Chaque semaine, Stéphan Bourcieu, DG de BSB et Docteur en Sciences de Gestion, décrypte pour toi l’actualité mondiale et apporte des clés de lecture utiles pour nourrir tes copies d’ESH ou de géopolitique cette année.

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour voir les premiers effets économiques du Brexit. C’est un secteur emblématique de l’économie britannique qui est touché en ce début d’année. La City, première bourse européenne depuis les transformations initiées par le gouvernement de Margareth Thatcher à la fin des années soixante-dix vient en effet de subir un coup d’arrêt.

En janvier 2021, les volumes de transactions sur actions à la City ont atteint 8,6 milliards d’euros par jour, en forte régression par rapport au mois précédent où ils s’élevaient à 14,6 milliards d’euros par jour. Mais surtout, elle a perdu son leadership européen au détriment d’une autre place européenne qui a enregistré des transactions quotidiennes à hauteur de 9,2 milliards d’euros.

Pays tiers

Il faut dire que le Brexit Deal signé le 24 décembre 2020 entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne ne mentionne à aucun moment le secteur de la finance, quand bien même celui-ci pèse 7% du PIB britannique et 1,1 million d’emplois. Situation qui a fait dire à de nombreux observateurs que Boris Johnson avait lâché la City. En conséquence, le Royaume-Uni est désormais considéré par l’Union européenne comme un pays tiers en matière financière et les investisseurs européens ne peuvent plus y réaliser leurs transactions.

Logiquement, cela a entrainé une migration de près de la moitié des volumes de transaction de la City vers des places financières de l’Union (Source CBoE). Mais à la surprise générale, ce mouvement ne s’est pas limité aux seuls acteurs européens. Les clients non-européens ont suivi pour éviter la fragmentation du marché.

Ces mouvements ne sont probablement que les prémices de transformations plus profondes : l’opérateur américain ICE vient en effet d’annoncer que les transactions sur les permis d’émission de CO2, marché particulièrement porteur en raison de la prise de conscience climatique, allaient également quitter Londres pour rejoindre une capitale européenne.

Amsterdam en pole

Alors, qui de Paris ou de Francfort s’est adjugé le leadership européen ? Depuis le 23 juin 2016 et le vote déclenchant le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne, ces deux places financières rivalisent en effet d’inventivité pour rapatrier les opérateurs financiers sur le continent européen. En dépit de leurs efforts méritoires, Londres et Paris ont été devancées par un troisième acteur.

C’est en effet Amsterdam qui est devenue la première place financière européenne en ce début d’année 2021. Elle retrouve une place qu’elle a occupé au… XVIIème siècle, lors du siècle d’or néerlandais. A l’époque, la bourse d’Amsterdam était la première à réaliser la cotation d’une multinationale, en l’occurrence la Compagnie néerlandaises des Indes occidentales.

Si Paris n’a pas atteint son objectif, Euronext Paris et l’opérateur alternatif Aquis ont toutefois bénéficié du Brexit, avec une croissance de 50% des volumes quotidiens enregistrés, à 6 milliards d’euros. Et la France est partie-prenante du succès néerlandais : la bourse d’Amsterdam est en effet l’une des composantes fondatrices d’Euronext, avec les bourses de Paris et de Bruxelles … trois des six capitales européennes à l’origine du traité de Rome. Une belle revanche des fondateurs de l’Europe sur les partisans du Brexit !