La Turquie : Une « démocrature » source d’incertitude ?

Ce qu’il faut avoir en tête : Depuis la tentative de coup d’État failli le 15 juillet 2016, l’opposition accuse le président Turc Recep Tayip Erdogan de sombrer dans une dérive autoritaire, confirmé par le référendum constitutionnel du 16 avril 2017 où le « oui » l’a emporté avec une courte avance de 51, 41 %.

Une démocratie en péril : Au cours du mois de juillet et d’août les mouvements de protestation contre le pouvoir d’Erdogan se sont multipliés à l’intérieur du pays. Le 4 juillet s’est tenu une « marche pour la justice » organisée par le parti d’opposition de la gauche Kémaliste CHP visant à répondre à la dérive autocratique du régime. En août ce fut au tour des femmes de protester contre la violence physique et morale dont elles sont de plus en plus victime. Parallèlement, la répression de la part du gouvernement n’a pas faibli : les purges commencées à la suite du putsch ont été poursuivies avec plus de 7 000 limogeages le 14 juillet. Le 17 juillet le parlement turc a voté pour la troisième fois une extension (de 3 mois) de l’état d’urgence instauré à la suite du putsch. La répression du gouvernement a également touché la presse avec l’ouverture le 24 juillet du procès de 19 journalistes du « Cumhuriyet », pour leur soutien à des organisations « terroristes » (soupçonnées d’avoir organisé le coup d’état).

Vers une dégradation des relations avec l’Europe : Les rapports entre la Turquie et l’Europe sont de plus en plus complexes. Les différends étaient déjà apparus il y a quelques mois (avril/mai) concernant les accords sur la question des réfugiés. Mais cette fois-ci c’est celle de la violation des droits de l’Homme par le pouvoir qui pose problème. 

Les relations avec l’Allemagne se sont particulièrement tendues en raison de la détention prolongée de Peter Steudtner, arrêté le 5 juillet pour avoir milité aux côtés d’Amnesty international. Ainsi le 20 juillet l’Allemagne a procédé à une « réorientation » totale de sa politique envers la Turquie avec un durcissement de ses relations économiques et commerciales (tourisme, investissements, prêts …). Cela a provoqué la réaction immédiate du chef d’État turc afin d’éviter une rupture catastrophique dans le pays. L’Allemagne est en effet le premier partenaire commercial et touristique du pays. Toutefois, mi-août, la situation s’est empirée. R. Erdogan a été accusé d’ingérence pour avoir incité les turcs vivant en Allemagne à voter contre les partis de la coalition au pouvoir (CDU/SPD) et les Verts.

Une position ambiguë de la part de l’UE : Le 26 juillet a eu lieu un dialogue à « haut niveau » qui a réuni hauts commissaires européens et ministres turcs. Il y a été fait mention de la nécessité de respecter les droits de l’Homme sans qu’il soit question de rompre le dialogue avec la Turquie, jugé indispensable au règlement des problématiques qui lient les deux régions. Il n’a même pas été question de remettre en cause la candidature à l’entrée dans l’UE. Ainsi Federica Mogherini avait affirmé « La Turquie reste un pays candidat à l’accession et un partenaire stratégique ».

Conflit israélo-palestinien

Ce qu’il faut avoir en tête sur les frontières : Pour ceux qui maîtrisent mal les tenants et aboutissants du conflit, voici un petit « cours » de rattrapage rapide et facile !  Il commence à partir de la création en 1947 de l’État hébreu. À l’époque les tracés utilisés sont ceux proposés par l’ONU (découpage en trois parties) acceptés du côté israélien et refusés du côté palestinien. S’en suit la « guerre d’indépendance » (1948) qui débouche sur la signature d’un armistice avec la Jordanie et donne lieu à la naissance de la frontière virtuelle appelée « Ligne verte » qui sépare Israël de la Cisjordanie. Survient ensuite la guerre des Six jours (1967) provoquant une extension du territoire contrôlé par Israël sur la partie égyptienne (Sinaï) et la partie jordanienne (Golan, …). Une résolution de l’ONU est ensuite votée – la résolution 242- qui stipule la nécessité de l’établissement d’une paix durable dans la région, se traduisant par la reconnaissance de l’État d’Israël par les États arabes voisins impliqués et par la restitution des terres occupées par Israël. Dans cette logique ont eu lieu les accords de camp David entre l’Égypte et Israël : normalisation des relations entre les deux pays et restitution du Sinaï par Israël. En 1993 les accords d’Oslo ouvrent la voie à un apaisement des tensions avec un nouveau partage de la région : présence de certaines « colonies » israéliennes acceptées en Cisjordanie et présence militaire israélienne approuvée pour la sécurité autour de certaines villes palestiniennes. Mais c’est un échec, Yitzhak Rabin est assassiné. S’en suit une longue période d’instabilité (Intifada) toujours en cours.

