Président de l’APHEC (Association des Professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales), Alain Joyeux a rédigé cette tribune ce 6 avril au sujet des modalités des concours 2020, fortement perturbés par l’épidémie de Coronavirus qui sévit actuellement en France et dans le monde.

Pragmatisme de crise et préparation de l’avenir

Le concours 2020 : pas d’autres choix que le pragmatisme

La dramatique crise sanitaire et économique que vit notre pays oblige l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur à s’adapter à des contraintes exceptionnelles. Pour les écoles de management, la décision la plus marquante a été la suppression des épreuves orales d’admission pour les candidats issus de prépas. Cette décision est douloureuse et a déstabilisé dans un premier temps de nombreux candidats et professeurs. Il est vrai que la suppression des oraux pénalise certains profils d’étudiants, notamment ceux qui sont meilleurs à l’oral qu’à l’écrit. Le trouble provoqué par cette décision a été accru par le fait que les écoles d’ingénieurs, pour des raisons qui leur sont propres, tardent à prendre des décisions similaires.

Pour autant, bien que difficile pour tous, la suppression des oraux s’avère être la moins mauvaise des solutions : la situation nous impose de l’accepter. En effet, aucune solution alternative n’était satisfaisante. Des oraux en distanciel ne peuvent garantir l’équité entre les candidats : les recours auraient été légitimement nombreux. Envisager des oraux en septembre ou fin août, c’était maintenir les candidats dans le tunnel du concours pendant trois mois ou plus, situation dommageable tant du point de vue psychologique que logistique pour les jeunes et leurs familles. Nombre de celles-ci vont être frappées par des difficultés financières importantes : leur épargner les frais du tour de France habituel des oraux sera un soulagement pour certaines d’entre elles. Saluons d’ailleurs la décision – dont nous savons qu’elle est très coûteuse – des écoles de management de réduire de 50% les frais d’inscription aux concours. Enfin, la suppression des oraux est aussi un sacrifice pour de nombreuses écoles qui profitent de la venue des admissibles sur leur campus pour les séduire par d’autres critères qualitatifs que le simple jeu des classements. L’APHEC espère que ces écoles pourront malgré tout effectuer un recrutement satisfaisant. Nous ne souhaitons pas que la filière CPGE-GE se réduise à un petit nombre d’écoles. Il en va de la pérennité, de la diversité et de la richesse de la filière dans son ensemble. Souhaitons que les écoles puissent innover pour qu’elles nouent des contacts indispensables avec leurs lauréats entre les résultats d’admission et les choix dans SIGEM.

Il est essentiel que les écrits puissent se tenir malgré tout

 Nos étudiants ont préparé pendant 2 ans, parfois 3 ans, des concours qu’ils doivent absolument passer. A ce titre, l’APHEC refuse absolument toute perspective de contrôle continu qui serait non seulement injuste mais surtout inapplicable dans notre filière. Les simulations de modifications des coefficients de l’écrit pour tenir compte de la suppression des oraux n’ont abouti à aucun résultat consensuel. Il y aura donc statut-quo sur les actuels coefficients.

Un comité présidé par la cheffe de l’IGESR Caroline Pascal tente de définir des scénarios réalistes de calendrier. La CGE et le Chapitre des Grandes Ecoles y participent. L’APHEC souhaite éviter que l’on prenne le risque de reports successifs déstabilisateurs pour les candidats. Mieux vaut un planning très tardif qu’un projet trop optimiste qui serait invalidé par les conditions probablement très progressives de la sortie du déconfinement. Pensons également aux centres de concours à l’étranger, notamment au Maroc ou au Sénégal : ces pays ne sortiront peut-être pas de la crise en même temps que nous. Nous mesurons bien la difficulté de prendre en compte toutes les contraintes.

Si les contraintes de calendrier devenaient difficilement gérables, seule la piste d’un regroupement de quelques épreuves pour raccourcir le calendrier serait envisageable. Certes, cela aggraverait l’effet « quitte ou double » des épreuves contre lequel l’APHEC n’a cessé de lutter, mais cela constituerait un moindre mal vis-à-vis de l’hypothèse d’un contrôle continu, une ligne rouge pour les professeurs de prépas.

La responsabilité accrue des correcteurs de l’écrit en 2020 !

 Cette année, la responsabilité des correcteurs de l’écrit est démultipliée puisque leurs évaluations détermineront directement l’admission. La mise en place d’une double correction serait très opportune, elle est souhaitée par les élèves et les professeurs. Dans les délais aussi courts qui sont désormais les nôtres, nous appelons au minimum, cette année en particulier, à la responsabilité de chacun, banques d’épreuves, présidents de jury et correcteurs. Il serait rassurant pour les candidats que les professeurs corrigeant les épreuves ne prennent pas en charge individuellement un trop grand nombre de copies ou ne cumulent pas plusieurs jurys d’entrée dans les écoles de management. Même si tous sont toujours très consciencieux et respectueux du travail des candidats, les capacités de concentration de chacun au niveau des corrections ne sont pas illimitées !

Continuer la réflexion sur les dossiers stratégiques de la filière

 Dès la rentrée 2021, les CPGE vont accueillir les élèves concernés par la réforme du lycée. La révision des programmes de CPGE, tenant compte des évolutions programmatiques et des compétences acquises dans l’enseignement secondaire, était en cours de finalisation juste avant le début de la crise sanitaire. Leur publication ne sera donc que peu retardée.

Les regards portent désormais sur les concours 2023. La diversité des profils des élèves que nous allons recruter sera beaucoup plus grande. Les concours devront valoriser cette diversité. Le simple jeu des options prévues par la transformation des ECE et ECS en ECG ne suffira pas. Le défi est d’innover sans alourdir le calendrier des concours. Des pistes ont pu être évoquées mais la crise sanitaire a interrompu temporairement la réflexion sur ce qui est souhaitable, réalisable et qui pourrait avoir l’aval de toutes les écoles. Nous reviendrons très prochainement sur ce dossier.

Enfin, nous devons poursuivre et amplifier l’ouverture sociale de notre filière. Cet objectif est d’autant plus important qu’hélas, avec les conséquences économiques de la crise sanitaire, de nombreuses familles vont être frappées par le chômage et les difficultés. Malgré ce contexte, il faut garantir que tous les jeunes souhaitant intégrer la filière prépa-grande école puissent le faire, sans que des obstacles financiers ne se mettent en travers de leur projet. Avec les grandes écoles et nos tutelles, l’APHEC est prête à continuer à relever encore plus fortement ce défi.

Plus généralement, l’immense travail déjà réalisé dans le cadre du continuum prépa-grandes écoles doit se poursuivre pour renforcer l’attractivité de notre filière qui est, nous en sommes fermement convaincus, un atout pour le pays. D’ici-là, bon courage à tous pour traverser cette si difficile période !