succès de la transition : Croissance trop extravertie, trop dépendante des investissements, trop énergivore, trop agressive à l’égard de l’environnement, et créatrice de trop grandes inégalités territoriales et sociales avec des mingongs laminés, des droits de l’homme bafoués et des enfants mal-menés.

Chapitre 2 : Le nouveau capitalisme d’État

Fin de l’économie planifié, mais persistance des interventions de l’État : le libéralisme économique est borné, l’État est interventionniste (Ex : Yuan partiellement convertible grâce à l’intervention de l’État, les investissements massifs de l’État dans les énergies vertes couplés aux transferts de technologie ont permis de tuer la concurrence internationale, ou encore prix fixés par l’État pour l’énergie, l’électricité et l’eau).

Par ailleurs le secteur public, restructuré contribue encore à 33% du PIB (contre 90% en 1978) avec des FTN étatiques ultra-puissantes (PetroChina, CNOOC, Sinopec, China Mobile) qui jouissent de multiples privilèges et son protégés de la concurrence en Chine. L’état impose également des transferts de technologie et favorise les entreprises locales qui sont en position de puissance au détriment des entreprises étrangères qui doivent se plier au règles fixés par l’Etat Chinois (Ex : le Français Alstom qui refuse de transférer sa technologie s’est vue ravir le marché par l’Allemand Siemens pour la construction de TGV ; Boeing transfert sa technologie à AVIC ; GM obligé de faire une joint-veture avec SAIC pour s’implanter en Chine).

L’État permet également aux FTN chinoises de s’implanter à l’étranger et favorise la « sortie vers l’extérieur » [Zou Chuqu] grâce notamment à l’EXIM Bank (ex : Construction de TGV en Californie grâce à l’EXIM bank + Voir fiche CHINDIAFRIQUE).

Or avec la crise, retour de l’État avec investissement massif et volonté de rééquilibrage de la croissance : L’État Chinois est bien un État développeur qui domine l’économie, et qui s’appuie sur un secteur privé dynamique (Lenovo, Moutai[alcool], Baidu [Technologie], Huawei, ZTE [téléphonie], Gelly [automobile], Wahaha …) : tel est le nouveau capitalisme d’État en Chine.

Chapitre 3 : Ambiguïtés, dynamisme et fragilités du secteur privé.

Le secteur privé chinois est ambigu car il entretient des liens étroits avec le secteur public ce qui accentue sa vulnérabilité (ex : ZTE et Huaweï interdit sur le territoire Américain).

Le secteur privé chinois est néanmoins dynamique, le capitalisme est quant à lui sauvage dans la mesure où il fait peu attention aux travailleurs qui travaillent souvent dans des conditions précaires (Mingongs exploité par Foxconn par exemple). De plus il est peu soucieux de l’environnement (nuage de pollution au dessus de Pékin en janvier 2012, 1/3 des eaux du Huang He impropres à toute utilisation même industrielle), il est souvent fondé sur la corruption, la fraude, la violence physique contre les concurrents dangereux et personnes compromettantes (affaire Bo Xilai) et la tromperie. Par exemple dans le secteur de l’agro-alimentaire cela a pour corollaire des scandales sanitaires (En 2009, affaire du lait contaminé à la mélanine qui tue 6 nourrissons et en contamine 300 000 autres ; viande de porc traitée au détergent pour être vendue comme viande de bœuf, sauce de soja à l’arsenic, champignons blanchis à la lessive, haricots verdis aux antibiotiques,…).

Cependant le secteur privé est fragile car il est victime de discrimination à l’égard du secteur publique (accès limités aux crédits bancaires, EXIM bank que pour les FTN publiques, pas de protections juridiques, entreprises publiques favorisées,…) alors que les entreprises privées étrangères sont parfois lésées par les entreprises privées chinoises (Danone, en co-entreprise avec Wahaha, découvre que Wahaha vend des boissons sous sa seule enseigne, porte plainte mais perd le procès. Cependant, malgré le fait qu’il a été lésé par Wahaha, Danone accepte de rester en Chine car le marché est attrayant).

Chapitre 4 : Les entrepreneurs chinois

Le PCC cherche à contrôler les entrepreneurs (qu’ils soient publics, privés ou bureaucrates) afin qu’ils ne constituent pas un groupe autonome pouvant porter atteinte au régime, sans pour autant entraver leur contribution économique.

Au sein de ces entrepreneurs on retrouve des fils de dirigeants du PCC (37% des entrepreneurs privé sont liés au PCC), ce qui renforce l’idée de clientélisme et d’un capitalisme de connivence (crony capitalism, Marie-Claire Bergère, Capitalisme et capitalistes en Chine)

Chapitre 5 : En clé de voûte, un régime autoritaire et flexible.

C’est le régime qui garantit la croissance forte et qui a permis à la Chine d’émerger, il est ainsi la clé de voûte du système basé sur l’économie de marché socialiste malgré le fait qu’il se réclame communiste.

