industrialisation

Si tu as bien profité de tes vacances et que tu as manqué l’actualité en lien avec le programme d’ESH de ces dernières semaines, pas de panique, cet article est fait pour toi !

1) Nomination du nouveau directeur général de l’OMC

Alors que les Etats-Unis bloquent le processus de nomination des juges de l’ORD (l’organe de règlement des différends de l’OMC) depuis le 11 décembre 2019, la nomination d’un successeur au brésilien Roberto Azevêdo s’annonce difficile en raison des tensions qui minent actuellement l’OMC. Ces tensions préexistantes ont été exacerbées par la crise du Covid-19 qui a conduit les Etats à fermer leurs frontières et donc se réfugier dans le protectionnisme. Les consultations ont démarré officiellement, lundi 7 septembre, autour de huit candidats. L’élection doit durer deux mois mais de nombreux observateurs considèrent que les vives tensions commerciales internationales, opposant notamment les Etats-Unis à la Chine, risquent de prolonger le processus de désignation et d’accélérer la sclérose d’une organisation en crise.

Comment est élu le directeur général de l’OMC ?

L’élection du successeur de Roberto Azevêdo se déroulera en trois tours : Lundi, un premier tour qui s’étale sur deux semaines verra les huit prétendants auditionnés par un comité composé des présidents des trois plus hauts comités de l’OMC. Parallèlement, chacun des représentants permanents des 164 pays membres de l’OMC devra proposer une liste non classée de quatre préférences parmi les huit candidats. A l’issue de ce premier tour, il ne restera plus que cinq candidats. Un deuxième tour aboutira à la sélection de deux finalistes qu’un troisième tour départagera.

Un enlisement du processus de nomination du nouveau directeur général risquerait d’accélérer la sclérose de l’OMC

D’après le Britannique Liam Fox, ex-ministre du Commerce extérieur de 2016 à 2019, la nomination du nouveau DG de l’OMC est un processus qui se situe « quelque part entre le choix d’un pape et le concours Eurovision de la chanson ». Cette boutade montre à quel point il est devenu difficile aujourd’hui de concilier les intérêts divergents des 164 Etats-membres de l’OMC.

L’enlisement de la procédure de nomination risque d’accélérer la sclérose d’une Organisation Mondiale du Commerce déjà malmenée par le blocage de l’ORD entériné par les Etats-Unis et donc de porter préjudice à la régulation du commerce international.

Ainsi voit-on que la désignation rapide d’un directeur général légitime auprès de tous les Etats membres de l’OMC et capable de redonner un véritable cap politique à l’organisation est un enjeu majeur. Un échec du processus de nomination pourrait en effet faire sauter un des derniers garde-fous contre les excès de la mondialisation commerciale : c’est dans cette perspective que le candidat britannique Liam Fow craint l’émergence d’un monde « où ce n’est pas tant la primauté du droit que la loi de la jungle » qui régnerait.

La nomination du nouveau DG de l’OMC, en tant qu’il cristallise les tensions commerciales internationales, peut représenter une très bonne accroche pour les sujets d’ESH portant sur le commerce international (ex : ECM 2020 : peut-on réguler le commerce international ?).

2) Le projet de fusion Veolia-Suez

suez

Alors que Veolia, le numéro 1 mondial de la distribution d’eau et de gestion des déchets, vient de déposer une offre de rachat des 29% du capital de Suez détenus par Engie, le projet de fusion Veolia-Suez redevient d’actualité. En effet, l’éventualité d’un rapprochement entre Suez et Veolia pour créer un champion mondial des services à l’environnement avait déjà été débattu en 2012. Toutefois, si en 2012 il s’agissait d’une OPA amiable, c’est un véritable bras de fer qu’entame le groupe Veolia aujourd’hui.

