Depuis le 23 janvier 2019, Les Vénézuéliens vivent avec deux présidents. L’un, Nicolas Maduro, est élu mais son pouvoir est depuis longtemps contesté par une large partie de la population. L’autre, Juan Guaidó, autoproclamé par intérim, bénéficie de nombreux soutiens (Trump, 17 pays de l’union européenne… ) mais ne fait pas l’unanimité sur la scène internationale. En effet, Maduro, l’héritier d’Hugo Chavez, peut compter sur ses alliés historiques : La Chine, la Russie, la Corée du Nord, Cuba, la Turquie… Cette situation politique très instable divise profondément le pays.
La question est donc de déterminer les mécanismes qui ont abouti à une situation interne ô combien complexe.
Nous allons tenter de comprendre une crise économique qui n’a rien de surprenante et qui alimente logiquement une crise sociale et politique dans tout le pays. Enfin, nous verrons si les derniers événements peuvent laisser penser à un renversement du régime chaviste en place depuis 1999 au Venezuela.

I – Une crise économique prévisible

La principale faiblesse de l’économie Vénézuélienne est sa dépendance au pétrole.
Le pays possède les plus importantes réserves au monde mais sa dépendance s’est accrue avec le temps ; Il représente aujourd’hui 90% des revenus de l’Etat. Cette manne a permis à Chavez de financer de colossaux programmes sociaux qui ont fait baisser le taux de pauvreté dans le pays entre 2003 et 2010, mais ceci au détriment de l’entretien des infrastructures pétrolières.

En 1998, le pétrole représentait 74% des exportations du pays contre près de 95% aujourd’hui. Avec le super-cycle des matières premières du début des années 2000, on pouvait imaginer la situation viable. En revanche, depuis 2014 et la chute des cours, la situation économique du pays s’est rapidement dégradée malgré une aide financière importante de la Chine et de la Russie.

Par sa politique économique hostile aux investissements étrangers, Chavez a fini par décourager l’apport de capitaux extérieurs. Dès qu’une entreprise étrangère voulait s’implanter, il la nationalisait. De plus, il n’a à aucun moment voulu élargir les investissements de l’Etat à d’autres secteurs. Par exemple, les infrastructures électriques ne sont pas entretenues, et à Caracas, la capitale, des pannes de courants surviennent régulièrement.

La crise actuelle trouve également ses racines dans un système où la corruption est quasiment institutionnalisée. A son arrivée au pouvoir en 2013, Nicolas Maduro a laissé le contrôle de PDVSA (la compagnie pétrolière nationale) et de l’économie aux généraux et la situation s’est aggravée en raison de leur inexpérience. La corruption a notamment été mise au jour par le scandale d’évasion fiscale Panama Papers et le scandale Odebrecht, ce géant du BTP brésilien qui pour obtenir de lucratifs contrats de construction a généreusement distribué des pots-de-vin aux dirigeants d’Amérique Latine dont Hugo Chavez.

Le pays fait face à une inflation extrêmement préoccupante. Selon le FMI, elle a atteint en 2018, 1350% du PIB. Le Bolivar, la monnaie nationale, ne vaut plus rien. Avec un salaire minimum, un Vénézuélien ne peut s’acheter que deux kilos de viandes.

La grave crise économique que traverse le pays entraîne donc logiquement une crise sociale qui se traduit par une instabilité croissante sur le plan politique.

II – Qui alimente une crise sociale et politique

En raison de l’inflation galopante, le quotidien des Vénézuéliens est devenu très difficile. Ils peinent davantage chaque jour à se nourrir et à se soigner. De plus, les produits d’hygiènes tels que le savon ou la lessive deviennent de plus en plus rare.

En conséquence, des maladies que l’on croyait disparues comme la rougeole ou la diphtérie ont refait surface dans le pays car les populations pauvres ne peuvent plus se procurer de vaccins.

Ceux qui ont de la famille à l’étranger achètent sur le marché noir, avec des dollars. Les plus aisés fuient même le pays. On compte aujourd’hui 3 millions de Vénézuéliens vivant à l’étranger. La majorité d’entre eux se sont rendus au Pérou ou en Colombie.

