plan de relance

Début septembre, le gouvernement français a présenté le plan de relance. Il est doté de 100 milliards d’euros et est prévu pour trois ans. Le gouvernement anticipe une chute de la croissance française de 11 % en 2020, puis un rebond de 8 % en 2021, hors plan de relance. Le plan « France Relance » devrait permettre de rattraper 4 points supplémentaires pour effacer l’effet de la crise du « Great Lockdown » sur l’économie française. 

Il s’articule autour de trois points : 

  • « verdir l’économie française » (30 Mds €), 
  • « consolider la base productive » et assurer la compétitivité des entreprises (34 Mds €), 
  • et « assurer la cohésion territoriale et financer la formation », (36 Mds €). 

Le gouvernement estime que la crise se traduira par 800 000 destructions d’emploi. Le rebond devrait permettre d’en recréer 400 000 d’ici à la fin 2021, dont 200 000 grâce aux effets du plan de relance. Le financement de chômage partiel de longue durée permettra par ailleurs d’éviter la destruction de 300 000 emplois.

Qu’est-ce qu’un plan de relance ?

Un plan de relance vise à relancer l’économie suite à une crise qui a paralysé l’économie. Deux types de politiques peuvent-être mise en place, conjointement ou non : la politique monétaire, la politique budgétaire. Les politiques de stabilisation visent à diminuer l’output gap, l’écart entre la croissance effective et la croissance potentielle liée au plein-emploi des facteurs de production. Pour cela, elles vont le plus souvent dans le sens contraire du cycle économique (on parle de politiques contracycliques). La politique monétaire consiste pour la banque centrale à injecter (ou retirer) de la monnaie sur le marché monétaire. Quant à la politique budgétaire, il s’agit pour le gouvernement d’augmenter les dépenses publiques, le plus souvent par un déficit. 

Le multiplicateur keynésien

La théorie keynésienne sert de base aux politiques budgétaires discrétionnaires, avec le mécanisme multiplicateur au centre du système. Keynes n’en est pas l’inventeur, il s’agit plutôt de Richard Kahn qui le met en évidence en 1931 en parlant d’un multiplicateur d’emplois : il a calculé les effets induits sur le marché du travail d’une augmentation de l’emploi public. 

En 1936, quand il écrit la Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt, et de la Monnaie, Keynes généralise les apports de Kahn en montrant qu’il existe un multiplicateur d’investissement, de finances publiques, et fiscal, aussi bien en économie fermée qu’en économie ouverte. Il y a donc 6 formules du multiplicateur : 

impôt forfaitaire impôt proportionnel
investissement 1 / 1-c + m 1 / 1-c + ct + m
dépense publique 1 / 1-c + m 1 / 1-c + ct + m
fiscal – c / 1-c + m – c / 1-c + ct + m

Ainsi, le but d’une relance budgétaire est que les retombées financières issues de la relance soit supérieures à la somme initialement injectée. Typiquement le gouvernement lance, dans son plan de relance, le quatrième Plan d’Investissement d’Avenir (PIA4). Il mobilise 11 Mds € pour : 

  • « financer des investissements exceptionnels sur quelques filières ou technologies émergentes, prioritaires pour la compétitivité de notre économie, la transition écologique et la souveraineté de nos modèles d’organisation : les technologies numériques, la recherche médicale et les industries de santé, les énergies décarbonées, l’agriculture responsable et la souveraineté alimentaire, les transports et mobilités durables, les villes de demain, l’enseignement numérique, les industries culturelles et créatives, etc. 
  • garantir un financement structurel prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, pour faire de la France le terreau le plus fertile en Europe pour les enseignants chercheurs, chercheurs et les entrepreneurs. » 

Par exemple, dans ce PIA4, la TPE charentaise Elixir Aircraft, bénéficie d’une subvention de 240 000 €, pour l’accompagner dans ses démarches R&D afin de produire une nouvelle génération d’avions en matériaux composites de carbone, donc plus légers et moins consommateurs en carburant. Le gouvernement mise donc sur cet investissement pour que l’entreprise crée de nouveaux emplois et achète du matériel grâce à son nouveau produit et aux subventions obtenues. Il espère que les salariés vont dépenser ensuite cet argent, générant par la suite de nouvelles dépenses, et ainsi de suite, de sorte que les gains obtenus excèdent les 240 000€ dépensés au départ.  

Toutefois, dans les formules, deux données keynésiennes peuvent limiter l’effet d’un plan de relance : 

  • c (= propension à consommer) : plus elle est faible, plus la propension à épargner (1-c) est forte, plus le dénominateur augmente, donc plus l’effet du multiplicateur sera faible (en lisant la formule c’est tout bête 😉 )
  • m (= propension à importer) : plus elle est forte, plus le dénominateur progresse, donc moins il y aura d’effet multiplicateur. 

