Explosion au port de Beyrouth pour illustrer la synthèse d'actualité estivale du Moyen-Orient

Si suivre l’actualité du Moyen-Orient n’a pas été ta priorité pendant les vacances d’été, voici dix nouvelles indispensables des trois derniers mois !

Liban : Beyrouth sinistrée par une double explosion

Le 4 août 2020, deux explosions massives parties du port de Beyrouth dévastent la capitale libanaise, causent 200 morts, 6 000 blessés et laissent 300 000 personnes sans abri. Elles sont déclenchées par l’embrasement d’un stock de nitrate d’ammonium conservé sans contrôle depuis six ans. Cette catastrophe humanitaire ajoute une nouvelle dimension au marasme économique et politique dans lequel l’ancienne « Suisse du Proche-Orient » s’enfonce depuis 2018 : récession, chômage, inflation galopante, contestation de la classe politique qui se partage le pouvoir depuis la fin de la guerre civile. Le Premier ministre Hassan Diab et son gouvernement ont ainsi démissionné le 10 août, emportés par la colère populaire qui critique la négligence des autorités. Un nouvel incendie, moins grave, s’est également déclaré dans le port début septembre.

Emmanuel Macron s’est rendu à Beyrouth deux fois (6 août et 1er septembre) pour montrer son soutien au pays endeuillé et appuyer les réformes nécessaires au redressement de ce partenaire traditionnel de la France. Est-ce le signe d’un regain d’influence pour la France au Moyen-Orient ?

Accords de paix historiques entre les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël

Le 13 août 2020, Israël et les Émirats arabes unis ont annoncé la normalisation de leurs relations diplomatiques. Une annonce similaire a été faite début septembre par Israël et Bahreïn, petit État insulaire du Golfe persique.

Ce double accord de paix a été signé le 15 septembre 2020 à Washington devant le président américain Donald Trump, qui a intercédé pour faciliter ce rapprochement. Israël s’est notamment engagé à suspendre l’annexion des territoires cisjordaniens mentionnés dans le plan de paix de D. Trump.

Ce sont les premiers accords de ce type depuis ceux avec l’Égypte (1979) et la Jordanie (1994) : ils montrent que la cause palestinienne perd de son importance pour les pays du Golfe, qui sont désormais plus inquiétés par l’Iran et la Turquie que par Israël.

L’abolition de la kafala au Qatar

Le 30 août 2020, l’émir du Qatar a promulgué plusieurs lois pour achever l’abolition du système de la « kafala », qui permettait d’interdire aux employés étrangers de changer d’employeur ou de quitter le pays. Ce système est sous le feu des projecteurs depuis l’attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, qui a lancé des chantiers pharaoniques de stades grâce à une large main-d’œuvre étrangère.

De nombreuses ONG voyaient dans la kafala un « esclavage moderne », notamment Amnesty International : celle-ci a justement salué cette avancée et reconnu les efforts de l’émirat pour améliorer le statut social des résidents étrangers, qui représentent 80 % de la population du pays.

Le Moyen-Orient et la Covid-19

Contre toute attente, le Moyen-Orient a été relativement épargné par la pandémie de coronavirus avec 40 000 des 950 000 victimes globales. La seule exception est l’Iran, qui compte plus de la moitié de ce total de décès à cause du déni d’État qui a longtemps empêché une lutte efficace contre la pandémie. Les dégâts limités de la Covid-19 au Moyen-Orient s’expliqueraient par la jeunesse des populations, la faiblesse des transports publics et les mesures efficaces prises par certains pays, notamment ceux du Golfe.

Cet été a toutefois marqué une forte accélération de la propagation de la Covid-19 dans la région, pointée par l’OMS en juin 2020. L’Irak, Israël et l’Arabie Saoudite ont ainsi rejoint l’Iran en tant que foyers régionaux, statut confirmé au mois de septembre : Israël a ainsi décrété un nouveau confinement national le 13 septembre.

