Nous avons quelque peu manqué de temps début novembre, et nous avons donc pris le parti de réunir les synthèses mensuels du mois d’octobre et de novembre. Ces deux mois ont été particulièrement riches en matière d’actualités. N’hésitez pas à puiser dans cet article accroches, exemples et idées pour vos dissertations de géopo et d’ESH.

Bonne lecture !

PS : essaye de faire ce QUIZ avant de lire la synthèse

Pékin annonce la fin de la politique de l’enfant unique

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1979 est une date charnière dans l’histoire de la Chine contemporaine: elle marque l’ouverture des premières ZES (zones économiques spéciales) implantées dans quelques villes littorales du Sud Est et de surcroit la conversion de l’Empire du milieu à l’économie de marché. Ce n’est pas tout.

1979, c’est aussi l’année où Deng Xiaoping instaure, un an après son accession à la présidence du parti, la politique de l’enfant unique dans l’ensemble du pays. C’est la politique démographique la plus autoritaire jamais mise en place à l’échelle d’un Etat.

Les historiens restent divisés sur les véritables motivations du parti unique: pour certains, il s’agit d’une simple réflexion malthusienne: la croissance démographique qui s’annonçait exponentielle allait mettre à mal l’équilibre économique du pays, et il fallait urgemment diminuer le nombre de bouches à nourrir. Pour d’autres, c’est un peu plus subtil. Cette manœuvre visait davantage à concentrer les ressources afin de doter la Chine d’un capital humain « efficace » pour travailler dans les usines des marques occidentales.

Quoiqu’il en soit, le parti unique s’est donné les moyens de s’assurer que cette mesure soit scrupuleusement appliquée partout. Le succès est incontestable: en 1970, le taux de natalité est de 33 pour 1000, il ne dépasse pas 12 pour 1000 quarante ans plus tard. Fort logiquement, cette chute du nombres de naissances a pour corollaire le ralentissement de la croissance démographique, qui est passée sur la même période de 2,76% (1970) à 0,51% (2014).

La chute du nombre de naissances a également eu certains effets désastreux, notamment le déséquilibre des sexes au sein de la société: il y a désormais 106 hommes pour 100 femmes en Chine. En 2010, 118 hommes sont nés pour seulement 100 femmes. Les avortements sélectifs et les mauvais traitement des jeunes filles sont devenus monnaie courante, car celles-ci sont jugées plus coûteuses à élever et moins utiles au travail. « Elever une fille, c’est cultiver le champ du voisin » a-t-on coutume de dire dans les campagnes.

Ce 29 octobre, le gouvernement a donc officialisé la fin de la politique de l’enfant unique. Il faut dire que les dérogations s’étaient multipliées depuis le début de décennie 2000: d’abord les minorités ethniques, puis en 2002 les plus riches qui pouvaient « acheter (le droit de faire) un deuxième enfant ». Par la suite, les couples composés d’enfants uniques échappaient à la règle. En 2013, il suffisait qu’un des deux parents le soit.

Cette abolition est emblématique de la transition sociétale que connait le pays actuellement. Les Chinois jouissent de l’accroissement de leur niveau de vie (et aussi des inégalités! Un indice de GINI à 0,45, c’est un comble pour un pays communiste qui se prétend de fait égalitariste), mais sont également confrontés à la mondialisation ainsi qu’au mode de vie occidental. Ils sont ainsi moins enclins à accepter les restrictions libertaires que leur impose le gouvernement.

Finalement, ce mois d’octobre est aussi un des symboles de la fin d’une période faste pour la Chine. En plus des difficultés économiques que traversent le pays (6,9% au troisième trimestre, plus mauvaise performance depuis 2009), la levée de l’interdiction du second enfant prouve que la fenêtre démographique chinoise n’est plus aussi favorable qu’auparavant. L’Est de la Chine (la partie dynamique économiquement du pays) vieillit de manière inquiétante. Par ailleurs, les enfants uniques peinent à s’occuper de leurs deux parents comme le veux la tradition chinoise.
Nous assistons indéniablement à un virage périlleux pour la société chinoise. Elle va devoir s’adapter à une conjoncture sociale et économique qui évolue en profondeur.

La question démographique étant un enjeu essentiel du programme d’ECS, Major-Prépa publiera prochainement un article sur ce sujet.

Elections législatives, attentat meurtrier… Un mois d’octobre mouvementé pour Erdogan

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A l’heure où la France se trouve endeuillée par la série d’attentats qui a frappé la capitale, la Turquie elle se remet tout juste d’un drame similaire à bien des égards: le 10 octobre, deux explosions ont fait 130 morts dans la capitale turque, Ankara. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier jamais perpétré dans ce pays.

