rapport jury contraction hec 2020

L’épreuve de contraction HEC 2020 est une épreuve phare du concours BCE. Elle ne dure que trois heures et il est important de bien gérer son temps. Pour bien comprendre ce qui est attendu, nous te proposons un retour sur le rapport de jury de l’année 2020 !

Tu peux retrouver le sujet de l’épreuve ici : Contraction HEC 2020 – Sujet

Tu peux également retrouver l’analyse du sujet ici : Contraction HEC 2020 – Analyse du sujet

Le rapport de l’épreuve de Contraction HEC 2020

Le sujet de Contraction HEC 2020

Il s’agissait cette année d’un extrait de la leçon inaugurale au Collège de France qu’Antoine Compagnon a prononcée le 30 novembre 2006, et intitulée « La littérature, pour quoi faire ? », désormais disponible en format poche aux éditions Pluriel (2018). Elle portait sur les pouvoirs de la littérature, que l’auteur réaffirme à une époque où ceux-ci lui paraissent de moins en moins reconnus.

Pour bien en comprendre les enjeux, le texte de Compagnon gagne à être mis en rapport avec un certain nombre d’essais sur la littérature, parus depuis la fin des années quatre- vingt-dix et qui portent sur la nécessité de ré envisager les œuvres littéraires dans une perspective éthique, à distance – notamment – du formalisme qui a occupé la critique des années soixante aux années quatre-vingt. De l’essai de Tzvetan Todorov (La littérature en péril, 1997) à celui de Vincent Jouve (Pourquoi étudier la littérature, 2010), en passant par celui de William Marx (L’adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation (XVIIIe-XXe siècle), 2005) ; ou encore de celui… d’Antoine Compagnon lui-même (Le démon de la théorie, 1998) à celui de Jacques Bouveresse (La connaissance de l’écrivain, 2008), en passant par la leçon inaugurale à la chaire internationale du Collège de France occupée en 2005-2006 par Thomas Pavel, Comment écouter la littérature (dont un extrait a été proposé dans cette même épreuve en 2008), bien des ouvrages ont attiré l’attention à la fois sur les effets délétères de l’enseignement trop formel des lettres après-guerre, mais aussi sur l’intérêt de la lecture littéraire pour la formation de la sensibilité et l’épanouissement des individus.

L’extrait qui a été soumis à la sagacité des candidats pour la session 2020 était consacré à un parcours historique des « pouvoirs de la littérature », depuis l’époque classique jusqu’à la fin du XXe siècle. Ce parcours était en même temps un rappel de la diversité de ces pouvoirs et de leur importance, notamment au moment de leur mise en concurrence avec d’autres modes de connaissance, en particulier scientifiques, que notre époque valorise bien davantage. Ingénieur de formation, Antoine Compagnon rappelle en ouverture de sa leçon qu’il est lui-même venu à la littérature pour trouver une autre forme de regard sur le monde et les êtres, auxquels certains professeurs du Collège de France l’ont intéressé. Ces éveilleurs – parmi lesquels Roman Jakobson, Roland Barthes ou Julia Kristeva – l’ont précédé dans un domaine où il n’a ensuite cessé de vérifier à quel point il permettait d’accéder de la meilleure des façons à notre modernité, à mi-chemin entre théorie et histoire littéraire.

Attentes du jury, barème

Le barème reste le même que les années précédentes. Il concerne d’abord les pénalités orthographiques : de 1 à 3 fautes, aucun point n’est retiré, puis de 4 à 6 fautes, le devoir est sanctionné d’un point ; de 7 à 9 fautes, de deux points ; de 10 à 12 fautes, de trois points ; au-delà, de quatre points.

S’y ajoutent les pénalités pour dépassement : chaque fois que le résumé dépasse d’une tranche de dix mots les limites autorisées, un point est retiré. Le résumé devant se faire en 400 mots avec un dépassement de + ou -5% autorisé (soit, entre 380 et 420 mots), il est sanctionné d’un point entre 421 et 430 mots, de deux points entre 431 et 440 mots, etc. Il en va de même pour les tranches inférieures à 380 : de 379 à 370 mots, on retire un point, etc.

Les candidats doivent indiquer le nombre de mots que compte leur devoir à la fin du résumé, sans quoi ils sont pénalisés d’un point. Même chose avec les barres, qui doivent figurer tous les 50 mots sous peine d’un point de pénalité.

Toute tentative de tricherie (sur le placement des barres ou le nombre de mots final indiqué) entraîne une pénalité supplémentaire de deux points.

Les attentes du jury sont également les mêmes que dans les précédents rapports. L’épreuve de contraction réclame à la fois des compétences d’analyse et d’expression. Les correcteurs sont ainsi d’abord attentifs à la compréhension de l’extrait, et en particulier à la restitution – aussi claire que possible – du mouvement des idées qui s’y observe. Le découpage du texte en paragraphes logiques et articulés entre eux est en particulier l’objet de notre attention. On attend des candidats qu’ils proposent un nombre de paragraphes raisonnable, suffisant pour mettre en valeur la structure de l’argumentation, mais pas trop important, au risque de la diluer. Précisons encore qu’il est bon que la taille des paragraphes ne varie pas à l’excès. On a pu constater des déséquilibres importants parfois, avec notamment des débuts de résumé utilisant trop de mots, ce qui entraînait mécaniquement des paragraphes ensuite de taille plus réduite, et souvent moins bien menés, faute de mots pour les développer.

