Tu t’es toujours demandé à quoi ressemblait une véritable bonne copie de Culture Générale aux concours ? Major-Prépa a la réponse à ta question.

Voici une copie notée 17/20 à l’épreuve HEC du concours 2015 : “Crépuscule de la vérité”, similaire mot pour mot à la copie manuscrite. Si ce sujet reste dans la veine typique de l’épreuve HEC, il en a décontenancé plus d’un le jour de l’épreuve (d’après notre sondage, vous avez été 60% à avoir ri en découvrant le sujet, et 15% à vous être “décomposé sur place” sur les 1100 étudiants ayant répondu). En effet, comparé aux épreuves EM Lyon et ESSEC/EDHEC, les sujets sont souvent bien plus abstraits et moins proches du cours, forçant les candidats à plus de créativité (pour le bonheur ou le malheur de certains). On se souviendra de “ouvrir un espace” en 2014, ou encore “le plaisir se mérite-t-il ?” l’année précédente. En d’autres termes, n’essayez pas d’anticiper le sujet de culture générale HEC, vos chances sont pour ainsi dire nulles.

Cependant, il existe bien des méthodes qui permettent d’accrocher une excellente note, et que l’on retrouve en partie dans cette copie. Tout d’abord en introduction passer du temps à disséquer le sens de chacun des mots, et même la construction de la phrase (ici pourquoi ne pas avoir mis de pronom devant l’intitulé ??), cela vous donnera les pistes des paradoxes et problèmes à développer. L’utilisation des exemples est également un point essentiel qui fait passer une copie fade et abstraite à vivante et argumentée. Les exemples doivent être relativement nombreux (bien qu’il soit possible de réutiliser plusieurs fois une même oeuvre pour illustrer des aspects différents), mais surtout ils doivent être utiles ! Par là j’entend qu’il ne sert à rien de citer un auteur ou une oeuvre sans expliquer pourquoi elle est pertinente. Vous ne prouverez rien sinon que vous savez que cette oeuvre existe (ce dont le correcteur se moque éperdument). Chaque exemple que vous ajoutez doit apporter quelque chose à la réflexion. Il doit amener ou justifier un nouvel argument. Ainsi il ne sert à rien de donner deux exemples qui montrent exactement la même chose. Ayez toujours le soucis d’éliminer le superflu. Tout dans votre dissertation doit être utile. N’oubliez pas que 4h cela reste très court pour faire une bonne dissertation réfléchie et argumentée de manière pertinente. Enfin, un dernier conseil à appliquer particulièrement aux épreuves de type HEC, ne pas hésiter à filer la métaphore (vous pouvez le voir par vous même dans cette dissertation). L’épreuve de Culture Générale cherche à évaluer votre capacité de réflexion et votre culture, mais ajouter à cela une écriture agréable est toujours extrêmement avantageux. Après s’être déjà enfilé 50 copies dans la journée, le correcteur appréciera toujours une copie bien écrite avec des figures de styles originales (mais non moins pertinentes). Donc laissez libre court à votre instinct littéraire ! (dans la mesure du raisonnable…).

Pour autant vous noterez par vous même que cette dissertation est loin d’être parfaite. Que ce soit dans la forme : troisième partie trop courte par rapport à la deuxième… Ou dans le fond : ceux ayant passé l’épreuve pourront s’étonner de ne pas voir abordé des aspects du sujet qui semblaient essentiels à leurs yeux. Car si le but est bien d’arriver à cerner tous les aspects du sujet, il est très difficile de ne pas en oublier un ou deux, ou bien de lier tous ces aspects entre eux de manière cohérente. C’est d’ailleurs surement pour ces raisons que la note est de 17 et non pas de 20… Et encore ! la copie parfaite n’existe pas objectivement, et même une dissertation notée 20/20 garde certains défauts. N’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’atteindre la perfection pour avoir la note maximale, mais d’être meilleur que les autres candidats. Vous trouverez d’autres conseils et pistes de réflexions dans le rapport de jury, qu’il est toujours très utile de lire pour comprendre les attentes des correcteurs, ou encore dans notre Inside Concours rédigé quelques heures seulement après l’épreuve.

