Les données officielles

La statistique naît avec l’émergence de l’État. Sa tâche originelle est de dénombrer la population à des fins pratiques (impôts, guerre). La statistique naît donc avec la centralisation politique et administrative.

La statistique permet l’objectivation (mise à distance, visibilisation, mesure) des phénomènes sociaux. Il y a un lien entre la consistance d’un phénomène et la capacité à le mesurer. L’esprit statistique modifie donc la manière de voir le réel. Il permet la formation du social cristallisé, dont Durkheim fait l’objet privilégié de la sociologie.

Les données produites par l’État et les organismes officiels sont prédéfinies par les autorités publiques. L’enquêteur n’a donc pas vraiment d’autonomie par rapport au commanditaire, et se voit imposé une certaine perspective.

REF : Desrosières, La Politique des grands nombres

Les données produites par le chercheur

La méthode des statistiques permet d’objectiver les phénomènes sociaux…

  • Depuis Durkheim, les statistiques sont une des méthodes principales de la sociologie. Elles contribuent à la chosification de l’objet d’étude, ce qui est conforme à l’épistémologie durkheimienne.
  • Il y a plusieurs étapes pour produire des statistiques. Il faut élaborer le questionnaire (en sorte qu’il se prête à un traitement quantitatif) et le proposer à une population donnée. Le questionnaire peut se heurter au problème de la sincérité des répondants à la compréhension des questions.
  • Les statistiques peuvent servir à vérifier une théorie élaborée en amont, mais pour certains elles peuvent aussi être le point de départ de la théorie.

… mais sa scientificité est à nuancer

  • Il faut se garder d’une croyance naïve dans la vérité des statistiques. Plusieurs choses la remettent en cause. On peut corriger cela en procédant à des redressements (par exemple la moitié des gens qui votent Le Pen ne le disent pas, donc on multiplie les chiffres par deux).
  • Le sondage est une enquête par questionnaire sur un échantillon, qui vise la représentativité (correspondre à la population mère, d’où est tiré l’échantillon). Celle-ci peut être obtenue soit par la méthode aléatoire (tirer les répondants au sort), soit part la méthode des quotas.

Les méthodes qualitatives

L’observation

  • L’observation est une technique ancienne et la technique principale de l’anthropologie. Depuis Malinowski, on oppose observation non participante et observation participante : la première consiste à étudier son objet de façon médiatisée (Durkheim qui lit des récits de missionnaires ou d’administrateurs coloniaux), la seconde consiste à vivre au sein du groupe qu’on étudie. Ces deux méthodes d’observation ne s’opposent pas forcément.
  • L’observation non participante peut être directe (on observe le groupe sans s’y intégrer) ou indirecte (récits). On a souvent remarqué que l’observation directe avait des effets sur le groupe observé, et qu’elle était donc en un sens elle aussi participante (effet Hawtrey).
  • L’observation participante a aussi ses limites : elle induit un manque de recul par rapport à l’objet, qui peut être un obstacle à une étude objective.

L’entretien

  • L’entretien est une autre méthode qualitative. Il se distingue du questionnaire en ce qu’il est moins directif. Là encore, c’est une méthode qui rencontre plusieurs obstacles : certains répondants sont plus inhibés que d’autres (pauvres, rescapés des camps…), l’entretien peut servir à valider les préjugés de l’enquêteur, les répondants peuvent mentir sur leurs pratiques effectives (exemple de la répartition des tâches domestiques dans le couple), ou ne pas avoir de réflexivité sur leurs pratiques, ce qui impose à l’enquêteur d’affûter ses questions.

Références : Kaufmann, Corps de femmes, regard d’hommes

La méthode biographique

  • Il y a également la méthode biographique, introduite en France par Daniel Bertaux. Il s’agit d’un entretien approfondi, où le répondant raconte sa vie, après quoi le sociologue doit trier les données recueillies selon leur pertinence. Pour Bourdieu dans L’Illusion biographique, la méthode biographique est en proie au biais de la lecture rétrospective, qui assigne un sens à tous les éléments du passé (même contingents) à partir d’un présent défini (le « tout petit déjà »).

REF : Niels Anderson, Le Hobo Bourdieu, L’Illusion biographique

Débats : faut-il préférer la méthode qualitative à la méthode quantitative ?

  • C’est quoi une méthode “sociologique” ? Outre les principales méthodes précédemment citées, on peut encore mentionner les archives, les matériaux filmiques, les photographies. Il n’y a pas de méthodes qui soit en soi sociologique ou non sociologique. L’essentiel est de se questionneur sur la valeur informative du matériau employé.
  • Pour répondre au classique débat méthode qualitative/quantitative. Il ne faut pas opposer bêtement les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives : elles peuvent se combiner de diverses manières suivant l’objectif de la recherche

A lire également : Qu’est-ce-que la sociologie qualitative ?