Le choix des centres d’écrits constitue un souci pour de nombreux candidats qui se demandent si passer les concours loin des centres avoisinant les meilleures prépas constitue une stratégie payante. Il n’y a pas de réponses tranchées car cela dépend de très nombreuses circonstances propres à chacun. Nous allons les détailler.

I. Le brassage des copies

Ecricome : ici, pas de distinction entre les centres d’examens dans la mesure où les copies sont brassées à l’unité !

BCE : le site nous informe de la manière suivante :

“Lors de l’inscription, vous choisissez un lieu de centre d’écrits. En fonction de la capacité dont nous disposons dans ce lieu et du nombre de candidats l’ayant choisi, nous pouvons être amenés à vous demander de changer votre choix. Dans ce cas, vous serez contacté(e) courant février et d’autres lieux vous seront proposés. L’adresse de votre centre d’écrits figurera sur votre convocation, disponible début mars.
Pour information, les copies de tous les centres d’épreuves sont acheminées en un même lieu, brassées et affectées de façon aléatoire aux correcteurs. Notre protocole garantit que chaque correcteur ait obligatoirement des copies de différents centres.”

centresBCE

De facto, les copies de chaque centre d’examen sont regroupées par paquets (de 20 paraît-il) et chaque correcteur d’épreuve reçoit plusieurs paquets provenant de différents centre d’examen. D’après de nombreux correcteurs cela joue clairement : ils corrigent successivement des paquets de copie à 13 de moyenne alors qu’ils en ont d’autres à 7… Cela signifie clairement qu’il y a une différence de niveau entre les centres d’examens, et celle-ci est indéniable.

Cela tient à la logique. Par exemple, si vous passez vos concours à Versailles, les camarades assis à vos côtés (et peut-être vous aussi!) porteront des sweats de Ginette, Hoche, Grandchamp, faisant toutes trois partie des 10 meilleures prépas commerciales de France. Il est donc logique que la moyenne générale des copies d’un paquet versaillais sera par conséquent plus élevée que pour un candidat passant ses concours dans une ville de province. Dès lors, apparaît la tentation de fuir cette concurrence dans la mesure où se démarquer est plus difficile qu’ailleurs. Il devient donc légitime de se demander si l’exil dans un centre d’examen à proximité de prépas moins bien classées est une bonne solution…

II. Partir ailleurs : quelles questions se poser ?

Se demander si partir dans une ville où la concurrence est moins élevée revient à se poser plusieurs questions :

  • Serais-je moins à l’aise pour composer lorsque les candidats autour de moi ont l’air bien meilleurs ?
  • Aurais-je de meilleures conditions pour vivre mes concours ailleurs ou est-il préférable de rester ici ?
  • A production égale, une copie aura-t-elle la même note si elle se retrouve au milieu de bonnes copies ou de copies de niveau médiocre ?

Les deux premières questions ne se basent que sur vous, elles sont éminemment subjectives.

1. Serais-je moins à l’aise pour composer lorsque les candidats autour de moi ont l’air bien meilleurs ?

La première question revient tout simplement à déterminer si voir d’autres candidats de meilleur niveau vous déstabilise, vous motive ou bien ne vous fait aucun effet. Si cela vous déstabilise, essayez de relativiser : lorsque vous commencez à composer, il n’y a strictement rien de différent entre vous et le major de la meilleure prépa de France : vous avez tous deux un stylo et quelques heures pour rendre une production, pour lui comme pour vous il s’agit de gérer au mieux la situation le jour J ! (votre niveau de base ne compte pas le jour J !)

Il n’est donc pas étonnant de constater que chaque année, des étudiants aient eu des notes qu’ils n’avaient pas eu au cours de l’année : les bonnes surprises existent tout comme les contreperformances inattendues ! (Cela peut aussi résulter d’une notation rapide et donc imparfaite, nous reviendrons sur ce point plus tard).

Néanmoins, si vous jugez que la probabilité de voir votre voisin pondre 20 pages de mathématiques en deux heures ou faire des dissertations d’économie de 15 pages est trop grande et vous effraie, alors songez à vous éloigner de votre centre. Mais notre premier conseil serait de ne pas avoir peur et de donner le meilleur de vous-même indépendamment de ce qu’il se passe autour de vous.