La création d’un champion mondial de la transition écologique

Le but assumé de la fusion entre Veolia et Suez, respectivement numéro 1 et numéro 2 mondiaux des services environnementaux est de créer un nouveau groupe mondial capable de répondre aux défis posés par la crise environnementale actuelle. Ce projet peut donc sembler faire sens aujourd’hui en montrant bien comment les concentrations industrielles peuvent se mettre au service du développement d’un capitalisme vert.

En effet, alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) chiffre les investissements nécessaires pour mener à bien la transition écologique à 44 000 milliards d’euros, il semble indispensable de créer de véritables géants de l’économie verte capables de financer des investissements d’une telle ampleur : le PDG de Veolia, Antoine Frérot, déclarait ainsi récemment au Monde que “la taille fait la force pour développer les innovations environnementales de demain”.

Des problèmes de concurrence à l’échelle française et européenne 

Toutefois, ce projet, aussi louable puisse-t-il paraître, fait planer la menace d’une hyperconcentration du marché de l’eau et de la gestion des déchets, déjà très concentré en Europe : en effet, les trois acteurs principaux en France sont Veolia, Suez et la Saur (un groupe bien plus petit). Les réticences au niveau européen devraient donc être fortes, d’autant plus qu’une enquête avait déjà été ouverte par Bruxelles en 2012 sur l’éventualité d’une entente entre Veolia, Suez et la Saur.

Toutefois, le marché mondial de la gestion de l’eau et des déchets est très peu concentré : Veolia et Suez ne contrôlent que 5% du marché mondial tandis que la concurrence exercée par le chinois Beijing Capital Group risque de menacer à moyen-terme les deux géants tricolores.

Ce sera finalement au régulateur européen d’arbitrer entre les gains que peut représenter un champion mondial européen de la transition énergétique et les pertes pour le consommateur que peut engendrer la réduction de la concurrence à l’échelle française et européenne.

Ce projet marquera-t-il un changement de paradigme dans l’appréhension des concentrations industrielles par la puissance publique ?

En effet, bien qu’il soit dénoncé par Suez en raison de la menace que le projet de fusion fasse planer sur les emplois de Suez en France (notamment dans certaines activités que le nouveau groupe Veolia-Suez devrait céder en France pour éviter une trop forte concentration du marché français), le gouvernement Castex s’est déclaré très favorable à un tel rapprochement. En effet, depuis sa nomination à Bercy, Bruno Le Maire défend la création de champions français ou européens de taille mondiale capables de résister à la concurrence des multinationales américaines et chinoises. Il avait ainsi critiqué la décision de la Commission européenne d’interdire la fusion entre les géants du ferroviaire Alstom et Siemens en février 2019.

Or en juillet, la Commission européenne a approuvé la fusion Alstom-Bombardier pour créer un champion européen du ferroviaire. Il est donc possible que ce projet de fusion Veolia-Suez marque un changement de paradigme dans l’appréhension des concentrations industrielles par les pouvoirs publics européens. Toutefois, il est également probable que les résistances soient encore fortes au sein d’une Commission européenne qui assimile politiques de la concurrence et politiques industrielles.

L’exemple de la fusion Veolia-Suez représente une très bonne accroche pour les sujets portant sur les concentrations industrielles, notamment à l’aune de la crise environnementale actuelle (ex : ESCP 2020 : faut-il craindre un retour des concentrations industrielles ?)

3) Les plans de relance en Europe

Le plan de relance Le Maire 

La semaine dernière, Bruno Le Maire a présenté un plan de relance de 100 milliards d’euros qui s’inscrit dans la logique macronienne du “en même temps” dans la mesure où il agit simultanément sur l’offre (beaucoup) et la demande (un peu). Parmi ces mesures, on trouve la négociation avec les banques de taux bas pour les TPE/PME qui souhaiteraient prolonger leur prêt garanti par l’Etat ou encore une baisse phare de l’impôt sur la production d’un montant de 10 milliards d’euros.