Le contexte dans lequel a eu lieu cette tuerie est en revanche plus trouble: elle visait une manifestation pour la paix organisée par l’opposition pro-kurde. Le lendemain, une dizaine de milliers de personnes se sont rassemblées à l’appel des syndicats pour rendre un dernier hommage aux victimes et montrer leur hostilité à l’égard d’Erdogan. Ces derniers le qualifient de meurtrier et l’accusent d’avoir volontairement négligé la sécurité des manifestants. Le gouvernement a rétorqué en affirmant que, puisque l’attentat n’avait pas été revendiqué, il pouvait autant être commandité par Daesh que par l’extrême gauche ou le parti kurde du PKK, dans une stratégie victimaire.

Ce drame est survenu trois semaines avant des élections législatives décisives pour les islamo-conservateur de l’AKP (le parti d’Erdogan), au pouvoir depuis treize ans. en Juin dernier, le parti a perdu pour la première fois depuis 2002 la majorité absolue au parlement. Après ce revers inattendu, Erdogan avait à cœur de récupérer les 18 sièges manquants pour gouverner sans former de coalition.

C’est chose faite: le 1er novembre, et contre toute attente au vue des sondages, l’AKP a balayé l’opposition en raflant 317 sièges sur 550. En filigrane, la question de la constitution turque se pose avec force: Erdogan veut en effet la modifier afin d’accroitre son pouvoir au sein de l’exécutif. Auparavant premier ministre, ce président souvent décrit comme étant narcissique est en passe de devenir un « hyperprésident » avec le risque de dérive autoritaire qui en découle. « environs 80% des pays du G20 connaissent un régime présidentiel […], nous sommes obligés de reconnaitre les nouvelles réalités du monde » plaidait-il en 2013. Ce scénario reste néanmoins assez improbable: 317 sièges, c’est assez pour gouverner seul, trop peu pour réussir ce tour de force que représenterait un changement de la constitution turque.

Il est encore trop tôt pour tirer les conséquences de cette victoire d’Erdogan, mais celle-ci devrait fort logiquement accroitre son assurance et sa fermeté dans la gestion des affaires de son pays. D’abord, la question des Kurdes est toujours prégnante. Nul doute que la reprise des affrontement avec le PKK (parti pro-kurde interdit en Turquie) début septembre a pesé dans le résultat: les bombardements des indépendantistes en Turquie et au Nord de l’Irak a séduit la droite nationaliste, hostile à tout signe de laxisme à l’égard de la minorité kurde. Par conséquent, les tensions entre les deux partis ne risquent pas de s’atténuer dans les semaines à venir.

Le rapport de force entre Erdogan et les Européens pourrait lui aussi être bouleversé: depuis le début de l’afflux migratoire en direction de notre continent, la Turquie a joué le rôle de zone tampon pour l’Europe, accueillant à elle seule 2,2 millions de réfugiés syriens depuis 2011. Bruxelles souhaiterait désormais imposer à Erdogan des centres ayant vocation à faire le tri entre les migrants économiques et politiques. La victoire de l’AKP rebat les cartes des négociations; Désormais plus que jamais légitimé par le vote du peuple, Erdogan risque de réclamer des contreparties importantes, notamment l’ouverture de l’espace Schengen pour les Turques. On imagine mal l’Europe accepter alors même qu’elle tente de juguler l’afflux de migrants sur son territoire. Les négociations s’annoncent rudes… Le sommet Turquo-Européen qui s’est tenu à Bruxelles dimanche 29 novembre devrait clarifier la situation. Stay tuned.

Volte-face de Madame Merkel sur l’accueil des migrants en Allemagne

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Après avoir courageusement prôné une ouverture massive des frontières allemandes afin d’accueillir un grand nombre de migrants, et ce contre l’avis de son parti et malgré l’hostilité grandissante de son électorat, Angela Merkel a finalement retourner sa veste. Ce retour en arrière a fait couler beaucoup d’encre outre-Rhin.

