Les conflits en mer de Chine, l’abdication de l’empereur japonais, l’agitation de la Corée du Nord… Il s’en est passé des choses cet été en Asie. Si vous n’avez rien manqué de tout cela, bravo. Cette synthèse d’actualité complètera votre travail. Si, au contraire, vous n’avez pas été très attentif à l’actualité de nos voisins, cette synthèse vous servira de « mise à jour ». Bref, quelque soit votre profil, c’est le moment de sortir vos cahiers de l’actualité !

En bonus : Du vocabulaire pour exploiter cette synthèse en anglais et un quizz pour tester ses connaissances.

Un grand vent de changement souffle sur la politique japonaise

4975231_6_3f91_le-premier-ministre-japonais-shinzo-abe-a_b841ede81821a901dd69131362ce139aLe premier ministre, Shinzo Abe, avait été élu en décembre 2012 sur deux promesses. La première était de redresser l’économie japonaise, en mal de croissance et plombée par une dette représentant 240% de son PIB, grâce à ses Abenomics (mot-valise pour désigner les mesures prises par Abe dans le cadre de sa politique de relance économique). Mais, malgré de lourds investissements et une politique monétaire plus qu’acomodante, il n’y est pas encore parvenu. Sa seconde promesse était de renforcer la défense et les valeurs du pays. Mais le pacifisme japonais, l’en avait jusqu’à présent empêché.

Les Japonais semblent pourtant toujours croire en lui. En effet, lors du vote pour le renouvellement de la moitié des sièges de la Chambre haute, le 10 juillet, ils en ont offert les 2/3 à son parti, le Parti Libéral Démocrate. Le PLD contrôlant également les 2/3 des sièges de la Chambre basse, cette victoire permet à Shinzo Abe de renforcer ses Abenomics et de relancer sa politique nationaliste.

Le 27 juillet il a donc annoncé un nouveau plan de relance (de 28 milliards de Yen) qui doit être voté par le Sénat. Il a également remanié son gouvernement pour y intégrer plus de nationalistes. Tomomi Inada y est notamment entrée au poste de Ministre de la Défense. Avec un tel gouvernement et la domination du Sénat, il peut à présent proposer un referendum pour réviser de la Constitution pacifiste de 1946. Il est probable qu’il y fasse introduire un Etat d’urgence avant de modifier à l’article 9, celui qui affirme que le Japon renonce à la guerre.  La Chine et la Corée du Sud sont déjà inquiètes.

4969280_6_4134_si-elle-etait-officialisee-l-abdication_f0d9f2cb06b31babb8ada945dbe1df01Mais, tandis que les Japonais semblent assez favorables à un plan de relance, ils le sont beaucoup moins à une révision de la Constitution. Et sur ce point l’empereur Akihito est de l’avis de son peuple. C’est sans doute pourquoi il a choisi le 8 août pour exprimer son désir d’abdiquer. C’était la seconde fois seulement qu’il s’adressait aux japonais et son message a été clair. Il sait que la loi de 1947  ne prévoit pas que l’empereur puisse quitter ses fonctions. Mais, à 82 ans dont 27 sur le trône, il pense ne plus pouvoir assurer les devoirs de sa charge. Il laisserait donc son trône à son fils, le prince héritier Naruhito, d’ici à 2018.

La date est importante car, pour qu’il puisse abdiquer, il faudrait modifier la législation impériale. Et cela repousserait à plus tard toute autre révision de la Constitution. De plus, en se présentant comme un repère d’identité pacifiste alors que Shinzo Abe s’affirme en tant que nationaliste réformiste, il contourne son interdiction de s’exprimer sur les débats politiques et appelle au calme.