Crépuscule de la vérité

La vérité est souvent pour nous comparable à un projecteur qui vient éclairer notre compréhension du réel à mesure que nous le découvrons. A cet égard, Victor Hugo (XIXème siècle) décrit la vérité comme ce « soleil qui fait tout voir mais ne se laisse pas regarder ». Pourtant notre époque contemporaine semble être marquée par une résurgence d’un relativisme qui tend à dire que des opinions différentes se valent et qu’il n’y a pas forcément de vérité que certains détiendraient plus que d’autres. Serait-ce ici ce que l’on pourrait qualifier de crépuscule de la vérité ? La vérité ce « soleil qui fait tout voir » serait-elle en train de disparaitre à l’horizon, de disparaitre de notre horizon ? Le sujet se présente ici presque comme une apostrophe de par l’absence de pronom en début de phrase. Ce pourrait être le début d’une tirade d’un protagoniste de tragédie grecque, en proie à la déception d’un monde empli de faux-semblants, de tromperies et d’illusions. Pourtant, dans la spontanéité de son sentiment, le locuteur ferait ici apparaitre un paradoxe : la vérité est par définition même immuable. Comment dès lors pourrait-elle avoir une fin, puisque cela reviendrait pour elle à s’inscrire dans le temps, dans la spécificité d’une période donnée ? Par crépuscule on peut également comprendre abandon de la recherche de la vérité ou de la valeur de vérité. Mais alors est-il vraiment possible pour l’individu ou une société de se passer de la valeur même de vérité ?

Il nous faut en effet voir que l’intitulé semble paradoxal puisque la vérité comme connaissance objective est intemporelle. Ce serait donc le fruit d’une illusion que de croire en une disparition, en la fin de la vérité (I). Pourtant, un tel pessimisme peut venir de celui qui se trouve déçu par l’hypocrisie des hommes et la force de leurs illusions (II). Mais enfin, si la vérité est ce soleil « qui ne se laisse pas regarder » lorsqu’il est au zénith, son crépuscule n’est-il pas justement le moyen de voir la vérité sans se « brûler » ? (III)

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Dans un premier temps, il s’agit de voir comment se définit la connaissance vraie. On définit initialement la vérité comme la propriété d’adéquation entre une représentation, une idée, un jugement, et son référent. Le processus de connaissance passe quant à lui par deux facultés humaines que Kant explicite dans la Critique de la Raison pure (XVIIIème) : la sensibilité et l’entendement. La sensibilité est alors ce qui nous permet de percevoir le réel, et l’entendement ce qui rend ces données assimilables par notre esprit. Or du fait que nous faisons tous partie de la même réalité et que la similitude des cadres de l’esprit de chaque individu entraine le même fonctionnement de l’entendement de tout un chacun, il nous est possible d’accéder à des vérités objectives, universellement partageables. La science établit à cet égard des vérités qui répondent à toutes les exigences d’adéquations aux faits du réel connus à ce jour. On peut même ajouter comme Aristote que la vérité désigne ce qui est nécessaire (en opposition à ce qui est contingent), ce qui montre clairement qu’une vérité objective une et entière existe. Mais alors comment pouvoir imaginer un crépuscule de la vérité en connaissance ?

A cet égard, le sceptique remet en question la valeur de vérité, et parfois à juste titre. En effet, Montesquieu (XVIIIème) qui se définit lui-même comme un « relativiste sceptique » met en garde contre toute prétention. Son relativisme ne cherche pas à montrer l’absence de toute vérité, mais à éviter de tomber dans un dogmatisme et pour se faire de toujours remettre en question ses connaissances grâce à une utilisation de la raison à des fins critiques.  Mais là encore, on pourra noter que même dans une optique relativiste qui prétendrait que toutes les opinions se valent, on ne peut toujours pas se séparer de la notion de vérité. Il ne s’agit que d’une autre position par rapport à la vérité.

