Voici le corrigé de la synthèse ESCP 2010 proposé par le rapport du jury !

Sujet : ICI

Les sociétés modernes vivent-elles la fin de l’Histoire ?
(ou)
La féconde incertitude de l’Histoire est-elle vouée à disparaître dans les sociétés modernes ?

Évoluons-nous dans un monde trop prévisible ? Assurément selon Tocqueville, qui imaginait la démocratie du futur peuplée d’individus renonçant toujours plus systématiquement à l’esprit d’initiative. Muray, lui, dépeint la dérisoire obsession contemporaine à reconstruire artificiellement des situations aseptisées, préservées des incertitudes du hasard et de l’imprévisibilité de la vie. Mais Fukuyama apprécie de voir émerger un monde clivé entre univers historique et posthistorique, susceptibles d’interagir dans certaines situations connues d’avance : règlement des questions énergétiques, contrôle des flux migratoires, lutte contre la diffusion de technologies potentiellement hostiles.

Le présent peut-il dès lors ne pas caricaturer le passé ? Non, nous dit Tocqueville, qui oppose le monde d’hier et ses tyrannies brutales à celui qui vient, dominé par un pouvoir paternaliste et apaisé qui exercera sur des populations fédérées par des idéaux médiocres une tutelle aussi ennuyeuse que systématique. Muray raille notre univers de simulacres festifs, d’où les guerres et les tragédies ont été bannies ou ne subsistent que comme leurres. Pour Fukuyama, au contraire, nulle dégradation caricaturale là où il faut louer l’avènement d’un univers toujours plus homogène dans ses choix politico-économiques.

Une telle situation est-elle acceptable ? Pas pour Muray, qui souhaite déconstruire l’absurde logique d’un post modernisme incapable de faire place à l’authenticité et à l’incertitude. A l’inverse, Fukuyama se réjouit de voir la démocratie marchande étendre progressivement sur le monde l’emprise de ses valeurs rationnelles et de son esprit calculateur, meilleure prévention contre les imprévisibles bouleversements dont demeurent tributaires les civilisations engluées dans l’Histoire. Tocqueville adopte enfin la position médiane d’un observateur rigoureux des formes de la pacification des passions politiques et sociales dans les sociétés modernes, que saisirait l’imperceptible nostalgie d’attitudes de grandeur et d’affirmation de soi devenues inconciliables avec la modernité démocratique.

318 mots [323 avec la seconde question introductrice, plus longue]