La Corée du Nord continue d’inquiéter la communauté internationale

FILE PHOTO - An underwater test-firing of a strategic submarine ballistic missile is seen in this undated photo released by North Korea's Korean Central News Agency (KCNA) in Pyongyang on April 24, 2016. KCNA/File Photo via REUTERS. ATTENTION EDITORS - THIS IMAGE WAS PROVIDED BY A THIRD PARTY. EDITORIAL USE ONLY. REUTERS IS UNABLE TO INDEPENDENTLY VERIFY THIS IMAGE. SOUTH KOREA OUT. TPX IMAGES OF THE DAY - RTX2MRM0

La Corée du Nord subit des sanctions internationales suite à son essai nucléaire de janvier et connait actuellement un vague de défections. Mais ce n’était pas suffisant pour les Etats-Unis. Le 1er juin ils ont désigné la Corée du Nord comme un foyer de blanchiment d’argent, limitant ainsi la capacité des établissements financiers étrangers à échanger avec le pays. Puis, le 6 juillet, ils ont placés Kim Jong-un et dix hauts responsables du gouvernement nord-coréen sur la liste noire du Trésor américain. Concrètement cela signifie que leurs avoirs ont été gelés. Pour finir, ils ont annoncé, le 8 juillet, le déploiement du système antimissile Thaad en Corée du Sud. En réaction, la Corée du Nord s’agite et a tiré quelques missiles balistiques en juin et début juillet. Le Comité nord-coréen pour la réunification pacifique a même suggéré qu’une bombe nucléaire pourrait tomber sur le système Thaad.

Puis, le 19 juillet et le 3 août, la Corée du Nord a effectué plusieurs tirs de missiles (dont un atteignant la ZEE du Japon), qu’elle a présentés comme des simulations de « frappes préventives » contre le système Thaad. Les Etats-Unis et la Japon ont alors réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Celle ci s’est tenue le 24 août mais aucune réponse commune n’a été adoptée.

Ne comptant pas en rester là, la Corée du Sud et les Etats-Unis ont, le 22 août, comme chaque année, entamé des manœuvres militaires simulant une attaque nord-coréenne. L’armée nord-coréenne y a répondu en tirant, deux jours plus tard, un missile balistique depuis un sous-marin, preuve de leurs progrès techniques.

Rappellons également que les relations intercoréennes n’avaient pas été aussi tendues depuis les années 1970. Et que la Corée du Nord tente de renforcer ses alliances dans la région, nottament avec la Chine, comme lors du 55e anniversaire du Traité bilatéral d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, le 11 juillet. La situation rappelle un peu trop l’époque de la Guerre Froide…

Le Bangladesh, nouvelle cible de l’Etat Islamique

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Au cours de ces 2 derniers années le terrorisme islamiste a fait plus de 70 victimes au Bangladesh. Avant ce été les meurtres étaient isolés, visant surtout des intellectuels, des membres de minorités religieuses, des blogueurs athéistes… Ils étaient ensuite revendiqués par l’organisation Etat Islamique, au travers de groupes locaux leur ayant porté allégeance comme le groupe islamiste interdit Jamaat-ul-Mujahideen (JMB), et parfois, par Al Qaïda. En juin le gouvernement bangladais avait fait arrêter plus de 11 000 personnes. Ces arrestations visaient à rassurer la population et la communauté internationale, même si beaucoup de membres du parti de l’opposition (le Bangladesh Nationalist Party) avaient été inculpés au passage.

Puis, le 1er juillet s’est déroulé un attentat d’une ampleur nouvelle. La clientèle d’un restaurant de Dacca fréquenté par des expatriés a été prise en otage. Il y a eu 20 morts parmi les otages (tous des étrangers), 2 parmi les policiers et 6 parmi les assaillants. L’EI a ensuite revendiqué l’attaque. Mais le Bangladesh l’a attribuée, comme il en a l’habitude, au JMB, pour ne pas admettre que l’EI ou AQ oeuvrent sur son sol. Finalement, le 27 août, le gouvernement a informé la population que la police avait abbatu le cerveau de l’attentat et chef du JMB, Tamim Chowdhuri.