Pour en savoir plus : La création controversée de l’Etat d’Israël

Jérusalem : Cristallisation des relations autour de l’esplanade des mosquées. Les tensions autour des lieux de culte à Jérusalem (esplanade des mosquées/ mont du temple, le mur des lamentations …) sont moins d’origine religieuse que territoriale (avec le contrôle de Jérusalem). En 1947 l’ONU prévoyait sa classification en temps que zone internationale. A la suite de la première guerre israélo-palestinienne, les frontières sont celles marquées par la ligne verte (1949). Elles séparent la ville sainte en 2 parties – Jérusalem ouest – partie israélienne où se situe le parlement (Kneset, banque centrale, cour suprême …) et – Jérusalem Est – partie palestinienne où se situe la vielle ville (elle-même divisée en 4 parties selon les 4 cultes). En 1967 Israël annexe à la suite de la guerre des Six jour la Cisjordanie (avec Jérusalem Est) et proclame en 1980 Jérusalem comme capitale de l’État hébreu de manière unilatérale (non reconnu par l’ONU, donc les ambassades restent à Tel-Aviv, la capitale officielle).  La présence israélienne dans la partie Est de la ville est alors qualifiée d’occupation, elle se traduit par la construction de logements et du mur en 2002 pour des raisons sécuritaires (en réponses aux attentats). Concernant la vieille ville les tensions se cristallisent surtout autour de l’esplanade des mosquées (Palestine) également appelée mont du Temple (Israël).

Les évènements récents : Le 14 juillet, deux policiers israéliens sont tués par des palestiniens près de l’esplanade des mosquées. Alors que cet acte a été condamné par le premier ministre israélien (B. Netanyahou) ainsi que par le représentant de l’autorité Palestinienne (M. Abbas), ce sont les mesures de sécurité supplémentaires instaurées par Israël qui vont relancer les tensions. Fermeture du site dans un premier temps, puis mise en place de portiques de sécurité, interdiction d’accès à la vieille ville pour les palestiniens de moins de 50 ans, … Autant de mesures qui ont provoqué de vives réactions de peur d’une prise de contrôle du site par Israël. Elles ont amené le président M. Abbas à menacer de suspendre la coopération sécuritaire. La principale polémique ayant pris place autour de la question des portiques, leur retrait a été décidé le 24 juillet afin d’apaiser les tensions. Ce fut sans réel succès en raison du maintien de la présence d’échafaudages et des rampes métalliques également installés après le début de la crise. Le 27 juillet ont donc été retirées les dernières mesures de sécurité.

Mais les tensions se sont poursuivies avec un maintien de l’interruption des relations entre les deux pays et l’intervention d’acteurs étrangers dont la Jordanie avec la visite du Roi Abdallah II le 7 août, une première depuis 2012. Son but était essentiellement de réaffirmer son soutien au président de l’AP et souligner l’importance de l’acteur américain. Ce dernier a été particulièrement discret pendant cette crise avec une unique visite de D. Trump à l’actuel ambassadeur américain David Friedman (favorable aux implantations israéliennes), le 31 juillet.

