Les Jeux Olympiques 2016 à Rio ont déchaîné les passions, tant de la part des sportifs aguerris que de la population brésilienne, en colère face à l’escalade des coûts qu’induit un tel événement. Si la situation semble s’apaiser, l’esprit des manifestations populaires qu’a vécu le pays ces derniers mois est encore bien là. Tout comme en Espagne, au point mort depuis maintenant plusieurs mois, faute de majorité absolue et d’accords entre partis lors des élections générales du 20 décembre 2015 puis du 26 juin 2016.=

I) El « 20D » : la fin définitive de la bipolarisation du système politique espagnol ?

Depuis 1977, le PP (Parti Populaire) et le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) ont tour à tour détenu le pouvoir puisque jusqu’aux élections législatives de décembre 2015, ces deux formations politiques bénéficiaient de 60 à 70 % de la représentation parlementaire. Mais le 20 décembre consacre la disparition du bipartisme qui caractérisait l’Espagne depuis la Transition démocratique : si le PP arriva en tête au Congrès des députés, il perdit sa majorité absolue. Et le PSOE réalisa un score historiquement bas, en ne remportant que 90 sièges. Face à ces deux mastodontes, Podemos et Ciudadanos firent irruption dans le paysage politique espagnol en obtenant respectivement 69 et 40 sièges.

Le PP arriva donc en tête, mais avec seulement 123 sièges. Un résultat insuffisant pour gouverner seul dans une chambre de 350 membres, comme il le faisait depuis 2011 avec ses 186 sièges. Ces résultats, plutôt équilibrés entre les différentes formations politiques, vont être la racine du mal qui afflige les Espagnols depuis plusieurs mois. En effet, une alliance PSOE-Podemos était improbable, tout comme un éventuel rapprochement entre le PP et Ciudadanos, qui, même s’il avait vu le jour, n’aurait pas donné lieu à une majorité absolue de 176 sièges.

II) Après 3 mois passés en vain à remporter l’investiture… Rebelote ?

S’ensuit une interminable conquête électorale pour le conservateur Mariano Rajoy, qui renonce toutefois à former un gouvernement le 22 janvier 2016, faute de soutiens suffisants à l’investiture du Parlement. Le champ semble alors libre pour Pedro Sánchez, le premier secrétaire du PSOE, qui tentera d’obtenir son investiture le 2 mars de la même année. Mais l’échec est cuisant : l’alliance du PSOE avec le parti centriste libéral Ciudadanos n’a réuni que 131 voix pour, face à 219 voix contre l’investiture de Sánchez.

Le roi d’Espagne dut alors convoquer les dirigeants des partis, les 25 et 26 avril, pour de nouvelles consultations à l’issue desquelles des élections auraient pu être organisées s’il ne trouvait aucun candidat à la formation d’un gouvernement.  Aucun suspens : cette option fut celle choisie par le roi Felipe VI, qui, le 2 mai, annonça l’organisation de nouvelles élections législatives pour le 26 juin.

III) El « 26J » : seconde tentative pour sortir de l’impasse politique

Lassés par plus de 6 mois de campagne électorale, les Espagnols furent donc appelés à voter une seconde fois. Les enquêtes d’opinion révèlent tant le malaise social que la colère envers les principales figures politiques, Mariano Rajoy et Pedro Sánchez en tête. En effet, une enquête d’opinion publiée par le CIS (Centre d’Investigations Sociologiques) le 3 juin met en évidence une réalité qui fait froid dans le dos des principaux leaders politiques. A la question : « Comment valorisez-vous l’action des dirigeants politiques suivants? », seulement 19% des Espagnols considèrent que l’action de Pedro Sánchez est « bonne ou très bonne ». Mais Pablo Iglesias et Mariano Rajoy ne sont pas épargnés : ils n’obtiennent respectivement que 23% et 24% d’opinions favorables. Albert Rivera, le leader de Ciudadanos, s’impose comme l’homme politique qui remporte la plus grande adhésion : plus d’un Espagnol sur trois donne crédit à son action. Le constat semble clair : Rajoy, Sánchez et Iglesisas paient le prix de leur immobilisme.

Pourtant, la donne change : l’alliance « Unidos Podemos » se crée autour de Pablo Iglesias et de Alberto Garzón, secrétaire de « Izquierda Unida » (gauche unie, une coalition de gauche radicale formée autour du Parti Communiste espagnol ). Selon les sondages, Unidos Podemos devait réussir le sorpasso, le dépassement du PSOE, en sièges comme en voix. La coalition serait donc en position de force pour négocier. Mais l’écueil principal de cette alliance demeurait le référendum d’autodétermination en Catalogne : le PSOE refuse absolument un vote qui pourrait mettre en péril l’unité de l’Espagne. Pablo Iglesias dut alors résoudre une équation à plusieurs inconnues (hélas Pablo n’a pas suivi de prépa EC, alors soyons indulgents !) : ou bien il renonce au référendum catalan et s’expose à une perte de voix en Catalogne, ou bien il le maintient et doit alors faire une croix sur son alliance rêvée avec le PSOE. Par la force des choses, la seconde option s’impose rapidement au leader de Podemos.