La mer de Chine méridionale, que la Chine compte bien garder pour elle

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Le conflit pour les droits en mer de Chine méridionale dure depuis bien longtemps. Il faut dire qu’il y a beaucoup d’acteurs (la Chine, les Philippines, le Viêtnam, la Malaisue et Brunei) et d’enjeux. Cette mer constitue, en effet, une route maritime très empruntée, un lieu de piraterie et une réserve de ressources naturelles. Les pays se disputent donc, à coup de lances à eau, de menaces et de plans d’aménagement, les îles Paracels et Spratleys, qui sont les plus importantes de cette mer.

Cet été a marqué un tournant dans le conflit. En effet, le 12 juillet, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, saisie par les Philippines en 2013, a déclaré que la Chine n’avait pas de « droits historiques » sur la plupart des eaux de la région. Ainsi, elle a estimé que les îles Spratleys, sur lesquelles la Chine a installé des polders, des pistes d’attérissages et des bases navales, se trouvent dans la ZEE de ses voisins. Mais aussi que la ligne à neuf traits (tracé délimitant les revendiquations chinoies dans cette zone) n’ont aucun fondement légal.

La Chine a considéré cette décision illégitime et a annoncé qu’elle répondrait à toute provocation. Elle a même menacé de créer une zone de défense aérienne au dessus de ces îles. Le président phillipin a, lui, envoyé un émissaire en Chine.

Le conflit va-t-il se geler ou s’intensifier ? Il faudra se tenir au courant cette année.

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Le Donald Trump des Philippines, Rodrigo Duterte, est président

Philippines' president-elect Rodrigo Duterte speaks during a press conference in Davao City, in southern island of Mindanao on May 26, 2016. Explosive incoming Philippine president Rodrigo Duterte has launched a series of obscenity-filled attacks on the Catholic Church, branding local bishops corrupt "sons of whores" who are to be blamed for the nation's fast-growing population. / AFP / MANMAN DEJETO (Photo credit should read MANMAN DEJETO/AFP/Getty Images)

Rodrigo Duterte, « Digong » pour les intimes, a été intronisé président le 30 juin. Promettant de poursuivre, à l’échelle nationale, la politique qu’il menait en tant que maire de Davao (ville du sud de l’archipel), il avait, lors de sa campagne, multiplié les provocations. Il a ainsi promis qu’il rétablirait la peine de mort, a insulté le pape François, a dit qu’il aurait voulu violer une humanitaire australienne… Mais, alors que la victoire est loin d’être assurée à Donald Trump, la sienne a été presque facile. Le désir de changement et le mal-être du peuple face à la criminalité et la corruption se sont exprimés.

Chose promise, chose due, sa politique est radicale. Il mène nottament une « guerre contre la drogue » particulièrement sanglante. Depuis qu’il a appelé, le 4 juillet, au meurtre de trafiquants de drogues, plus de 1 900 personnes ont été tuées. La communauté internationale a été choquée et ONU a réagit en appelant le gouvernement à mettre fin à la vague de meurtres. Duterte y a répondu en menaçant de quitter l’institution.

La communauté internationale va-t-elle intervenir ? La population va-t-elle tolérer une telle violence ? Les Etats-Unis doivent-ils s’inquiéter de reproduire le même schéma ?

Le Cachemire indien à nouveau en proie aux violences

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Le Cachemire est une zone de tension historique entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Retraçons rapidement l’histoire de la région. Lors de la partition de l’empire Brittanique des Indes, la région est devenue l’objet de toutes les convoitises. Suite à la première guerre indo-pakistanaise (1947-1949), le Cachemire a été divisé, et depuis, chacun des 3 pays l’entourant en administre une partie. L’Inde administre l’Etat du Jammu-et-Cachemire. Le Pakistan gouverne les territoires de l’Azad Chachemire et du Gilgit-Baltistan. Et la Chine a imposé son autorité dans la région de l’Alsai Chin et de la Vallée de Shaksgam.

