Nous vous le révélions en avant-première la semaine dernière, les oraux des écoles de commerce destinés aux étudiants des classes prépas économiques et commerciales (ECS, ECE, ECT) sont purement et simplement annulés. Cela signifie qu’ils ne seront substitués par aucun autre dispositif de sélection et, par voie de conséquence, que seules les épreuves écrites (qui sont elles maintenues à une date pour l’instant inconnue) hiérarchiseront la performance des candidats.

Une fois la stupeur de l’annonce passée, vous avez été très nombreux à nous demander tout un tas de choses à propos de cette annulation. Parmi ces interrogations, on retrouve en tête les questions relatives aux barres d’admissibilités : quel sera l’impact de l’absence d’oraux sur les barres d’admissibilités ? Une fois sa moyenne obtenue pour chaque école – qui dépend bien sûr des notes que vous aurez obtenues et des coefficients de l’école considérée – que va-t-il concrètement se passer ?

De la nature de la barre d’admissibilité

Ce premier point est fondamental pour comprendre ce qu’il va se passer cette année : une barre d’admissibilité, dans sa forme, c’est à dire une note sur 20, peut laisser penser à tort qu’être déclaré admissible dans une école s’apparente moins à la logique d’un concours que d’un examen. De la même manière qu’il faut au moins 10/20 pour décrocher un examen comme le baccalauréat, il faut a minima environ 14 (14,08 l’année dernière) pour avoir la chance de franchir les portes de Jouy-en-Josas afin d’y passer les oraux. Oui… mais non. Là où le bac ne dépend que de la performance intrinsèque de chaque candidat, la barre d’admissibilités découle en réalité de la performance de l’ensemble des candidats qui sont admissibles : ce n’est ni plus ni moins que la moyenne obtenue par le ou les derniers admissibles.

Qu’est-ce qui fait évoluer les barres d’admissibilités ?

Et en effet, on constate bien que la plupart des barres évoluent à la marge au fil des ans. Pourquoi à la marge seulement ? Simplement parce que le niveau global des candidats, quelque 10 000 chaque année, reste peu ou prou le même d’année en année. Par ailleurs, les correcteurs tentent d’harmoniser leur correction afin de gommer autant que possible les disparités de notation, de sorte que quelle que soit la difficulté d’une épreuve par rapport aux années précédentes, la moyenne et l’écart type de chacune d’elle demeurent toujours à peu près identiques.

Ainsi pour une école A qui veut laisser aux 2000 meilleurs candidats aux écrits parmi les 5000 qui se sont inscrits en décembre la possibilité de passer les oraux (donc d’être admissibles) chaque année, la barre reste toujours la même à quelques centièmes près.

En réalité, outre d’éventuels changements de coefficients, le seul facteur qui a un impact significatif sur une barre d’admissibilités est l’évolution de la sélectivité d’une école au cours du temps.

Lire aussi : les barres d’admissibilités 2019

Définir une barre d’admissibilités, un exercice de haute voltige pour les écoles

Une fois que l’on a compris cela (et donc en premier lieu que ce sont bien les écoles qui définissent leur barre d’admissibilités en fonction du nombre de candidats qu’elles souhaitent déclarer admissibles), on comprend bien que la définition de la barre d’admissibilités constitue pour nos chère business schools un choix stratégique tout à fait majeur. L’enjeu est ici triple :

Assurer un nombre de potentiels admis suffisant

Avant tout, une Grande Ecole (excepté HEC qui déclare admissibles un quota fixe d’étudiants) doit s’assurer d’avoir in fine suffisamment d’étudiants à affecter pour allouer l’ensemble de ses places en PGE réservées aux prépas.

Il faut donc pour ces écoles ne pas placer la barre trop haut [NDLR : on notera le superbe jeu de mots], au risque de ne pas déclarer suffisamment de candidats admissibles qui sont réellement prêts à rejoindre celle-ci. Surtout que les premiers candidats admissibles d’une école donnée (hors HEC) le sont probablement aussi dans des écoles plus cotées, ce qui signifie qu’ils ne la choisiront probablement pas.

Certains écoles ont pu subir des erreurs d’appréciations ces dernières années, se privant de remplir correctement, ou annihilant quasiment toute sélectivité aux oraux.

Délivrer un signal d’attractivité aux candidats

De l’autre côté, une barre d’admissibilité élevée (a fortiori qui est en augmentation par rapport aux années précédentes) envoie un signal très positif aux étudiants. Cela peut dénoter une hausse de l’attractivité de l’école, qui peut donc « se permettre » d’augmenter la barre car elle sait pertinemment qu’elle sera choisie par davantage de candidats bien classés et n’a donc « pas besoin » de déclarer admissibles des candidats qui ont moins performé aux écrits.  Une augmentation raisonnée de la barre peut donc engendrer un cercle vertueux en termes d’attractivité pour une école.

Définir le degré de sélectivité de l’oral

Enfin, de la barre d’admissibilité dépend le degré de sélectivité à l’oral (en temps normal bien sûr). En d’autres termes, plus il y a de candidats admissibles et plus l’école pourra écarter des candidats à l’oral.

C’est donc un arbitrage qui doit être effectué par toutes les business schools sélectives : privilégie-t-elle les résultats académiques ou le potentiel de « futur manager » des étudiants, mesuré notamment à travers l’entretien de personnalité ?

Quid des barres d’admissibilité 2020 ?

Cette année donc, il n’y aura pas de distinction entre la barre d’admissibilité et d’admission, qui elle dépend de la moyenne après les oraux du dernier candidat admis. On peut donc parler de « barre » tout court, puisque, cette année, barre d’admissibilités = barre d’admissions.

La question est maintenant de savoir à combien vont-elles s’élever selon les écoles. Pour HEC, c’est plutôt simple : elle correspondra à la moyenne du 400ème candidat à l’issue des écrits, moyenne qui devrait se situer entre 14,5 et 15. Ce ne sont néanmoins que des suppositions, tout en sachant que le niveau global des concours écrits devrait être plus élevé cette année en raison du temps de préparation des candidats plus importants suite au report de ces derniers. Reste à savoir si les jurys décideront d’augmenter les moyennes des épreuves ou bien de s’en tenir à des moyennes historiques, dans la mesure où une note de concours sert avant tout de mesure de performance relative d’un étudiant par rapport à tous les autres.

Pour les autres écoles, ça se complique : globalement les barres devraient être plus élevées puisqu’il n’y aura pas de sélection par l’oral qui justifie de laisser une chance à des candidats dont la performance aux écrits est un peu juste. Néanmoins l’impact sera sans doute inégal selon les écoles. D’abord, selon les dynamiques d’attractivité, certaines écoles augmenteront ou baisseront leurs exigences, comme pour une année classique.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que les oraux sont habituellement un jeu de séduction réciproque : les écoles cherchent autant à vous convaincre de les intégrer que vous de les accepter. Les écoles qui ont donc un accueil admissibles de qualité, qui « donne envie » se retrouveront donc a priori lésées par cette décision… et pourraient donc choisir de se montrer plus prudentes à l’heure de choisir cette barre.

Classement du concours des meilleurs oraux 2019

Quoi qu’il en soit, il faut bien comprendre qu’une fois les écrits passés, les dés seront jetés et la seule chose qui déterminera si vous serez finalement admis à l’école de vos rêves ou pas, ce sont les décisions de ceux qui sont classés devant.

La notion de bienveillance ne fait donc pas sens. Une école peut baisser sa barre, laisser plus de candidats la choisir lors des vœux SIGEM… il n’en changera rien. Seule une chose comptera : sa performance !