26 juin, jour fatidique pour plus de 25 millions de votants espagnols. La situation politique va-t-elle enfin se décanter ? Le PP déjoua tous les pronostics pré-électoraux, en remportant un tiers des suffrages, et en obtenant 137 sièges à la Chambre des députés. Le PSOE, quant à lui, vit sa situation empirer : le parti garde sa seconde place, mais perd 5 sièges par rapport aux élections de décembre. La coalition « Unidos Podemos » talonne le PSOE en nombre de voix, mais reste loin derrière en termes de sièges, avec 71 députés. Contre toute attente, le parti libéral Ciudadanos recule. Il ne recueille que 32 sièges, loin des 40 remportés en décembre quand il avait séduit les électeurs du PP en dénonçant la corruption.

IV) Un blocage qui devrait subsister

C’est notamment ce rejet de la corruption qui empêche toute « unité des droites » autour de Ciudadanos et du PP. Celle-ci constituerait certainement une porte de sortie face à l’incertitude qui règne encore en Espagne. Mais l’entrevue du 12 juillet entre les deux dirigeants s’est conclue sur l’annonce par Rivera de certaines conditions qu’il imposerait au PP en cas d’alliance. Il ambitionne notamment une refondation de la démocratie espagnole, afin d’éviter les scandales de corruption ayant émaillé la vie politique, et également une relève générationnelle à la tête du PP. Ces deux conditions expliquent la réticence de Mariano Rajoy à former une alliance sérieuse avec Albert Rivera.

La situation est donc encore au point mort, tant les résultats aux récentes élections sont serrés. C’est pourquoi l’on peut s’attendre à une nouvelle dissolution du Parlement dans les prochains mois En effet, si tous les partis politiques maintiennent leur posture, comme ils l’ont fait après le « 20D », aucun accord ne se profilera et les électeurs espagnols seront de nouveau conviés à des élections. Faudrait-il alors regretter l’époque du bipartisme ?

Et un petit coup de vocabulaire et d’expressions sur la situation politique pour rafraîchir votre espagnol !

I. El sistema politico

  • N’oubliez surtout pas que le bipartisme, c’est « el bipartidismo »
  • los comicios = las elecciones
  • un escaño = un siège
  • un sondeo = un sondage
  • Democracia participativa = la nueva forma de democracia que han instaurado partidos como Podemos, en la que el ciudadano de a pie puede tomar la palabra.
  • Podemos y Cuidadanos (C’s) son dos partidos que han irrumpido con fuerza en las instituciones
  • Recortes (en sanidad, educación, pensiones etc) llevados a cabo por el PP desde 2011= coupes budgétaires
  • El CIS pregunta cuales son los principales problemas para los españoles y tras el desempleo, el segundo puesto lo comparten “los problemas de índole económico y político” y, tras ellos, la sanidad (justamente, con los recortes).
  • Attention !! On dit “ votar por alguien
  • la cúpula = les instances dirigeantes
  • el bando contrario = le camp adverse
  • el contrincante / contendiente = le rival / adversaire
  • la contienda electoral = la bataille électorale
  • la plataforma = la coalition électorale

II. La situación actual

  • el rompecabezas (le casse-tête) político
  • Cataluña es una de las claves del embrollo postelectoral español
  • después de las elecciones del 20-D, el país estaba al borde de la ingobernabilidad
  • el malestar generalizado de la población española tras la imposibilidad de formar un gobierno
  • El rey Felipe IV (sexto) tuvo que convocar nuevas elecciones para el 26 de Junio
  • La ronda de consultas reales = les réunions des dirigeants de partis avec Felipe IV
  • España sigue sumida en la incertidumbre política
  • Personalidades vinculadas al PP y al PSOE han pedido que se evite unas terceras elecciones
  • Actualmente, Rivera amenaza a Rajoy con el voto en contra si pacta con nacionalistas (Ciudadanos ne donnera pas son soutien au PP si celui-ci fait un pacte avec les nationalistes). “Si hay un pacto de investidura con los separatistas, nos replantearemos la abstención” – Albert Rivera.
  • El PSOE y el PP se están dando la espalda
  • poner en un compromiso = mettre dans l’embarras
  • captar electores = gagner des électeurs
  • el avance / retroceso = l’avancée / recul
  • el descalabro = l’échec cuisant
  • caer en picado = dégringoler ( dans les sondages notamment )
  • dar la campanada = créer la surprise ( lors d’élections )
  • enrocarse en una posición = camper sur une position ( pensez à Rajoy, souvent accusé d’immobilisme)

Violeta Campos & Nicolas Hubert

Lire aussi l’article de Guillaume Hénault sur la fin du bipartisme.