Mais ensuite, peut-on seulement prétendre qu’il n’existe pas de vérité ? Cette idée sophiste a été clairement critiquée par le fondateur même de la philosophie, Socrate. Car si toutes les opinions se valent, comment l’opinion qui dit que toutes les opinions ne se valent pas peut elle aussi être vraie ? Cette incohérence relevée, le raisonnement ne tient plus. Il y aurait donc bien une vérité objective, universelle et intemporelle. Et affirmer l’inverse serait alors adopter une attitude immorale. Cela peut même être porteur d’une grande violence. En effet la doctrine des Etats totalitaires, qui par ailleurs s’appuie souvent sur une réflexion très complexe et élaborée, par du principe qu’il n’y a de vérités que humaines, d’où que l’homme doit pouvoir modeler la vérité. Ainsi dans 1984 de Georges Orwell, O’Brian en vient à nier l’existence de ce qu’il tient au même moment dans la main, illustrant cette croyance en la toute-puissance de l’esprit. Ainsi une relation sensée au réel ne peut prétendre se passer de la vérité objective qui semble devoir toujours briller.

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Crépuscule de la vérité ne serait-il alors qu’un oxymore ? Conclusion hâtive de quelqu’un qui aurait cru pouvoir se passer d’une vérité objective et horizon régulateur ? Pourtant, si l’on passe maintenant de la vérité en connaissance à la vérité pratique et sociale, on imagine aisément le locuteur qui dans un élan de déception face aux mensonges et aux illusions exprime son impression de voir disparaitre et s’assombrir la vérité.

Avant tout, il faut voir que s’il existe bien une vérité, certains ont essayé de la détruire. Mais alors qu’est ce qui peut éteindre, tuer la vérité et faire advenir son crépuscule ? Là encore l’exemple des Etats totalitaires et de 1984 est révélateur. Pour Big Brother et le parti, il s’agit de détruire la notion même de vérité objective pour vérité devienne synonyme de l’opinion officielle. Pour ce faire, le sens même des mots est dissout et le vocabulaire restreint pour faire disparaitre toute nuance, voire faire disparaitre le concept en faisant disparaitre le mot. De même toutes les traces du passé sont transformées pour perpétuellement être en cohérence avec les dires du parti. Or sans aucunes preuves, la vérité historique devient impossible à établir. Ainsi il semble qu’en effet, le crépuscule de la vérité puisse advenir lorsqu’une machine semblable au parti totalitaire de 1984 se donne pour but de la détruire. Ses habitants connaissent même alors la nuit la plus noire puisque l’horizon de vérité n’est plus là pour éclairer quoi que ce soit.

Ensuite, d’aucuns diraient en observant les hommes dans leurs relations que la vérité semble tomber en déchéance tant l’hypocrisie et la tromperie domine. Tel un Alceste, héros de la sincérité, le locuteur porteur d’un idéal de transparence pourrait voir dans les relations humaines l’incarnation de ce crépuscule de la vérité. Ainsi, le héros du Misanthrope de Molière est bien celui qui récuse la vie de Cour avec toutes ses apparences et ses faux-semblants. Pourtant est-il pour autant dans la vérité ? Il semble bien que non, car la vérité en tant qu’accord avec le monde, c’est justement savoir s’adapter à la situation donnée. Or Alceste blesse et se fait détester en voulant imposer sa norme aux autres. Finalement c’est Philinte, l’homme qui aime la sincérité mais est mesuré et attentif à la sensibilité de ses locuteurs qui est bien dans la vérité. On retrouve également cette idée des hommes qui perpétuellement mentent dans Rashomôn d’Akira Kurosawa (1950). Chaque protagoniste raconte sa propre version de l’histoire, illustrant l’absence de fiabilité et de vérité dans les paroles humaines. Pourtant ce qui ressort du film est que la vérité se situe chez l’homme dans ses actes, ceux-ci ne mentent pas, comme le montre le geste d’amour du bucheron qui adopte l’enfant abandonné. Ainsi il ne faut pas juger trop hâtivement le manque de sincérité des hommes. Car de même, nous revêtons tous plusieurs rôles sociaux, adaptant notre manière d’être aux situations. Or si certains voient en cela un mode de dissimulation de son être et de sa vérité, il s’agit bien plutôt d’une adaptation à la réalité changeante des situations, donc une attitude on ne peut plus vraie.

