Chaque semaine, Stéphan Bourcieu, DG de BSB et Docteur en Sciences de Gestion, décrypte pour toi l’actualité mondiale et apporte des clés de lecture utiles pour nourrir tes copies d’ESH ou de géopolitique cette année.

A l’été 2020, ce devait être la XXXIIe Olympiade de l’ère moderne. Les deuxièmes Jeux Olympiques organisés dans la capitale nippone, après ceux de 1964 qui avaient vu le Japon réintégrer le concert des nations, moins de vingt ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

La crise de la Covid-19 en a décidé autrement. En mars 2020, l’extraordinaire incertitude entourant alors la pandémie et la décision de certains pays (à commencer par le Canada) d’annuler la participation de leurs délégations ont conduit le CIO et le gouvernement japonais à repousser les jeux olympiques à l’été 2021.

Annulation pure et simple ?

Les jeux auront-ils pourtant lieu à l’été 2021 ? En d’autres temps, une telle question aurait défrayé la chronique et fait la une de tous les médias. Aujourd’hui, elle se pose sans déchainer les passions, tant la crise de la Covid-19 s’invite à nouveau dans le débat. Le Japon fait en effet partie des pays engagés dans une stratégie « 0 Covid ». Si ce pays a déployé avec retard sa stratégie vaccinale, il est en revanche en pointe dans la lutte pour l’éradication du virus ; stratégie facilitée par la nature insulaire du pays et le caractère discipliné du peuple japonais.

Dans ce contexte, les japonais voient d’un très mauvais œil l’arrivée de milliers de sportifs, de journalistes, et de centaines de milliers de supporters de tous les pays, et en particulier venant d’Europe et d’Amérique du Nord où plusieurs pays (à commencer par la France) ont choisi une stratégie de « vie avec le virus ». Il y a quelques jours, la rumeur a circulé que les JO de Tokyo seraient purement et simplement annulés. Et que Tokyo se préparerait d’ores et déjà à organiser les Jeux de 2032, ceux de 2024 étant attribués à Paris et ceux de 2028 à Los Angeles. Le gouvernement japonais a immédiatement démenti cette rumeur mais
l’inquiétude demeure.

Risques inhérents pour sportifs et public

Elle demeure car la vie olympique est porteuse de nombreux risques de transmission du virus, à commencer par les interactions entre sportifs. L’épidémie de Covid-19 qui a frappé le XV de France la semaine dernière montre que le concept de bulle sanitaire, inauguré au printemps dernier par la NBA pour les playoffs, est très fragile. Les contacts sont inhérents à la pratique des sports de haut niveau, rendant les gestes barrières largement inopérants.

De même, qu’en sera-t-il du village olympique ? Cœur battant de la quinzaine, le village qui accueille normalement plusieurs milliers d’athlètes, risque d’être bien vide. Il est probable que les sportifs seront accueillis le plus tard possible et invités à quitter le village sitôt leurs épreuves achevées, victorieusement ou pas.

Une question centrale est bien évidemment celle de la participation du public. La présence d’un public japonais trié sur le volet (tests et certificat vaccinal) semble acquise pour l’heure. En revanche, la présence d’un public international reste un sujet tabou et on ne voit pas très bien comment les autorités japonaises pourraient accepter des supporters venant du monde entier, avec tous les risques de débordements propres à une telle population enthousiaste. D’aucuns regrettent déjà que ces jeux soient organisés uniquement pour la télévision et perdent ainsi leur tradition festive.

Tokyo maudite ?

Enfin, la presse internationale s’interroge sur sa présence sur les sites. D’ores et déjà, la BBC a annoncé qu’elle n’enverrait pas d’équipe de journalistes et que les jeux seraient commentés depuis le Royaume-Uni. Du côté de la France, la rédaction de l’Équipe a récemment indiqué vouloir se rendre sur place.

Les jours à venir vont être décisifs. Une décision d’annulation serait lourde de conséquences car elle serait certainement définitive pour cette XXXIIe Olympiade. Pour une génération d’athlètes, ce serait un coup très dur, avec des années de préparation et de sacrifices réduites à néant. Pour le CIO, les fédérations sportives et l’économie organisée autour des jeux olympiques, une telle annulation aurait également des conséquences économiques dramatiques dans un contexte où le sport, professionnel comme amateur, souffre déjà beaucoup.

La dernière fois que les JO ont été annulés, c’était en 1940. Ce que peu de personnes savent, c’est que les jeux de la XIIe olympiade devaient initialement se tenir à… Tokyo. Le Japon y avait renoncé à cause du déclenchement de la guerre sino-japonaise : déjà la faute d’un virus, celui de la peste brune.