 Autorité Palestinienne : Tensions entre le Hamas et le Fatah (Bande de Gaza) : Elles sont deux organisations palestiniennes concurrentes qui se disputent le leadership palestinien. Le Fatah (ou mouvement de libération de la Palestine) est le plus ancien, c’est le parti historique de Yasser Arafat et le parti actuel de Mahmoud Abbas reconnu par la communauté internationale comme le président de l’autorité palestinienne. Le Hamas (ou mouvement de résistance islamique) est fondé plus tardivement en 1987, en lien avec les Frères musulmans. Marginal au départ, il gagne en popularité suite aux accords d’Oslo (décidé par le Fatah) grâce à un discours anti-israélien et islamiste et des actions terroristes qui lui ont valu une place sur la liste noire de l’UE.

Toutefois ce n’est qu’en 2006 qu’il s’impose en remportant les élections législatives. La relation entre les deux partis se tend à partir de 2006/2007 avec l’éclatement d’une guerre inter-palestinienne qui divise le pays en 2 : d’un côté la bande de Gaza sous le contrôle du Hamas et de l’autre la Cisjordanie contrôlée par le Fatah.

Les évènements récents : Au cour des mois de juin/juillet, M. Abbas, dans l’optique de reprendre le contrôle du territoire gazaoui, a initié un mouvement de répression sanitaire et financière : baisse des revenus des fonctionnaires, interdiction de soin, crise de l’électricité causée par le refus de payer l’électricité à Israël (fournisseur) … provoquant une dégradation inquiétante des conditions de vie dans la zone. Fin juillet / début août, M. Abbas a cependant initié des négociations avec le Hamas en raison de la menace que constitue Mohamed Dahlan, son principal opposant dans le groupe soutenu par le Hamas. Elles reposaient entre autre sur la suspension de ce soutien et sur la conservation des structures de direction du Fatah à Gaza. Mais ce fut en vain. Le 9 août l’Autorité Palestinienne décide une nouvelle réduction des aides pour les malades appartenant au Hamas.

Le Qatar sous embargo : Première crise pour le Conseil de Coopération du Golfe (CCG)

Les évènements récents : Tout a commencé lorsque Riyad et Abou Dhabi ont rompu leurs relations diplomatiques avec Doha le 6 juin 2017. Dans un premier temps, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont accusé le Qatar de financer le terrorisme et des groupes sectaires à l’image des Frères musulmans ou d’Al-Qaïda. Le Bahreïn, l’Egypte, le Yémen et la Libye se sont ensuite ralliés à ce front anti-Qatar. De plus, L’A-S sunnite accuse le Qatar de complaisance envers l’Iran (puissance chiite) … De quoi rajouter de l’eau dans le gaz ! Un blocus terrestre, maritime et aérien est alors mis en place.

Le Qatar a immédiatement bénéficié du soutien de l’Iran et de la Turquie qui possèdent plus de 13 Mds de dollars d’investissement à Doha. Aujourd’hui, le Qatar est dépendant à 65% de l’Iran pour ses denrées alimentaires !

La communauté internationale, sous l’influence des Etats-Unis, a immédiatement tenté d’apaiser les tensions. En effet, l’A-S et le Qatar sont deux alliés inconditionnels de D. Trump dans la région, le premier pour les liens pétroliers et militaires historiques, le second pour la base militaire américaine d’Al-Udeid, notamment.

Le front anti-Qatar a quant à lui publié fin juillet une liste de 13 mesures à mettre en place pour mettre fin à l’embargo. Parmi celles-ci figure :

– L’arrêt de tout contact avec une organisation terroriste

– La fermeture de la chaîne d’information Al-Jazeera (Chaîne qatarienne critiquant l’A-S)

– La suppression de ses relations avec l’Iran

Mais le Qatar voit en ces propositions plus la volonté de nuire à sa souveraineté que de lutter efficacement contre le terrorisme. Voilà pourquoi l’Emir du Qatar reste à ce jour inflexible.

Dans cette optique, Doha a acheté 7 nouveaux navires de guerre à l’Italie en août. Ce contrat se rajoute à celui signé en juin pour l’achat d’avions F-15 américains. De quoi craindre un embrasement de la région ?

Toutefois, le Qatar cherche à montrer ses efforts en matière de lutte contre le terrorisme, à l’image des accords signés avec les Etats-Unis pour désactiver les flux financiers à vocation terroriste.