Et enfin si les hommes se trompent, ils s’illusionnent aussi, et c’est peut-être là ce qui menace le plus l’homme d’un crépuscule de la vérité. En effet, l’illusion a cela de particulier qu’elle est une erreur qui persiste même après la découverte de la vérité. Et à Freud d’ajouter que c’est une erreur voulue. Il développe ensuite sa théorie dans l’avenir d’une illusion en traitant de ce qui est pour lui la plus grande des illusions, la religion. Mais alors pourquoi cette persistance volontaire dans l’erreur ? Pourquoi vivre dans l’illusion alors que notre pouvoir sur le réel semble être à la mesure de notre connaissance de la vérité ? Ce peut être déjà parce que le réel et la vérité sont trop difficiles à supporter. Ainsi on peut lire à la toute fin de Don Quichotte de Cervantès (XVIème) ces lignes qui éclairent la folie du personnage éponyme : « à mesure que la mort approchait, il redevenait sage ». On comprend alors que le héros se réfugiait volontairement dans ces illusions de romans chevaleresques pour se rendre la vie plus palpitante. Enfin, si la vérité explique le monde, elle ne résout pas le problème des fins. C’est pourquoi la religion peut avoir un rôle parallèle à la vérité qui n’entre pas forcément en confrontation avec celle-ci. Pourtant lorsque la religion cherche à établir des vérités universelles, cela attire certains qui délaissement alors la vérité pour le fanatisme et l’idéologie, qui finalement prétendent détenir la vérité mais ne cherchent pas à se préoccuper du réel. L’attrait de tels courants constitue alors un vrai risque pour la vérité, car ils paraissent offrir bien plus que la vérité et la raison, illusionnant alors les plus sensibles à leur message.

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On le voit, la vérité semble bien souvent voilée pour l’homme tant par manque de sincérité que par illusion. Et alors pour éviter ce crépuscule de la vérité, il s’agit avant tout de promouvoir la raison, qui semble être l’élément le plus à même de réduire les illusions. Mais est-ce pour autant qu’il faut tenter par tous les moyens de maintenir la vérité au zénith ? En effet la vérité n’est-elle pas « ce soleil qui ne se laisse pas regarder » ? Dès lors, n’est-ce pas justement à la lumière tamisée et filtrée du crépuscule que l’homme est le plus à même de voir la vérité ?

En effet, les seules vérités accessibles aux hommes sont des vérités partielles, puisque forcément réduites par les cadres de l’esprit et la capacité de l’entendement à assimiler une perception déjà incomplète du réel. Donc peut-être n’avons-nous toujours qu’affaire à une vérité crépusculaire, floue, diffuse comme la lumière du crépuscule. Mais alors comment saisir cette vérité lorsqu’elle apparait impossible à objectiver ou conceptualiser ? C’est entre autre l’objectif de l’art que de pallier les manques de la conceptualisation, en comblant cet écart entre l’objet (généralisation nécessaire à la connaissance) et la chose (la réalité en elle-même dont chaque élément jouit d’un éclat de phénoménalité unique), et alors faire un peu plus de lumière sur le réel.

On peut également se demander si finalement, ce n’est pas lorsque l’on cesse de chercher la vérité que l’on est le plus à même de la trouver ? Autrement dit si ce n’est pas dans le noir que l’on peut distinguer les étincelles de vérité ? En effet en renonçant à chercher la vérité, on ne se ferme pas dans une orientation bornée dans la recherche de la vérité, qui empêche l’ouverture à la phénoménalité, la pleine ouverture. Et puis alors, peu importe finalement, car la vérité finit toujours par se rappeler à nous. Tolstoï le montre bien dans La Mort d’Ivan Ilitch : le héros cherche toute sa vie à vivre dans un monde bien conforme à sa volonté, refusant de voir ce qui pourrait lui déplaire. Mais finalement, la réalité symbolisée par sa douleur grandissante se rappelle à lui, car on ne peut ignorer la réalité volontairement. Si le soleil de la vérité se couche un soir, il réapparaît toujours le lendemain, on ne peut échapper à la vérité car ce serait vouloir échapper au réel, or nous sommes indéfectiblement liés au réel car partie intégrante de celui-ci.

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Ainsi nous pouvons conclure notre argumentation en disant que crépuscule de la vérité semble bien un paradoxe en connaissance car la vérité objective est intemporelle. Mais c’est bien dans les vérités humaines que ce crépuscule pourrait se cacher, notamment du fait de la force de nos illusions. Mais enfin, peut être que le crépuscule est notre condition même de la vision de la vérité, qui sinon nous éblouit et ne se laisse pas voir.

Guillaume Hénault