Les pays du Moyen-Orient doivent cependant faire face à la crise économique mondiale provoquée par la pandémie (et aggravée par la chute du prix du pétrole) : le FMI a prévu en juillet une chute de 6 % du PIB de la région, la pire baisse depuis 50 ans.

Arabie Saoudite : fort allègement des peines pour le commando qui a tué Jamal Khashoggi

Le 7 septembre 2020, un tribunal saoudien a commué les peines des huit personnes jugées pour l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi : de nombreuses ONG ont dénoncé une « parodie de justice ». Les peines de mort, qui menaçaient cinq accusés, ont notamment toutes été remplacées par des peines de 20 ans de prison.

Jamal Khashoggi avait été éliminé par un commando à Istanbul en 2018, ce qui avait plongé l’Arabie Saoudite dans une crise diplomatique inédite et terni l’image du prince héritier et dirigeant de facto du pays, Mohammed ben Salmane.

Iran : explosion au complexe nucléaire de Natanz

Le 2 juillet 2020, le complexe d’enrichissement d’uranium de Natanz, le plus grand d’Iran, a été endommagé par une explosion, ralentissant la reprise controversée du programme nucléaire iranien effective depuis fin 2019. Les autorités ont dénoncé un acte de sabotage, dernier en date d’une série de dysfonctionnements où Israël et les États-Unis, les opposants les plus véhéments au programme nucléaire iranien, sont les principaux suspects.

Iran : exécution controversée du lutteur Navid Afkari

Un lutteur iranien de 27 ans, Navid Afkari, a été exécuté le 12 septembre à Chiraz (Iran). Sportif plusieurs fois médaillé, il était accusé du meurtre d’un fonctionnaire lors d’une émeute antirégime en 2018, mais sa famille et une partie de l’opinion publique iranienne ont dénoncé des aveux obtenus sous la torture. L’exécution de Navid Afkari a été dénoncée par de nombreux pays étrangers (États-Unis, France) et des organisations comme le CIO ou Amnesty International.

Avec au moins 251 exécutions en 2019, l’Iran est, après la Chine, le pays qui a le plus recours à la peine capitale. Son système judiciaire est fréquemment accusé de servir les intérêts du régime islamique, qui tient le pays depuis 1979.

L’expansionnisme turc en Méditerranée orientale

Du 10 août au 13 septembre 2020, un navire de recherche sismique turc sous escorte militaire a recherché des hydrocarbures dans les fonds marins d’une zone revendiquée par la Grèce. Se sentant menacée, celle-ci a lancé en réponse des manœuvres militaires et annoncé un programme d’achat d’armement qui comprend dix-huit Rafale français. La Turquie et l’UE, en particulier la France, ont échangé de multiples provocations qui menacent la Méditerranée orientale et l’OTAN, dont la Turquie fait partie, d’un durable bras de fer politique, voire militaire.

Les revendications territoriales de la Turquie face à la Grèce remontent à plus d’un siècle, et le partage de la mer Égée a déjà été la source de tensions entre les deux voisins au XXe siècle.

Afghanistan : ouverture de pourparlers de paix

Le 12 septembre, les pourparlers de paix entre le régime de Kaboul et les talibans ont débuté à Doha (Qatar), sous l’égide de Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain. L’objectif de ces premières négociations officielles est d’arriver à un accord qui permettrait au pays de tourner la page d’une période de quarante ans de guerre et d’instabilité lancée par l’invasion soviétique de 1979.

Le 9 août 2020, la voie des négociations avait été ouverte par la décision du président Ashraf Ghani de libérer 400 prisonniers talibans.

Guerre civile au Yémen : trêve entre deux factions

Le 23 juin 2020, le gouvernement yéménite et le Conseil de transition du Sud (STC), une organisation séparatiste du sud du Yémen, ont annoncé un cessez-le-feu. Avant de se retourner l’une contre l’autre, ces deux factions étaient alliées et combattaient ensemble, avec l’aide de la coalition menée par l’Arabie Saoudite, les rebelles Houthis qui tiennent le nord du pays.