Chaque semaine, Stéphan Bourcieu, DG de BSB et Docteur en Sciences de Gestion, décrypte pour toi l’actualité mondiale et apporte des clés de lecture utiles pour nourrir tes copies d’ESH ou de géopolitique cette année.

Mardi 16 mars : Michel Goya, colonel des troupes de marine et historien, tourne en dérision dans un tweet le principe de précaution suite à la décision du Président de la République de suspendre à titre conservatoire la vaccination contre la Covid-19 avec le vaccin AstraZeneca.

Reprenons les faits. À la date de suspension, 17 millions d’européens et de britanniques ont été traités avec le vaccin AstraZeneca. 15 cas de thromboses graves voire mortels ont été enregistrés, sans qu’aucun lien d’ailleurs n’ait pu être établi avec la vaccination.

Règne européen du principe de précaution

Face à cette situation perçue par la société comme inquiétante, le principe de précaution, élevé au rang constitutionnel par la France, se diffuse plus vite en Europe que le variant britannique de la Covid-19 !

À tel point qu’avec la suspension du vaccin AstraZeneca, les élèves ont dépassé le maitre puisque Autrichiens, Hollandais, Danois et Allemands ont devancé les Français, obligeant le Président Macron à déjuger son Premier Ministre qui avait dit la veille que le vaccin était sûr.

Les statistiques sanitaires font état de 0,00009 % de cas de thromboses par des personnes ayant reçu le vaccin AstraZeneca.  Ce chiffre est à mettre en regard des 0,2% de risques avérés de thromboses liés à la prise d’une pilule contraceptive… sans que cela n’émeuve personne en Europe depuis des décennies !

Pour le quotidien britannique The Telegraph, « The French precautionary principe is literally killing Europe. EU Leaders have destroyed confidence in the AstraZeneca vaccine – meaning even larger number will die ».

Il est vrai que pour se protéger d’un risque non avéré et avec une probabilité statistique infinitésimale, les autorités sanitaires acceptent de laisser le virus proliférer et causer des milliers de morts supplémentaires, geler des économies, confiner des pays entiers et donner le champ libre aux anti-vax pour déployer leurs arguments.

Comment en est-on arrivé à ce paradoxe de tout faire pour se protéger d’un risque potentiel, quitte à laisser proliférer un danger avéré ?

Confusion entre risque et danger

C’est en 2005 que le principe de précaution a été inclus dans le préambule de la Constitution de la Ve République française. Depuis lors il n’a cessé de se développer dans tous les pans de la société : écologie, santé, agriculture et guide désormais l’action publique. Si agir avec précaution relève du bon sens, l’ériger en principe est susceptible de bloquer toute décision.

Le principe de précaution entraine en effet une confusion entre danger et risque. Le danger est à éviter, contrairement au risque qui est inhérent à toute civilisation. La société française vit aujourd’hui une situation paradoxale : elle n’a jamais été autant grippée par le principe de précaution qui inhibe les décideurs et l’opinion publique, alors même que, grâce au big data, le risque n’a jamais autant analysé, quantifié et dans les faits, maitrisé.

Alors que toute décision devrait être prise au regard de l’analyse bénéfices-risques, c’est l’irrationnel qui guide désormais l’action politique au pays de Descartes, à l’image de celle conduisant à suspendre préventivement le vaccin AstraZeneca. Et pendant ce temps, le virus de la Covid-19 continue de tuer…

On peut se demander comment un pays d’entrepreneurs et d’explorateurs comme la France s’est trouvé en quelques années paralysé par le principe de précaution. Pas sûr qu’avec un tel principe les frères Montgolfier seraient montés dans leur ballon, que Blériot aurait traversé la Manche, que Marie et Pierre Curie auraient manipulé du radium ou même qu’André Turcat serait monté dans le prototype du Concorde.

Dans une société rationnelle et pouvant s’appuyer sur la puissance d’analyse du big data, il serait peut-être temps d’appliquer la maxime d’Oscar Wilde : « Appuyez-vous sur les principes : ils finiront bien par céder ».

Au passage, le 19 mars, l’Agence Européenne du Médicament a confirmé que « les bénéfices du vaccin AstraZeneca l’emportent sur les risques (…) Il s’agit d’un vaccin sûr et efficace qui protège contre la Covid-19 ». Trois jours de vaccination de perdus.