2. Aurais-je de meilleures conditions pour vivre mes concours ailleurs ou est-il préférable de rester ici ?

Si vous répondez “oui” à cette deuxième question, vous devriez déjà envisager de passer vos concours ailleurs, car si vous jugez que partir chez un proche ou à l’hôtel vous permettra d’avoir de meilleures conditions, alors n’hésitez plus ! A l’inverse, si vous préférez rester dans votre environnement proche et vivre vos concours en compagnie de vos camarades (expérience inoubliable !), alors la question ne se pose pas : restez chez vous ! Avant de vous aventurer dans une contrée inconnue, pensez tout de même à faire des repérages et à tout organiser de sorte que vous minimisiez vos temps de transport.

III. L’art de la docimologie

Pour répondre à cette troisième question, nous devons y consacrer une partie entière, car c’est in fine la seule raison objective qui puisse valoir pour justifier un changement de centre d’examen. La question était : “A production égale, une copie aura-t-elle la même note si elle se retrouve au milieu de bonnes copies ou de copies de niveau médiocre ?”

Une science très intéressante s’intéresse à ce problème épineux : il s’agit de la docimologie. Cette science vise notamment à étudier la manière dont les notes sont données lors d’examens et de concours (si si, ça existe. Vérifiez sur Wikipédia si vous ne me croyez pas !). L’une des sous-disciplines de la docimologie est celle qui s’intéresse aux conditions de l’évaluation. On distingue principalement deux effets :

  • L’effet de halo : celui qui fait que pendant votre prépa, le major qui se plante a une meilleure note qu’un étudiant de fin de classe qui a mieux réussi que d’habitude, à production égale. Cela est du aux a priori du professeur qui connait ses élèves. Cet effet ne nous intéresse pas ici, puisque les copies sont censées être anonymes.
  • L’effet de contraste :  celui qui fait qu’à production égale, une copie reçoit une moins bonne note si elle se trouve entre des copies de haut niveau, et inversement. C’est cet effet qui nous intéresse.

De très nombreux experts en docimologie ont mené des recherches sur cet effet de séquence (autre nom de l’effet de contraste) et leurs conclusions sont pour le moins surprenantes ! Nous allons ici simplement reprendre une expérience menée par Jean-Jacques Bonniol, fondateur et ancien directeur du département des sciences de l’éducation à l’Université de Provence, Aix-Marseille.

Son expérience consiste à présenter des devoirs à 18 correcteurs divisés en deux groupes de 9. Le barème de notation est le suivant : 4 pour une copie jugée “très bien”, 3 pour une copie jugée “bonne” et 2 pour une copie jugée “médiocre”. Chaque correcteur de chaque groupe reçoit 15 copies, dont trois communes notées 3.  Pour le premier groupe, ces 3 copies sont intercalées parmi 12 copies ayant obtenu 4 et pour le second,  ces 3 copies sont intercalées parmi 12 copies ayant obtenu 2. Les effets sont dantesques : la moyenne des trois copies est passée de 3 à 2,4 dans le premier groupe et cette moyenne est passée de 3 à 3,87 dans le deuxième, c’est-à-dire qu’elles étaient presque toutes jugées très bonnes par les 9 correcteurs !

A l’aulne de ces résultats, même si les écarts constatés au concours demeurent plus faibles dans la mesure où les paquets ne sont pas si hétérogènes, s’éloigner des centres d’examens ayant le plus de très bonnes copies est une stratégie payante pour les concours écrits de la BCE. Cet effet est nul à Ecricome où les copies sont brassées à l’unité. Et si la BCE s’inspirait d’Ecricome pour assurer un maximum d’équité entre les candidats ?

Cependant cette stratégie a quelques limites : de très nombreux élèves de grandes prépas passent également leurs concours écrits dans des centres d’examens réputés moins concurrentiels. Ce n’est pas en allant à Reims que vous échapperez forcément aux étudiants des meilleures prépas ! Mais ils seront certainement présents en plus petite proportion qu’à Versailles ou Paris… 😉

IV. L’expérience

Désormais, nous allons évoquer l’expérience de deux membres de l’équipe Major-Prépa, tous deux admissibles à HEC Paris

Expérience de Mehdi, admissible (et admis) à HEC :