Ce plan a été validé par de nombreux économistes consultés en amont par Bercy, estimant que le soutien aux entreprises saines mais durement affectées par la crise sanitaire est indispensable, tout comme le soutien au pouvoir d’achat des ménages pour relancer leur consommation. Grâce à ce plan de relance, Bruno Le Maire espère retrouver dès 2022 son niveau de production d’avant-crise.

Toutefois, plusieurs critiques sont adressées à ce plan :

  1. Le montant initial de 100 milliards d’euros pourrait s’avérer insuffisant si la crise sanitaire s’aggrave.
  2. Le plan ne prévoit pas de baisses d’impôt suffisantes et exigent peu de contreparties des entreprises en termes de localisation des activités : beaucoup d’économistes craignent que les vagues de délocalisations ne s’accentuent dans ce contexte économique difficile qui encourage les entreprises à localiser leurs activités dans des régions où la main d’oeuvre est peu chère et les impôts faibles. La baisse de l’impôt sur la production (10 milliards d’euros) prévue par Bercy risquerait de ne pas être suffisante pour endiguer un tel phénomène.

Les Français demeurent sceptiques quant à l’efficacité du plan de relance : 58 % des Français estiment qu’il ne permettra pas de rétablir la croissance économique française d’ici à 2022 », 66 % considèrent qu’il ne permettra pas de lutter efficacement contre le chômage et les deux tiers des Français pensent qu’il ne réussira pas à accélérer la transition écologique. Par conséquent, 4 Français sur 10 ont annoncé qu’ils diminueraient leur consommation dans les mois à venir, ce qui risque de porter préjudice à la reprise de l’activité économique. L’enjeu principal pour le gouvernement semble donc bien de restaurer la confiance des Français dans les politiques économiques menées pour encourager les anticipations positives bénéfiques à la consommation.

Le plan de relance Merkel : le retour du keynésianisme en Allemagne 

Alors que la politique économique allemande, empreinte de l’ordolibéralisme (un courant de pensée libéral développé par l’école de Freiburg en Allemagne dès les années 1930 et selon lequel la mission économique de l’État est de créer et maintenir un cadre normatif permettant la concurrence libre et non faussée entre les entreprises), semblait vouée à assurer l’équilibre des finances publiques, la crise du coronavirus a conduit l’Allemagne a se libérer de son obligation constitutionnelle de « frein à la dette » (le fameux “schwarze Null”), qui restreint depuis 2009 les déficits publics à 0,35 % du produit intérieur brut (PIB) nominal.

Le gouvernement a ainsi pu contracter un emprunt de 156 milliards d’euros destiné à financer un plan de relance de 130 milliards d’euros, ce qui fait de ce plan un plan de soutien à l’économie parmi les plus généreux du monde. Ce plan contient des mesures classiques de soutien à la demande mais également un large programme d’investissements publics financés par l’emprunt qui s’inscrit dans une perspective keynésienne.

Ces deux exemples de plans de relance que l’on peut comparer peuvent constituer une très bonne accroche pour les sujets portant sur les politiques économiques (ex : ECM 2020 : Les politiques économiques peuvent-elles éviter les crises économiques ?)

4) Point sur la conjoncture économique française 

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L’Insee anticipe un recul du PIB de la France d’environ 9 % en 2020 (le gouvernement tablait sur 11% en juin) mais prévoit un lent rattrapage puisque qu’en décembre prochain, l’activité serait toujours inférieure de 4 % à ce qu’elle était un an auparavant. Avant l’été, la France enregistrait ainsi le pire trimestre jamais consigné depuis l’après-guerre par l’Insee depuis le printemps 1968, miné par la célèbre grève générale du mois de mai.

Du point de vue de l’emploi, l’INSEE estime que sur un an, la France a perdu 572.900 emplois salariés et prédit un taux de chômage de 9,5 % en fin d’année (contre 8,1% en 2009).

Bruno Le Maire (de manière optimiste) a prévu de revenir à la situation d’avant-crise dès 2022 grâce à un plan de relance ambitieux de 100 milliards d’euros.