langues

Il y a quelques semaines, nous révélions dans cet article la volonté des écoles conceptrices des différentes épreuves de langues du concours BCE (IENA et ElVi) de modifier en profondeur la nature de ces dernières. Concrètement, les traductions pourraient être supprimées au profit d’une épreuve de synthèse, semblable à celle proposée à Centrale pour les prépas scientifiques.

De manière générale, ce parti-pris des écoles a suscité un véritable tollé au sein du corps professoral de prépa. Les professeurs de langues de la filière dénoncent en effet une décision unilatérale et qui fait fi des programmes de langues vivantes (légèrement remaniés à l’occasion de la transition vers la prépa ECG). Il faut préciser néanmoins qu’aucune mesure n’est encore entérinée à ce jour.

Dans ce contexte, quelques professeurs de langues vivantes en CPGE économiques et commerciales ont eu pour idée de lancer une grande concertation auprès de leur ex-étudiants afin de connaître l’opinion de ces derniers sur l’enseignement des langues en prépa ainsi qu’en école et, finalement, leur perception de l’évaluation des LV au concours. Nous avons interrogé Rémy Danquin, qui est à l’origine de cette enquête consultable en intégralité en bas de l’article.

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis professeur d’allemand depuis vingt ans, dont sept années en CPGE. J’enseigne aujourd’hui en classe prépa ECE et ECS dans deux établissements de l’académie de Versailles.

En quoi consiste l’enquête que vous avez menée ? Pourquoi avoir entrepris cette démarche ?

Cette enquête est en fait une réponse au projet évoqué par certaines écoles de commerce de la BCE de remplacer les exercices actuels de l’épreuve de langue (traductions, compréhension, expression) par un seul exercice de synthèse. Il a été reproché en particulier aux exercices de traduction de ne pas être utiles dans le milieu professionnel et aux collègues d’envoyer en école de commerce des étudiants “qui ne savent pas parler”. Inutile de dire que ces déclarations ont provoqué un tollé parmi les collègues, qui ont un avis tout autre, aussi bien sur les traductions, qu’ils jugent très formatrices, que sur le niveau des élèves qui, à force d’entraînements multiples et intenses, font des progrès considérables tant à l’écrit qu’à l’oral.


J’ai alors pensé que la meilleure façon de ne pas aboutir à un dialogue frontal qui opposerait la parole des professeurs à celle des écoles était de donner la parole aux anciens étudiants de classe prépa et de Grande Ecole. J’ai pris en effet l’habitude dans ma pratique pédagogique de dialoguer avec les étudiants pour perfectionner ma pratique et améliorer l’efficacité de mes méthodes. Nos étudiants sont de jeunes adultes motivés, leurs suggestions m’ont toujours beaucoup aidé.


C’est pourquoi j’ai pensé qu’il était indispensable d’entendre la parole des anciens étudiants sur ces questions : ont-ils trouvé des bénéfices aux exercices de traduction ou non ? Jugent-ils leur niveau insuffisant après les 2 années de prépa ? Les écoles de commerce ont-elles permis d’améliorer ce niveau et de mieux les préparer à la pratique des langues dans le milieu professionnel ?

Que retenir dans les grandes lignes de cette consultation ? Y a-t-il des différences notables selon la prépa d’origine ou l’école intégrée par les répondants ?

Tout d’abord la consultation a connu un grand succès. Nous avons atteint en quelques semaines le quota de 1 000 réponses que nous nous étions fixé, pour concilier signification statistique et capacité à exploiter les éléments qualitatifs du questionnaire. Il n’a pas été demandé le nom de la prépa d’origine, mais le nom de l’école intégrée : on en compte une dizaine. Nous n’avons pas analysé les réponses par école car le questionnaire n’avait pas vocation à faire le point sur l’enseignement en langues dans telle prépa ou telle école mais de dégager des tendances générales.


Les réponses que nous avons reçues confortent les professeurs de prépa sur l’efficacité de leur travail et sont assez homogènes quelles que soient la prépa d’origine ou l’école intégrée. Le jugement sur les cours de langues en prépa est essentiellement positif, les anciens étudiants considérant que leur niveau en langues étrangères s’y est considérablement amélioré, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. En revanche, ils estiment qu’il a été plus difficile de maintenir ce niveau en école de commerce. Ils ne remettent pas en cause l’architecture des concours mais proposent des aménagements en particulier sur la durée de l’épreuve en LV2.

Ils ne rejettent absolument pas les traductions, car ils ont compris que l’objectif n’était pas de faire d’eux des traducteurs mais de pouvoir s’exprimer dans une langue étrangère et en français avec précision et justesse. Certains soulignent également le caractère objectif et normé de l’évaluation des traductions, qui leur semble plus pertinent et plus juste pour départager les candidats d’un concours. 

Vous attendiez-vous à obtenir aussi aisément un millier de réponses ? Et à ces résultats ?

Je m’attendais à une forte mobilisation de mes collègues car ils ont pour la plupart trouvé l’idée très intéressante. Je n’ai pas été déçu. L’incompréhension et la colère face à ce projet ont été de formidables moteurs d’action. Les collègues ont relayé le questionnaire à leurs réseaux d’anciens élèves, qui ont massivement répondu.

Le succès de l’enquête est très encourageant, et montre l’attachement des anciens étudiants à l’enseignement de langues qu’ils ont reçu, dont ils mesurent de toute évidence la pertinence dans leurs carrières. Je pense que beaucoup d’entre eux étaient également intéressés de répondre à un questionnaire qui leur permettait d’exprimer leurs compliments, leurs déceptions ou leurs attentes sur les cours de langues en prépa et en école.

Pensez-vous que cette enquête changera les choses pour le futur des cours de langues en prépa, des concours ou même la manière dont les langues sont enseignées en Grande École ?

L’exigence des cours de langues en prépa est en grande partie tributaire de l’exigence des concours. C’est au nom de cette exigence que les professeurs ont exprimé leur inquiétude face au remplacement des exercices actuels par une synthèse qui, selon les collègues qui la pratiquent déjà pour d’autres concours (scientifiques notamment), serait un exercice moins efficace, moins objectif, où la qualité de l’expression en langue étrangère serait plus difficile à évaluer.


Les questions de l’enquête relatives aux cours de langues en Grande Ecole étaient nécessaires, d’une part pour répondre à la critique sur le niveau de langues de nos étudiants, et d’autre part pour que les professeurs puissent avoir une visibilité sur le fruit de leur travail. La plupart des étudiants qui ont répondu à cette enquête considèrent que la plus-value des écoles de commerce dans ce domaine réside dans les cours ou les cursus en langue étrangère et les échanges universitaires à l’étranger. Les cours de langues à proprement parler sont jugés plus sévèrement. C’est aux écoles d’y réfléchir et, pourquoi pas, de proposer pour leur école une consultation sur cette question.  

Cliquez ici pour consulter l’enquête en intégralité : Resultats_complets_questionnaire_LV