Le Qatar a tenté tout le mois d’août d’éviter un isolement total. Ainsi, Doha a supprimé la nécessité d’un visa d’entrée pour plus de 80 pays. De plus, le feuilleton Neymar (le PSG étant détenu à 100% par le Qatar Sport Investments) est une manière comme une autre d’affirmer son soft-power grandissant.

Finalement, fin août a été marqué par le dégel des positions diplomatiques. L’A-S a temporairement ouvert ses frontières pour permettre aux qataris de réaliser le pèlerinage à la Mecque et un accord a été conclu pour permettre à Qatar Airways d’avoir accès à l’espace aérien du Bahreïn et des EAU.

Affaire à suivre…

L’EI à bout de souffle ?

Ce qu’il faut avoir en tête : L’EI est une organisation politique militaire et salafiste née en 2006. L’organisation est une branche d’Al-Qaïda dans la région qui a commencé dès 2012 à s’étendre en Syrie. En juin 2014, Abou Bakr al-Baghdadi proclame le califat sur les zones qu’elle occupe.

 Les évènements récents : L’été a été marqué par une contraction du territoire contrôlé par l’EI, symbolisé par la reprise de Mossoul. La ville, aux mains des djihadistes depuis juin 2014 après une bataille de quelques jours, a été reprise le 10 juillet par l’armée irakienne (avec le soutien de la coalition internationale) après une lutte de presque 9 mois. A la suite de cette victoire, l’armée irakienne tente désormais de reprendre la ville de Tal Afar, dernier bastion de l’EI en Irak. Mi-août, l’armée libanaise a lancé une offensive pour déloger l’organisation de l’est du pays. Sous la pression de la FDS (Force Démocratique Syrienne), l’EI a également perdu son bastion historique de Raqqa. En résumé, l’organisation terroriste perd de plus en plus de terrain au Moyen-Orient. Elle ne contrôle désormais qu’une large bande territoriale le long de la vallée de l’Euphrate, à la frontière irako-syrienne et différentes poches isolées (au Sud de Mossoul, au Nord de l’Irak,…)

Vous l’aurez compris, L’EI se retrouve de plus en plus acculé dans la région du Moyen-Orient, sous la pression de la coalition internationale (24566 frappes aériennes recensées en 3 ans selon le Pentagone !) Toutefois, l’attentat de Barcelone a mis en évidence sa capacité d’action toujours présente à l’international. De plus, l’ambassade irakienne en Afghanistan a été prise d’assaut à la suite de la défaite de la bataille de Mossoul, ce qui affirme la volonté de l’EI de continuer le combat sur un autre sol.

A la fin de l’été une question persiste : Quel avenir pour Mossoul ? En effet, la ville est aujourd’hui revendiquée par le pouvoir chiite, le pouvoir central de Bagdad et par les Kurdes irakiens. Une totale stabilité politique ne semble pas être pour demain…

Une continuité politique et sociale en Iran ?

L’actualité du pays a été marquée par l’élection présidentielle qui s’est tenue le 17 mai dernier. H. Rohani a été reconduit assez largement avec 57% des suffrages exprimés à la tête du pays pour un second mandat. La victoire du candidat modéré est ainsi le reflet d’un épuisement de la mouvance ultra-conservatrice dans le pays, symbolisé par E. Raisi.

Géopolitiquement parlant, l’Iran a passé un été étroitement lié à l’embargo frappant le Qatar. En effet, le front anti-Qatar se heurte à la position de Téhéran qui soutient inconditionnellement Doha (les deux pays se partagent entre autre la gestion du plus grand gisement de gaz off-shore, North Dome). L’Iran a ainsi envoyé des centaines de tonnes de produits alimentaires par avion au Qatar pour l’aider à faire face à ce blocage. Mais cette situation ne fait donc pas les affaires de l’Arabie Saoudite sunnite qui comptait à la fois déstabiliser le Qatar et l’Iran chiite.

Pour plus de précision : Le nouveau visage de l’Iran face à la mainmise des conservateurs religieux

Avec la participation de Rifka qui a rédigé la synthèse sur le conflit israélo-palestinien et la Turquie !