Ce grave problème social se conjugue à la crise politique actuelle. Par exemple, un immense convoi humanitaire provenant de Colombie fut violemment bloqué à la frontière par des forces de sécurités restées fidèles à Nicolas Maduro le 23 février 2019. La raison évoquée est la non-ingérence des Etats-Unis au sein des affaires intérieures du pays.

L’opposition utilise ces événements à des fins politiques. Elle souhaite montrer que la situation actuelle du Venezuela n’est pas seulement conjoncturelle mais résulte bien de la stratégie d’oppression de Maduro qui vise à empêcher le pays de bénéficier de ces aides.

Malgré un certain nombre de défections dans les rangs de l’armée, la majorité des soldats continuent à obéir au président chaviste. Elle serait tenaillée aujourd’hui entre deux craintes : d’un côté, celle de voir arriver un gouvernement qui la détruise sans avoir négocié au préalable des garanties de protection et d’amnistie crédibles ; de l’autre, celle de se dresser contre Maduro sans que la fracture ne soit suffisante pour l’expulser du pouvoir, au risque d’être à la merci de sa répression.

Toutefois, la situation actuelle reste inédite dans l’histoire récente du pays. Le régime de Maduro n’a jamais semblé être autant contesté, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des frontières.

III. Vers un basculement du pouvoir ?

Depuis l’arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir en 2013, il n’a cessé de remettre en cause les libertés fondamentales de la population et certaines pratiques démocratiques.

Les manifestations contre son pouvoir sont réprimées de manière sanglante ; en témoigne les 43 morts en février 2014. Il refuse de prendre en compte les résultats des élections législatives des 2015 remportées par l’opposition. Plusieurs correspondants de médias étrangers sont expulsés par le gouvernements. Les principaux leaders de l’opposition sont arrêtés, à l’image Daniel Ceballos ou Leopoldo Lopez.

En 2016, l’opposition parvient à obtenir le nombre de signatures nécessaires pour la tenue d’un référendum de révocation du gouvernement mais là-encore, le pouvoir en place parvient à court-circuiter le processus.

En juillet-août 2017, le régime met en place une assemblée constituante ayant une autorité supérieure à l’assemblée nationale déjà aux mains de l’opposition. Toutefois, 12 pays d’Amérique Latine réunis à Lima au Pérou refusent de reconnaître la légitimité de cette nouvelle institution.

Après de nombreuses tergiversations, de nouvelles élections ont lieu en mai 2018. Toutefois, elles sont boycottées par l’opposition. Maduro est donc logiquement réélue. C’est alors que Juan Guaidó, nouveau président de l’assemblée nationale, s’autoproclame président de la république. 

La communauté internationale lance alors un ultimatum à Maduro pour organiser de nouvelles élections mais ce dernier n’en a que faire. Dans la foulée, l’administration américaine impose de lourdes sanctions à PDVSA pour faire pression sur le régime chaviste. Il s’agit des mesures de rétorsion les plus rigoureuses à ce jour de la part des Etats-Unis.

Après avoir été déclaré inéligible pour 15 ans par le régime en place, Juan Guaidó annonce le 30 avril 2019, avoir été rejoint par des militaires de l’armée vénézuélienne. Il appelle à la « plus grande manifestation de l’histoire de son pays » pour cesser « l’usurpation » du pouvoir.

Toutefois, Nicolas Maduro témoigne à la télévision de l’échec de l’opération et annonce des poursuites pénales contre les responsables de cette tentative de coup d’état ; Le haut commandement militaire lui serait resté fidèle.

Conclusion

La popularité d’Hugo Chavez durant son mandat reposait sur le succès de son modèle économique basé sur la rente pétrolière au service d’importants programmes sociaux. Toutefois, la conjoncture économique et la chute des cours a mis au jour les nombreuses faiblesses du régime. Nicolas Maduro n’a en aucun cas voulu remettre en cause ce modèle et en subit aujourd’hui les conséquences. Le pays n’a jamais été autant divisé, son principal opposant est reconnu légitime par de nombreux pays. Partout, la violence est omniprésente et la situation sociale des Vénézuéliens est critique. Le pays traverse donc sans doute la pire crise de son histoire récente. Le président chaviste, n’est pas encore décidé à renoncer au pouvoir mais jamais il n’a semblé autant en difficulté.