Cependant le régime s’il n’est plus ni maoïste, ni dictatorial, demeure un régime autoritaire (cf massacre de Tian Anmen en 1989). Son influence économique a connu un déclin relatif par rapport à l’époque de la planification de naguère, et la société a vu ses libertés augmenter par rapport à antan, toutefois l’État conserve un rôle primordial dans l’économie et sur la société. Le PCC demeure puissant et contrôle entièrement l’appareil d’État. Il a un fonctionnement collégiale, avec un comité central et un congrès du parti à partir duquel sont élus président et premiers ministres.

Ce parti s’est rénové, il s’est adapté notamment à l’économie de marché socialiste. Il apparaît plus flexible, plus souple (ex : paysans du village de Wukan en 2011 qui obtiennent gain de cause grâce au PCC du Guandong face au PCC local qui voulait construire un centre commercial sans les avoir consulté)

Mais aujourd’hui il assure encore le contrôle et la répression de sa population (ex affaire Liu Xiabao, prix nobel de la paix 2010 pour sa chartre pour la démocratisation en Chine, actuellement en prison ; contrôle des 600 internautes qui sont en semi-libertés ; répression de la secte bouddhiste Falungong ; 7 millions de caméra de surveillance dans les grandes villes ; tortures ; recours au laogai[=goulag chinois] même s’ils ont officiellement disparus).

Chapitre 6 : La quête d’une nouvelle légitimité

Le déclin de l’idéologie prive le régime de la légitimité révolutionnaire d’où la quête d’une nouvelle légitimité car la répression seule ne peut assurer le maintien au pouvoir du Parti.

Aujourd’hui le PCC tire sa légitimité de la croissance économique qui a favorisé le développement de la société (500 millions de chinois sont sortis de la pauvreté, PIB/HAB s’est considérablement élevé, essor du niveau de vie, des conditions de vie, éradication des famines,…). Cependant la croissance est porteuse de forte inégalités territoriales (voir Cartes en main et les Trois Chine), et de fortes inégalités sociales (entre urbains et ruraux, entre classe ouvrière et classe moyenne qui se regroupe en gated communauties, ou encore entre citadins et mingongs qui, ne bénéficiant pas du Hukou, sont exploités dans les villes et ont des conditions de travail et de vie déplorables [surexploitation, vie dans des dortoirs,…]).

Le consensus nationaliste est également source de légitimité pour le PCC, il est un « ARTEFACT POLITIQUE » (Max Weber, Le Savant et le Politique), au main du PCC qui l’actionne dès que l’économie va moins bien afin de détourner la nation des problèmes internes et de la fédérer parfois contre un adversaire externe (ex : conflit au sujet des îles Senkaku/Diaoyu ; depuis 1994 dans les programmes scolaires on apprend que la période allant de 1842 à 1949 est « le siècle de l’humiliation » et seul le PCC a pu enrayer cette honte, [« grâce au PCC la Chine a suivi la route glorieuse de l’indépendance ethnique» Message final du film propagande Le Début de la grande Renaissance, de Huang Jianxin et Han Sanping], freiner La Grande Divergence [Kenneth Pommeranz], et refait de la Chine Zhong Guo [l’empire du milieu] ; essor de best-sellers ultra-nationaliste tels que La Chine peut dire non en 2006 ; essor du confucianisme ; Jeux Olympiques de 2008 qui exaltent la modernité de la Chine et qui ont coûté 40 milliards de dollars ; volonté de ramener Taïwan sous l’orbite Chinoise qui justifie l’essor du budget militaire ;…). L’idée de nation est ainsi exaltée par le PCC.

Ainsi le PCC est considéré comme «pourvoyeur de bien-être et champion de la grandeur nationale ». Cependant la corruption menace sa légitimité. D’où le procès de Bo-Xilai (le prince rouge). Ce procès d’un éminent cadre du parti jugé pour détournement de fonds et dont la femme a assassiné un diplomate anglais, veut se présenter comme l’étendard de la lutte contre la corruption engagée par le Parti, car Hu Jintao le reconnaissait lui même dans son discours pour le 90ème anniversaire du parti en 2011 : « résoudre la corruption est une affaire de vie ou de mort pour le parti ».

Il faut donc que tout change pour que rien ne change en Chine (Le guépard, Guissepe Tomasi di Lampedusa).

Chapitre 7 : La question du modèle (MEILLEUR CHAPITRE DU LIVRE)

Le Consensus de Pékin émerge et grâce au succès de la Chine s’oppose et s’impose face au consensus de Washington qui a été fort contesté et selon lequel, croissance a pour nécessité la libéralisation économique et politique.

Remarquons que la combinaison entre libération économique partielle et interventionnisme persistant caractérise la première phase d’industrialisation des pays développés. Dans certains Etats dont l’industrialisation a été tardive on remarque même un protectionnisme économique intelligent avant l’ouverture économique plus complète (ex : USA de Mac Kinley, Corée du Sud, Taïwan,…). La stratégie économique chinoise a donc des précédents historiques, mais son originalité peut consister au fait que l’interventionnisme étatique soit durable. Alors est-ce un modèle original appelé à durer ou va-t-il vers la libéralisation politique et sociale progressive et vers la libéralisation économique totale ?