Le multiplicateur en pratique :

Deux économistes, Batini et Mineshima, en 2014, dans deux enquêtes différentes ont cherché, de manière empirique, à déterminer l’efficacité du multiplicateur suivant les économies. 

Il en résulte que plus on a un taux d’ouverture fort, ou plus la pression fiscale est importante (impôts forts), ou plus le niveau de la dette publique est excessif, ou plus la flexibilité du taux de change est importante, ou encore plus la taille de l’éco est petite, plus l’effet est alors faible.  

Relance par la consommation

La relance budgétaire peut aussi bien porter sur la consommation que sur l’investissement, voire combiner les deux (comme pour le plan de relance du gouvernement). 

Concernant le plan de relance par la consommation, il s’agit pour l’État d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs, soit par une baisse d’impôts, soit par des subventions à la consommation. 

Par exemple, l’Allemagne a fait le choix d’une réduction d’impôts via une baisse de la TVA à la fin de l’année. 

La France, elle, a majoré de 100€ l’allocation de rentrée scolaire 2020 par enfant pour plus de 3 millions de familles ( = 5 millions d’enfants scolarisés). Cela représente un coût total de 533 M d’euros. 

Le montant de l’allocation de rentrée scolaire passe ainsi pour la rentrée 2020 à :

  • 469,97 euros pour un enfant âgé de 6 à 10 ans (elle était de 368,84 euros en 2019)
  • 490,39 euros pour un enfant âgé de 11 à 14 ans (elle était de 389,19 euros en 2019)
  • 503,91 euros pour un enfant âgé de 15 à 18 ans (elle était de 402,67 euros en 2019)

Le but est clairement de relancer la consommation des ménages les plus modestes par ce surcroît de pouvoir d’achat. Par ces nouvelles dépenses, les entreprises liées de près ou de loin avec le secteur de l’éducation bénéficient d’une hausse de chiffre d’affaires, qui peut ensuite déboucher sur des créations d’emplois ou des dépenses en R&D par exemple. 

Toutefois, mis à part cette mesure dédiée aux personnes les plus modestes, le plan de relance ne comprend que peu de mesures de soutien à la consommation en raison, d’une part, de la mise en place du chômage partiel qui a permis de conserver un revenu quasiment identique aux ménages, et d’autre part, de l’épargne que les français ont pu se constituer entre mars et juillet (85,6 Mds € selon la Banque de France).

Relance par l’investissement

S’agissant du plan de relance par l’investissement, cela consiste à accroître les investissements publics ou à soutenir ceux des entreprises ou des ménages.

Outre le PIA4 dont on a parlé précédemment, on peut peut souligner par exemple les investissements liés à la rénovation énergétique (6,7 Mds €), ou la baisse des impôts de production visant à améliorer la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire (10 Mds €).  

On peut se pencher plus spécialement sur le Ségur de la Santé (6 Mds €), mesure forte du plan de relance, qui se décline en trois points : 

  • Transformation, rénovation, équipement et rattrapage numérique dans les établissements médico sociaux (2,1 Md€ sur 5 ans)
    • Exemple : Projet de rénovation de 65 000 places d’EHPAD particulièrement vétustes à horizon 2025 dans des modèles transformés (bâtiments structurés en petites unités de vie plus chaleureuses, adaptés aux troubles cognitifs et au réchauffement climatique) ; construction progressive de nouvelles places pour atteindre l’objectif de + 30 000 à horizon 2030, avec de premières programmations en 2021 – 2025 ;
    • En rénovant ces places d’EPHAD, le gouvernement utilise des entreprises locales en mal de projets depuis le confinement. Celles-ci pourront, grâce à ces nouveaux projets recruter une main d’œuvre locale, qui peut par la suite consommer une partie de leur nouveau salaire, et ainsi de suite.
  • Investissement en santé dans les territoires : Projets hospitaliers prioritaires et projets ville-hôpital (2,5 Md€ engagés sur 5 ans)
  • Rattrapage du retard dans l’interopérabilité et la modernisation des outils numérique en santé (1,4 Md€ sur 3 ans)

L’effet Ricardo-Barro : importance de la confiance

Enfin, le plan de relance exige d’être accepté par tous et peut faire les frais du comportement des ménages et des entreprises. C’est pourquoi, le premier ministre a encouragé « toutes les Françaises et tous les Français, les entrepreneurs, à avoir confiance en ce plan, mais aussi en la France », au risque d’éprouver le théorème de Ricardo-Barro. 

Selon les deux économistes, anticipant une augmentation des impôts futurs, les agents réduisent leur consommation présente pour pouvoir faire face à ces prélèvements futurs (impôts pour rembourser la dette future). La dépense publique supplémentaire ne se traduit donc pas par un supplément de consommation. C’est pourquoi, le gouvernement a de nombreuses fois affirmé que ce plan ne serait pas financé par une hausse supplémentaire d’impôts, mais par la croissance engendrée par l’effet multiplicateur. 

Annexe : 

En savoir plus sur ce plan de relance :