Chaque semaine, Stéphan Bourcieu, DG de BSB et Docteur en Sciences de Gestion, décrypte pour toi l’actualité mondiale et apporte des clés de lecture utiles pour nourrir tes copies d’ESH ou de géopolitique cette année.

Commerce extérieur : le jour de la marmotte

Le 5 février de chaque année, j’ai l’impression d’être Bill Murray dans un « Jour sans fin » et de revivre le jour de la marmotte. Sauf qu’en guise de marmotte, ce sont les mauvais chiffres du commerce extérieur qui reviennent encore et encore.

Depuis 2003, le commerce extérieur français vit une descente aux enfers qui semble sans fin. Il faut en effet remonter à 2002 pour trouver la trace d’un solde du commerce extérieur positif (+3,548 Mds €). L’année 2020 ne fait malheureusement pas exception, avec un déficit de 65,2 milliards d’euros. C’est le plus mauvais résultat depuis 2012 (et accessoirement sur le podium des plus mauvaises années pour le commerce extérieur français).

Comment expliquer ce très mauvais chiffre ? Dans pareille situation, nos hommes politiques sont prompts à ouvrir le parachute de la crise. Sauf que les crises réservent parfois des surprises. Ainsi en 2009, alors même que le monde connaissait une récession brutale du commerce mondial (passé en un an de 25,2% à 20,3% du PIB mondial), le déficit du commerce extérieur français s’était réduit de manière significative. En 2020, en revanche, la crise du Covid-19 a effectivement eu un impact négatif sur la balance commerciale de la France.

Crise sanitaire, crise économique

Tout d’abord, la crise sanitaire a eu un impact direct sur les importations : la France a en effet importé massivement des masques (126 702 tonnes de masques importés !) et des réactifs pour les tests, essentiellement depuis la Chine (à 84%). La facture est lourde puisqu’elle s’établit à 10,3 milliards d’euros contre seulement 3,1 milliards d’euros en temps normal. Ce chiffre peut suffire à lui seul à expliquer la dégradation des comptes en 2020.

Ensuite, la crise économique engendrée par la crise sanitaire a eu un impact significatif sur les comptes du commerce extérieur français. Les exportations françaises ont plongé de 15,9% et les secteurs industriels ont beaucoup souffert. L’aéronautique, secteur traditionnellement fortement excédentaire, a été marqué par un effondrement des livraisons (-45,5%). De même, les exportations automobiles ont chuté de 18,7% en dépit d’une reprise forte au second semestre. Le secteur des services a également été impacté : ainsi les exportations de services touristiques ont logiquement connu un effondrement, avec une baisse de 49,8%.

A la lecture de ces chiffres, il apparaît donc que le déficit du commerce extérieur français aurait certainement battu un nouveau record si les ventes de produits pharmaceutiques n’avaient pas enregistré une progression (+4,7%) et surtout si les importations de produits pétroliers n’avaient pas connu un recul (-39,8%), allégeant considérablement la facture énergétique, passée de 44,8 milliards d’euros en 2019 à 25,7 milliards en 2020.

La crise sanitaire ne fait qu’accélérer le déclin inéluctable de secteurs exportateurs traditionnels de l’industrie française tels l’automobile ou l’agroalimentaire (tout juste excédentaire en 2020). Ce mauvais résultat traduit une fois encore la perte de compétitivité de l’économie française et tout laisse penser qu’on se retrouvera en 2022 pour un 19ème jour de la marmotte.

Un jour sans fin, je vous dis !