Notons que la modernisation à marches forcées s’est faite au détriment de l’environnement, le système est énergivore, la croissance accélérée est peu soutenable, les inégalités explosent, et qui, associés au vieillissement de la population, au déficit de femmes et à la future contraction de la population active en raison de la one-child-policy, remettent toujours plus en question le modèle. Ainsi la Chine est à une phase critique et la société tolère de moins en moins ces défaillances induites par le système dont les goulets d’étranglements peuvent à termes hypothéquer la croissance… La réforme s’annonce de ce fait nécessaire, le PCC a encore des défi à relever : Xi Jinping en aura-t-il la capacité ?

Quoi qu’il en soit le modèle chinois attire les pays émergents qui n’hésitent pas à utiliser le protectionnisme intelligent, (Malaisie, Indonésie,…) et le fort interventionnisme étatique, afin d’accélérer leur croissance économique tout en préservant leur autonomie culturelle (Inde et Bollywood, Brésil et son carnaval, sa zumba) et leur indépendance politique : tel est le consensus de Pékin. La crise de 2008 semble symboliser le succès du modèle chinois « face à des E.-U. à genoux » (F.Lenglet, La Guerre des Empires, Chine contre Etats-Unis). Et si le modèle ne se réclame pas universel, il a néanmoins largement inspiré des pays émergents tels que les Etats pétroliers du Golfe ou ré-émergents tels que la Russie de V.Poutine. Il donne de l’espoir à l’Afrique « La Chine nous traite en égaux alors que l’occident nous traite comme d’anciens sujets » (Seretste Ian Khama, président du Bostwana) c’est Win-Win ! Et si le rôle croissant de la Chine peut apparaître à bien des égards comme une menace surtout du point de vue occidental (CHINAFRIQUE, prédation, néocolonialisme,…) il n’en demeure pas moins un espoir de croissance de développement et de prospérité notamment pour les États africains (ouverture d’une banque du sud au sommet des BRICS 2013, créations d’infrastructures, SELON Marie-Claire BERGERE LES AFRICAINS SONT GLOBALEMENT SATISFAITS mais cela varie d’un pays à l’autre en fonction des orientations de la presse, des scandales ou bienfaits apportés par la Chine).

Notons enfin le déficit de puissance douce, et la difficulté qu’a la Chine pour vendre au monde son modèle. La volonté chinoise d’acquérir un soft power a pour corollaire la diffusion des instituts Confucius dans le monde.

Chapitre 8 : Alors quelle Chine pour demain ? Trois scénarios.

La panne de croissance venant ruiner la légitimité du modèle chinois est une éventualité souvent évoqué par les spécialistes étant donné la dépendance de la Chine vis à vis du commerce extérieur, d’où la volonté du PCC de rééquilibrer la croissance vers l’intérieur (essor de Chongqing, investissement massif vers l’intérieur, hausse des salaires des mingongs pour favoriser la consommation, TGV, …).

La possibilité d’une révolution comme il y a dans les pays arabes est encore moins plausible, cependant elle n’est pas pris à la légère avec l’essor des incidents de masse, d’où la persistance de la répression couplée a des concessions ponctuelles (Villageois du Wukan).

MC Bergère penche pour le maintien du régime malgré une croissance ralentie et pour l’évolution du statu quo vers un peu plus de libéralisation sociale favorisée par Internet.

A conseiller pour : tout le monde. Ce livre est réellement LA référence incontournable pour comprendre la Chine contemporaine et ses problématiques générales.

Cependant pour aller plus loin sur la Chine les ouvrages ci-dessous investiguent en profondeur des problématiques plus précises et seront de précieux atouts pour ceux qui visent les parisiennes…

Alors que veut la Chine ? [Que veut la Chine ? De Mao au capitalismeF.Godement ]

A-t-elle réussie la croissance sans le plan ? (Growing out of the plan, Barry Naughton)

Est-elle passé du sous-développement à la superpuissance ? (La Chine vers la superpuissance, M.Aglietta)

Est-elle responsable d’un basculement du monde (Quand la Chine change le monde, Eric Izraelewicz)

En quoi le tassement de la croissance chinoise vecteur de résurgence nationaliste sur fond de hausse du budget militaire peut-il être inquiétant pour le monde ? (La Chine m’inquiète, Jean-Luc Doménach)

Et d’ailleurs quelle politique étrangère pour la Chine ? Quid du « consensus de Pékin » ? (La politique internationale de la Chine, Jean-Pierre Cabestan)

La Chine des Compradores est-elle à la conquête des mers et du monde ? (Le Mandarin et le Compradore, MC Bergère). Est-elle le bailleur de fond du monde ? (La Chine banquier du monde, Claude Meyer)

La Chine a-t-elle réellement pris la grosse tête ? (L’arrogance chinoise, Eric Izraelewicz)

Enfin quels rapports avec les Etats-Unis (La Guerre des Empires, Chine contre Etats-Unis, François Lenglet) ? Avec le Japon (Chine, Japon quel leader pour l’Asie ?,Claude Meyer) ?

Ezékiel SEDAMINOU, Major-prépa