Je parle désormais en mon nom personnel. L’année dernière, j’hésitais réellement entre le fait de passer mes concours à Versailles ou bien de partir m’exiler à Caen, en compagnie de Guillaume (dont le retour d’expérience suit le mien). Outre le fait de ne pas vouloir faire de répétition entre mes concours de carré (passés à Versailles), l’idée de ne plus composer pour ne plus être noté au milieu d’étudiants de très grandes prépa me semblait plutôt attrayante. Néanmoins, je n’ai pas suivi mon camarade dans ce petit voyage dans la mesure où je ne voulais pas ajouter de fatigue liée au fait d’enchaîner les aller-retours entre Caen et mon domicile durant les week-ends, celle des concours suffisait, et je disposais de l’internat du lycée La Bruyère à Versailles. J’ai donc passé mes concours à Versailles, au milieu d’une forte concurrence, qui a davantage joué le rôle de stimulateur. Il n’y a rien de plus motivant que d’avancer aussi vite voire plus vite que des étudiants de ces grands lycées ! Néanmoins, ma déception a été grande au niveau de ma matière de prédilection, la géopolitique, ne décrochant qu’un faible 13/20 à l’épreuve ESCP alors que mes notes de l’année étaient bien meilleures, sans pour autant avoir l’impression d’avoir sous-performé. A la sortie de l’épreuve, mes voisins affirmaient avoir bossé prioritairement ce sujet, ce que leurs camarades ont confirmé par la suite. Il se pourrait donc que je fasse partie de ces copies notées 3 qui se retrouvent à 2,4 dans l’expérience de Bonniol, je ne le saurais jamais ! Néanmoins, j’ai tout de même décroché l’admissibilité à HEC Paris avec de nombreux points d’avance sur la barre.

Expérience de Guillaume, admissible à HEC Paris et admis à l’ESCP Europe :

Comme l’a dit Mehdi j’ai passé mes écrits BCE l’année dernière au Lycée Malherbe à Caen, ce qui s’est révélé au regard de mes résultats avoir été une bonne décision. Cependant si j’ai décidé de m’exiler en Normandie ce n’est pas sans raisons. Tout d’abord, j’avais passé mes écrits en année de carré au centre de Ginette à Versailles, et mes résultats avaient été relativement décevants. Ensuite, en interrogeant mes camarades qui avaient eux passé les concours ailleurs, il apparaissait que les “bonnes surprises” était proportionnellement plus nombreuses que pour ceux restés à Versailles. Enfin, si j’ai choisi Caen et pas un autre centre, c’est déjà que j’avais eu de bons retours au sujet de ce centre d’examen, et surtout que ma grand-mère possédait une maison non loin, ce qui me permettait d’être avec ma famille le week-end.

En effet (et cela renvoie à la question 2. sur les bonnes conditions), j’ai eu dans l’ensemble de très bonnes conditions pour passer le concours, ce qui est à mon sens un critère essentiel pour choisir de passer les concours ailleurs. Déjà, je n’ai eu en tout qu’à passer 8 nuits à l’hôtel, et le week-end je rentrais avec ma famille qui se trouvait à une heure de route. Je dormais à l’Ibis du centre ville, un petit hôtel calme à 10 minutes à pied du centre d’examen (le calme et la proximité au centre d’examen sont essentiels pour choisir votre hôtel, alors n’hésitez pas à investir dans un 3 étoiles s’il le faut plutôt que de ne pas dormir de la nuit dans un 1 étoile aux murs en papier à cigarette). La seule contrainte étant de trouver un endroit pour manger le midi et le soir. Faute d’avoir réussi à s’organiser avec mes amis, j’étais le seul de ma prépa à passer les concours à Caen. Si se retrouver seul peut être rédhibitoire pour certains, cela s’est finalement révélé positif dans mon cas puisque cela permet d’être dans sa bulle, dans une concentration maximum sans distractions extérieures. Mais bien sur cela est très différent de rester les 15 jours entiers du concours à l’hôtel (moralement et financièrement) !

S’il fallait trouver un point négatif, je dirais que l’organisation durant les épreuves était sans commune mesure à Caen et à Ginette. A Versailles, un régiment de surveillants était au petit soin et accourait dès qu’un élève demandait une copie supplémentaire. Mon expérience à Caen est assez loin de cette organisation millimétrée… Pour exemple, il est arrivé plusieurs fois que 30 secondes avant le début de l’épreuve les vieilles surveillantes (forts sympathiques mais assez peu professionnelles) courent d’une salle à l’autre à la recherche de sujets manquants !  Ou encore que les surveillants se mettent à taper un brin de causette juste devant vous en pleine épreuve de maths EDHEC…

Pour conclure, je dirais que passer ses concours en province vaut le coup si vous cherchez à fuir un centre de très bon niveau (Versailles est surement le meilleur exemple) et si vous pouvez avoir de bonnes/très bonnes conditions de vies sur place qui vous permettent de donner le meilleur de vous même durant ces 8 jours d’épreuves. Dans tous les cas, cela reste une question de probabilités. Je pense qu’à copie égale, un élève a plus de chance d’avoir une meilleure note à Caen qu’à Versailles, même si cela ne garantit absolument rien, car au final c’est quand même la qualité de votre copie qui compte, et heureusement !

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