Mais la situation ne s’est pas stabilisée pour autant. L’Inde revendique tout le territoire du Cachemire. Le Pakistan rappelle que la région est majoritairement musulmane pour réclamer d’administrer la partie indienne en plus de la sienne. Et certains Cachemiri réclament leur indépendance. Cela explique que la région soit régulièrement en proie aux soulevements, aux conflits armés, et aux attentats.

Cet été, la situation s’est de nouveau enflamée. Le 8 juillet, les autorités indiennes ont abattu Burhan Wani, un commandant du groupe séparatiste djihadiste Hizbul Mujahideen, considéré comme un terroriste par le gouvernement. Le Pakistan a condamné cette action et s’est offusqué que l’Inde considère les indépendantistes comme des terroristes. L’ONU a alors proposé son arbitrage mais l’Inde a déclaré que la question relevait de sa politique intérieure. Depuis, les manifestations, violemment réprimées, se multiplient dans la région. On dénombre 64 morts et des centaines de blessés pour les 6 dernières semaines. Dans les villes les plus touchées, des couvre-feux ont été instaurés, le téléphone et internet ont été coupés, la publication de certains journeaux a été suspendue… Les pourparlers prévus alors entre les responsables de la sécurité des deux pays ont été annulés.
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Les Thaïlandais votent contre leurs intérêts, pour la dictature

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La Thaïlande est une monarchie constitutionnelle où la royauté, l’armée et le camp démocratique se partagent le pouvoir. Au fur à mesure deux camps se sont formés. Les « chemises jaunes » sont des membres de l’élite urbaine, conservateurs, royalistes et soutiennent l’armée, au travers du Parti Démocrate. Ils croient en la légitimité du souverain et pensent que donner le pouvoir à l’armée permettrait d’éradiquer la corruption et amènerait des personnalités fiables et compétentes. A l’opposé, les « chemises rouges » constituent une population moins aisée, rurale, et soutiennent la démocratie. Ils votent pour le parti Thai rak thai, celui du premier ministre, Thaksi Shinawatra, renversé par la junte en 2006, puis repris par sa sœur Yingluck en 2011, avant que son gouvernement à elle aussi soit renversé en 2014.

Depuis le 22 main 2014, date du coup d’état du général Prayut Chan-o-cha (premier ministredepuis), la junte militaire gouverne. Le putsh a probablement été organisé pour faciliter la transition royale. Le roi Bhumibol, 88ans, ne pourra en effet plus régner longtemps. Depuis, le pays est en proie aux manifestations, aux émeutes réprimées dans le sang…

Et cet été la junte a renforcé sa dictature. La population a voté, lors du référendum du 7 août, en faveur d’une Constitution qui lui permet de s’installer durablement au pouvoir. En effet, il leur est à présent possibe de nommer le premier ministre et tous les membres du Sénat. Depuis mai 2014 ils en nommaient la moitié et les autres étaient élus au suffrage universel. L’opposition, qui juge ce projet de Constitution antidémocratique et liberticide, n’a pas pu s’exprimer avant le 25 juillet.

Mais alors pourquoi les Thaïlandais ont-ils voté à 62% pour le projet de Constitution ? Sûrement pour avoir le calme qu’ils attendent depuis plus de 20 ans. Reste à voir s’ils l’auront.

Say it in English !

Abdiquer : to abdicate

Plan de relance : recovery plan / stimulus package

Tir de missile balistique : launch of ballistic missile

Placer sur liste noire : to blacklist

Conflit gelé : frozen conflict

Arbitrage de la Cour Pénale Internationale : the International Criminal Court arbitration

Revendiquer des droits : to assert rights

Pourparlers de paix : peace talks

Junte militaire : military junta

Les thaïlandais ont voté pour une nouvelle Constitution tandis que les japonais pourraient avoir à voter pour une revision de la leur d’ici peu.

Thais voted in favour of a new constitution whereas the Japanese might have to vote for a review of their own constitution shortly.