Nouvelle année, nouveau lot de révélations concernant les paradis fiscaux, et surtout ceux qui y ont recours. Succèdent ainsi aux Panama Papers de 2016 les Paradise Papers, qui désignent les nouvelle révélations du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) publiées progressivement depuis ce dimanche 5 novembre. Au total, 382 journalistes, issus de 96 médias et répartis dans 67 pays (en France, il y a Le Monde et Radio France) ont analysé plus de 13,4 millions de documents. Ces révélations nous permettent d’en savoir plus sur ce qui se passe dans les paradis fiscaux, et d’épingler les personnalités et entreprises qui y ont recours.

Les paradis fiscaux, c’est quoi ?

Comment marchent les paradis fiscaux ? Voilà une question que tu te poses peut-être, jeune préparationnaire. Le principe est assez simple : des entreprises ou des particuliers qui souhaitent payer moins d’impôt ont recours à des pays ou territoires étrangers où les taux de fiscalité sont particulièrement faibles. Mais pour constituer un paradis fiscal, il faut que ces territoires soient aussi caractérisés par une relative stabilité politique, une inclination technologique suffisante et, globalement, une législation et une politique de communication en faveur du secret bancaire.

Ouvrir un compte bancaire dans un paradis fiscal puis l’associer à une carte de crédit est légal pour les particuliers. Mais ils peuvent surtout être utilisés pour y placer 1) des revenus gagnés à l’étranger, et ainsi échapper à l’impôt 2) du capital pour réduire le patrimoine à déclarer (par exemple, pour échapper à la pension alimentaire en cas de divorce) ; 3) des revenus obtenus de façon illicite et criminelle. En ce qui nous concerne ici, le scandale tourne surtout autour d’une volonté des personnalités de réduire leur taux d’imposition, ou de cacher des relations avec des partenaires problématiques (cf infra).

Pour ce qui est des entreprises, celles qui souhaitent utiliser les paradis fiscaux pour réduire leur taux d’imposition ouvrent des “filiales” (qui se réduisent parfois à une simple boite au lettre…). Et, en pratiquant des prix de transfert entre leurs différentes filiales (entre les filiales d’une même société-mère, les produits sont échangés à un prix très proche des coûts de production, ce qui n’engendre pas de profit) elles arrivent à faire apparaître leur profit dans les pays possédant une fiscalité intéressante. Il faut imaginer un produit, revendu à chaque fois, qui transite entre les différentes filiales, mais sans que cela n’engendre de profit, puisqu’il est à chaque fois revendu au coût de production. Lorsque la filiale du paradis fiscal revend le produit à la filiale suivante, elle le fait cette fois à un prix plus élevé, faisant ainsi apparaître le profit dans le paradis fiscal. Elle est alors globalement peu taxée, puisqu’elle ne possède pas de profit dans les pays possédant une fiscalité élevée, et que là où le profit apparaît, le taux d’imposition est faible.

Si ça vous paraît toujours flou, des schémas valent mille mots  :

Ce que ce scandale nous apprend sur les paradis fiscaux

En raison du secret bancaire caractéristique des paradis fiscaux, comme nous l’avons vu plus haut, ils sont par essence très opaques. C’est pourquoi il est toujours difficile de savoir qui agit dans ces territoires. Les révélations (qui viennent la plupart du temps de l’ICIJ) sont alors très précieuses dans la lutte contre l’évasion fiscale qui, rappelons-le, font perdre environ 1% de ses recettes fiscales à la France.

Les nouvelles révélations permettent de mieux calculer cette perte. Gabriel Zucman estime maintenant la perte due à l’évasion fiscale à 350 milliards d’euros, dont 120 milliards pour l’Union Européenne et 20 milliards pour la France. Rappelons que le budget de l’Union Européenne s’élève à… 160 milliards d’euros pour l’année 2017. L’évasion fiscale est donc à l’origine d’une perte globale pour les pays de l’UE à hauteur de 75% du budget européen !

Qui est concerné ?

Evidemment, ce qui est intéressant est de savoir qui est impliqué dans ces affaires (on aime le gossip!). On y arrive.

Parmi les personnalités les plus importantes, on retrouve Justin Trudeau (le Premier ministre canadien) ; des proches de Donald Trump, dont Wilbur Ross, l’actuel secrétaire au commerce américain, qui se trouve avoir entretenu des relations problématiques avec la Russie ; et, consternant, la reine du Royaume-Uni Elizabeth II. En ce dernier point, une dizaine de millions de livres sterling d’avoirs de la reine ont été placés dans des fonds aux Iles Caïmans et aux Bermudes.

S’ajoute ce groupe, sans surprise, plusieurs milliardaires provenant de pays divers, mais aussi des entreprises, comme Nike ou Apple. Ainsi, alors que Nike aurait transféré les droits de propriété intellectuelle de son logo Swoosh dans un paradis fiscal, des échanges de mails impliquant des avocats d’Apple témoignent d’un désir de trouver un nouveau paradis fiscal pour le groupe à la pomme. Plus récemment, on a également appris que Whrilpool s’est également adonnée à des pratiques d’optimisation fiscale.

Pour approfondir la question des paradis fiscaux, qui reste un sujet assez chaud pour les concours, je vous redirige vers cet article de Major-Prépa exposant la question et traitant le cas du précédent scandale, les Panama Papers, ainsi que celui-ci pour les dernières mesures mises en oeuvre.