Dans une interview accordée au journal Les Echos, le directeur général de HEC Paris Éloïc Peyrache a réaffirmé sa volonté d’accorder des points bonus à tous les candidats qui passent le concours pour la première fois. Seuls les candidats boursiers (selon les critères établis par l’État) conserveront cette bonification lorsqu’ils passeront les concours pour la seconde fois.

Éloïc Peyrache a d’abord rappelé la volonté forte de l’école jovacienne de renforcer l’ouverture sociale au sein de ses promotions du Programme Grande École. Si, en une dizaine d’années, le taux d’étudiants boursiers est passé de 5 à 15%, l’école reste pointée du doigt pour son caractère élitiste, au même titre que d’autres écoles d’excellence comme l’X ou les ENS. Il faut en effet rappeler que la majorité de la promotion est encore constituée par des étudiants issus de milieux aisés et ayant effectué leur prépa au sein d’une poignée d’établissements, principalement situés à Versailles ou Paris.

L’objectif affiché par le directeur nouvellement nommé est ainsi de passer à 25% de boursiers à moyen terme sur le PGE. Pour ce faire, l’école entend donc adopter un stratagème inédit, bien que d’autres écoles aient manifesté leur volonté de mettre en place des dispositifs similaires. Concrètement, « Tous les étudiants qui passent le concours pour la première fois auront des points de bonification, à l’écrit comme à l’oral. Nous maintiendrons cette bonification pour les étudiants boursiers qui passent le concours une deuxième fois. » explique le directeur général de HEC.

Pour Éloïc Peyrache, cette mesure favorisera significativement les publics qui peinent à intégrer la prestigieuse école de management : « En analysant les données du concours d’entrée, nous nous sommes aperçus que les étudiants boursiers sont ceux qui gagnent le plus à passer le concours une deuxième fois : leur probabilité de succès augmente très significativement, alors que la performance des non-boursiers est en général plus faible, sans doute parce que la classe préparatoire permet de rattraper leur retard. Ces mesures permettront aussi d’augmenter la part des femmes au concours d’entrée et auront un effet sur la diversité territoriale des étudiants admis sur le campus. »

Le détail des points bonus (carrés et boursiers)

Concrètement, les étudiants qui passent le concours pour la première fois (les carrés) seront bonifiés d’un point à l’écrit (30 points sur 600) puis d’un nouveau point à l’oral (30 points sur 720). Ces bonus seront conservés pour les cubes boursiers CROUS, quel que soit l’échelon. En d’autres termes, seront pénalisés, relativement aux autres, les seuls cubes non boursiers.

Une mesure largement critiquée dans l’écosystème des classes prépa

L’idée d’une bonification sur critères sociaux n’est pas nouvelle : elle a pris une ampleur significative en 2019, à la faveur d’un rapport commandé par le ministère aux meilleures écoles françaises. Si cette version proposée par HEC est un peu édulcorée par rapport au projet originel, elle rencontre néanmoins une vive opposition de la part des étudiants et des professeurs de prépa. Selon une étude du BNEM, près de 70 % des étudiants boursiers qui sont passés par une classe préparatoire s’opposent à ces mesures de discrimination positive.

L’aspect juridique ne semble lui pas être problématique : « Le fait d’obtenir une bourse est un critère objectif. En termes de différences de performances, il y avait matière à justifier d’une approche particulière. » précise le directeur général de HEC.

Pour autant, le risque de voir proliférer des « faux boursiers » (parents divorcés, qui ne déclarent pas de revenus en France…) semble un véritable frein à ce type de mesures. Dans cet article, nous expliquions pourquoi l’attribution de points bonus au concours relève probablement de la fausse bonne idée.

Faut-il rappeler enfin que le problème du faible taux de boursiers dans les meilleures écoles se situe sans doute bien en amont, dans le primaire et le secondaire, du fait de l’asymétrie d’informations et des inégalités d’accès au savoir et à une culture générale solide. On peut néanmoins estimer que cette mesure, qui entrera vraisemblablement en vigueur en 2022 ou en 2023, est moins problématique que la bonification pure et simple de tous les boursiers. Par ailleurs, elle entérine la différence de traitement entre les cubes et les carrés, comme pour les prépas scientifiques.

Du reste, HEC n’est bien sûr pas la seule école qui réfléchit à la mise en place de telles mesures en faveur de l’ouverture sociale : l’ESSEC, l’ESCP ou encore l’EDHEC devraient selon toute vraisemblance officialiser leurs dispositifs prochainement.

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