Depuis de nombreux jours, la BCE est au centre d’une affaire inédite, celle d’un sujet de concours datant de 2018 non-utilisé et récupéré par un professeur qui l’a soumis à quelques étudiants… avant d’être repris partiellement par le sujet de maths HEC 2020. Hier, nous publions l’information suite à une très forte demande de la part d’étudiants, au fait des rumeurs, après une année extrêmement éprouvante pour ces derniers.

Christian Chenel, Directeur des Admissions et des Concours, a tenu à clarifier la situation, et nous offre un éclairage particulier, qui vient tempérer ce qui a pu se lire sur les réseaux sociaux. Voici notre entretien :

Comment avez-vous appris le fait que des candidats aient planché sur un sujet donné précédemment en préparation des concours ?

Des anciens préparationnaires, qui ont passé le concours en 2019, ont fait le rapprochement entre un sujet qui a été donné en concours blanc en mars 2019 et certaines questions de celui du concours 2020.

Aucun des 2 795 candidats inscrits à cette épreuve ne savait à l’avance que ce sujet tomberait au concours BCE 2020. Si certains ont pu plancher sur quelques questions similaires, c’est dans le cadre des dizaines, voire des centaines de concours blancs ou autres exercices qu’ils font en prépa. Avoir eu connaissance de certaines questions plusieurs mois en amont représente-t-il un avantage déterminant lorsqu’il faut répondre à des questions difficiles nécessitant avant tout de savoir (re)faire une démonstration ou des calculs ?

L’épreuve devra-t-elle être repassée ? On sait que le contexte est difficile et la journée de reprogrammation des épreuves est d’ores et déjà passée.

Au regard des informations disponibles tout début juillet, la cellule de crise BCE, composée de 7 écoles, a unanimement estimé qu’il n’y avait pas lieu de reprogrammer l’épreuve. Les candidats ont tous planché sur le même sujet dans les conditions du concours.

Ceux-ci étaient déjà éprouvés et fatigués après leur marathon de printemps et de début d’été. De plus, reprogrammer une épreuve avec toutes les incertitudes liées à la pandémie de COVID-19 aurait été prendre un risque démesuré. Suite au report de deux mois des écrits, le calendrier est très serré pour tenir les jurys d’admission le 5 août et publier les résultats d’affectation dans les écoles via SIGEM le 12 août.

Dans ce contexte exceptionnel et difficile, il a donc été décidé qu’une modulation du barème était la meilleure décision possible afin de minimiser l’impact des questions. Nous n’avons pas pour autant fait le choix de neutraliser complètement ces questions pour ne pas pénaliser ceux qui auraient réussi à y répondre sans les avoir vues au préalable.

Les premiers retours des correcteurs vont dans le sens d’une non-modification significative des performances des étudiants sur certaines parties par rapport à d’autres.

Il est à noter que la quatrième partie n’a quasiment pas été traitée par les candidats. Comme vous le savez, le sujet de maths S ESSEC – HEC Paris est conçu pour ne pas être terminé en quatre heures, et rares sont les étudiants à s’aventurer avec brio sur les dernières parties.

Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que ce genre de situation ne puisse plus se reproduire à l’avenir.

Que pensez-vous de l’émotion vive exprimée par certains professeurs et étudiants ?

Nous comprenons et partageons l’émoi des professeurs et des étudiants. Nous avons pris des décisions dans l’urgence en pensant d’abord à l’immense majorité des candidats qui ont réussi l’épreuve du 30 juin sans avoir eu connaissance des questions similaires et qui auraient été vraiment pénalisés en cas de reprogrammation de l’épreuve. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que ce genre de situation ne puisse plus se reproduire à l’avenir.

Entendez-vous modifier les règles entourant la conception des sujets pour les concours ?

Il est bien entendu évident que l’on n’attend pas d’un concepteur de sujet de reprendre des éléments de sujets déjà produits au cours des années précédentes. La BCE gravera donc cette règle dans le marbre afin d’éviter la survenance d’un tel événement qui vient ternir le bon déroulement d’ensemble des écrits du concours 2020 en cette année exceptionnelle.


Que penser de cet entretien ? Tout simplement que la situation n’est pas du tout celle que l’on pouvait entrevoir à la lumière des premiers éléments que nous avions recoupé. Les circonstances ayant mené à la survenance d’un tel problème étaient très particulières : il fallait qu’un professeur récupère un sujet non-détruit, qu’il le donne à ses étudiants en guise de concours blanc, et qu’un concepteur juge opportun de reprendre des éléments d’un (beau) sujet qui n’est pas tombé et qui aurait dû être détruit.

Peut-on reprocher à une banque d’épreuves de ne pas avoir pu anticiper un tel enchaînement de cas ? Certainement pas. La réaction de la BCE est tout à fait cohérente. Refaire passer une épreuve aurait été impossible temporellement, et insupportable pour les étudiants, au vu de l’impact final de cet événement. L’inscrire noir sur blanc sera bienvenu pour les prochaines années.

Sur les réseaux sociaux, nous avons vu passer de nombreuses réactions qui frisent l’ineptie, ou qui y tombent totalement dedans. Oser remettre en cause la cohérence d’une telle filière dans son ensemble, qui chaque année permet à des dizaines de milliers d’étudiants de préparer les concours de Grandes Ecoles à la rentabilité inégalée au monde du fait des opportunités professionnelles colossales à leur sortie, est tout simplement malhonnête. Pendant ces mois particuliers, nous avons pu voir une très forte résilience de l’écosystème, à l’heure où l’enseignement supérieur en France émergeait en état de déliquescence.

Saluons également l’ensemble des équipes des concours, des professeurs (qui corrigent les épreuves en un temps record !) et des membres des Grandes Ecoles qui se sont tous mobilisés de manière particulière ces derniers mois pour permettre à ces concours de se dérouler de manière normale dans une période aussi particulière. Et bravo à vous, chers étudiants, d’avoir tenu ce marathon interminable.

Il est grand temps de passer à autre chose, de se reposer sereinement en attendant les résultats… et de vivre une vie étudiante incroyable en Grande Ecole ! Vous l’avez bien mérité !