Le 13 novembre, Angela Merkel a finalement appuyé Thomas de Maizière, ministre de l’intérieur allemand, dans sa volonté d’endiguer le flux de migrant qui gagne l’Allemagne depuis quelques mois maintenant. Premièrement, l’Allemagne appliquera à nouveau les règles européennes dites « de Dublin« . Cet accord très contesté par les pays limitrophes de l’UE prévoit que les migrants qui entrent dans l’espace européen doivent impérativement déposer leur demande d’asile dans le premier pays de l’Union qu’ils traversent. Difficile de voir dans ce surprenant revirement de situation autre chose qu’un aveu de faiblesse de la chancelière, alors même qu’elle avait qualifié les accords signés à Dublin d' »obsolètes » à de nombreuses reprises ces dernières semaines. Madame Merkel n’a eu d’autres choix que de céder à la pression de son propre parti, dans lequel sa gestion de la crise migratoire est de plus en plus contestée. Parallèlement à cela, l’Allemagne va prolonger de trois mois les contrôles systématiques à la frontière. Ces contrôles ne sont pas incompatibles avec les accords de Schengen, puisque ceux-ci prévoient que les Etats ont la possibilité de rétablir les contrôles à leurs frontières si une crise majeure le justifie. Cette mise en parenthèse de Schengen peut durer jusqu’à deux ans selon les textes. Cela dit, la commission craint que la décision allemande d’appliquer cette clause porte un sérieux coup à la légitimité de ces accords signés en 1985 et entrés en vigueur en 1995, véritable pilier de la construction européenne.

Madame Merkel justifie ce changement de cap par sa « grande déception » quant à l’inaction des autres Etats-membre. Elle espère que cette décision radicale va faire évoluer les choses de sorte à ce que l’UE aboutissent à un accord permettant « une répartition équitable de ce fardeau ». Quoiqu’il en soit, la situation est de plus en plus tendue entre les pays affectés par cette vague migratoire. Thomas de Maizière estime que certains migrants qui attendent actuellement en Allemagne doivent être renvoyés en Slovénie et en Croatie, alors que son homologue croate juge que ces migrants sont l’affaire de la Grèce. Dans la foulée, l’Autriche a annoncé la construction d’un mur de 4km le long de sa frontière avec la Slovénie… La solidarité entre les Etats de l’Union ne semble guère s’esquisser.

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Et aussi….

Le péronisme se meurt

La victoire de Mauricio Macri (centre-droit) en Argentine met fin à l’hégémonie du mouvement populiste péroniste (du nom Juan Perón, président argentin de 1946 à 1955 puis de 1973 à 1974) qui dure depuis l’effondrement économique du pays en 2002. Le bilan des Kirchner (Nestor puis Christina) est assez mitigé: Si certaines réformes ont accéléré la restructuration de l’économie argentine -à l’agonie lorsque Nestor Kirchner arrive au pouvoir-, le protectionnisme et l’affairisme ambiants ont fragilisé le pays. Inflation incontrôlée, désindustrialisation, pauvreté endémique… L’Argentine est avec le Venezuela la lanterne rouge de l’Amérique latine. Pour tout savoir sur la situation préoccupante de ce pays atypique en Amérique du sud, c’est par là: https://major-prepa.com/geopolitique/largentine-un-pays-neuf-qui-a-decu//.

La Russie sanctionne Ankara

Suite à la destruction d’un chasseur bombardier russe par des avions de chasse turques mardi 24 novembre au dessus de la frontière syrienne, le Kremlin a décidé de bloquer l’importation de certaines marchandises turques, d’interdire aux compagnies russes d’embaucher des travailleurs turques et d’interrompre le trafic aérien entre la Russie et la Turquie pour les charteurs. Officiellement, ces mesures visent à assurer la sécurité de la Russie. « nous avons de plus en plus de questions sur la volonté réelle d’Ankara d’éradiquer le terrorisme » a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Le 30 novembre, en marge de la cérémonie de la COP21, Vladimir Poutine est allé plus loin en affirmant qu’il avait « toute les raisons de penser que cette manœuvre de la Turquie avait pour objectif d’assurer l’acheminement de pétrole vers le territoire turc » auquel se prête l’Organisation Etat Islamique (OEI).

60 attentats en Afrique en 2015

60, comme le nombre record d’attentats perpétrés entre le mois de janvier et le mois de novembre 2015. Jamais le continent africain n’aura connu autant d’attaques terroristes. Pays les plus visés : le Nigéria, l’Egypte, le Cameroun, la Tunisie et enfin la Libye. Le mois de novembre a été particulièrement sanglant avec 12 attentats et plus de 200 morts. La multiplication des actions et des pays touchés s’avère particulièrement inquiétante, tout comme le ralliement à l’Etat islamique de nombreux groupes terroristes, divisés il y a peu…

Pray for Paris

Enfin, Major-Prépa s’associe au deuil national qui a accablé notre pays le 13 novembre dernier. Pas de mise en relief géopolitique cette fois, même si cet épisode terrible de notre histoire aura sans doute des conséquences quant à l’engagement de la France au sein de la coalition internationale qui lutte contre l’Organisation Etat Islamique en Syrie et en Irak. Il faut savoir parfois laisser place au recueillement et aux hommages. C’est très modestement que nous dédions cet article aux victimes de cette série d’attentats, ainsi qu’à leurs proches.

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Et maintenant refais le QUIZ !