Rappelons également que la contraction de texte est aussi une épreuve de culture générale, qui implique que ceux qui la passent aient fait des lectures et soient capables de reconnaître un certain nombre d’enjeux liés – en particulier – au monde de la connaissance, de l’art et de la littérature. Le texte évoquait un nombre important d’écrivains et de critiques, mais tous rattachés de manière méthodique par l’auteur à des périodes qui permettaient de les situer et de comprendre le sens de leur évocation. Il n’était pas nécessaire de tous les connaître, et le plan du résumé proposé fait même le choix de retirer tous les noms pour ne conserver que la structure argumentative. Toutefois, c’était aussi un texte qui valorisait les étudiants qui s’étaient intéressés un minimum, au cours de leurs deux années de préparation, au Classicisme et à ses liens avec l’Antiquité, aux Lumières et à ses acquis, au Romantisme et aux tensions qui le traversent, notamment dans le rapport au matérialisme, et enfin à la modernité et à ses interrogations, voire son scepticisme au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Aussi, qu’on ait pu lire dans une copie que Manon Lescaut fut une « auteure à succès », Lamartine une « poétesse », ou cette phrase : « Mais quel charmant hommage à Auschwitz dans SI C’EST UN HOMME de Primo Levi ! », cela semble difficile à admettre pour des élèves qui ont passé deux à trois ans en classes préparatoires…

Par ailleurs, le jury est évidemment sensible à la qualité de la rédaction, qui doit se manifester aussi bien dans le souci d’une syntaxe claire et précise, que dans la maîtrise orthographique (lexicale et grammaticale). La présentation est elle aussi importante, avec des alinéas et un découpage visuellement évident, qui facilite sa compréhension.

On ne peut donc que conseiller aux futurs candidats de prêter attention à la clarté de leurs phrases comme à la précision de leur vocabulaire, à la logique de leurs articulations comme à la connaissance de leurs conjugaisons.

Remarques de correction

Le jury a constaté, une fois encore, la grande hétérogénéité des résultats, qui oscillent entre de très bons résumés, dominés aussi bien sur le plan des idées que sur celui de l’expression, et des devoirs qui pèchent par manque de rigueur dans l’analyse, et bien entendu par des lacunes, parfois inquiétantes, au niveau de la maîtrise de la langue.

Les règles de l’épreuve sont à présent bien maîtrisées, et rares sont les résumés où on trouve un titre, ou un problème d’énonciation (« l’auteur dit que… ») Le décompte est indiqué, les barres placées correctement, la présentation conforme aux attentes. Toutefois, il reste un petit nombre de copies où le nombre de mots n’est pas indiqué, ou qui tentent de faire croire au correcteur qu’il respecte les limites proposées, alors qu’elles sont dépassées. Les pénalités ont été systématiquement appliquées, et devraient décourager ces tentatives de tricherie.

Le texte d’Antoine Compagnon était relativement lisible dans sa structure. Articulé en cinq temps, il n’a cependant pas toujours été restitué dans sa logique par les candidats, qui ont parfois peiné à en distinguer les étapes. Celles-ci étaient pourtant signalées avec clarté : on lit ainsi que « trois ou quatre explications familières du pouvoir de la littérature » vont être évoquées par l’auteur, avant qu’il ne précise régulièrement les époques dont il parle (l’époque classique, les Lumières, le Romantisme…). Il est nécessaire de bien identifier ces moments charnières, qui sont des indices précieux pour opérer ensuite un découpage cohérent avec la progression des idées. Les anachronismes ne sont pas rares non plus, qui laissent penser que la chronologie des mouvements d’idées n’est pas toujours bien maîtrisée.

Par manque de temps, mais aussi en raison de la moindre connaissance que les candidats avaient de la période moderne, la dernière partie du texte a été moins bien traitée, avec parfois de véritables contresens : « la littérature ne sert à rien et est complice des crimes », a-t-on pu souvent lire, non sans étonnement… Avec une meilleure organisation et une attention plus grande aux idées directrices présentes dans les derniers paragraphes, mais aussi, oserait-on ajouter, avec un minimum de lucidité sur ce que l’auteur peut affirmer dans un texte qui porte sur la défense des pouvoirs de la littérature, ces difficultés pouvaient néanmoins être résolues, comme un nombre non négligeable de copies l’ont montré.

Au-delà de ces aspects formels, nous constatons trop souvent que les articulations logiques entre les phrases et les paragraphes sont lacunaires : c’est la juxtaposition qui l’emporte sur la coordination, aux dépens du sens. Le jury insiste donc sur l’intérêt d’un travail en amont, tout au long des deux ans, sur les liens qui unissent les idées et les passages, pour proposer des enchaînements aussi fluides que possible. Le résumé, qui réduit le texte de départ à 10%, implique un souci réel de la restitution de son mouvement pour éviter qu’il ne s’apparente à un collage de morceaux compris plus ou moins indépendamment les uns des autres.

Nous déplorons enfin de nombreuses fautes de langue. L’orthographe est parfois maltraitée, des mots courants prenant des formes inattendues – mais malheureusement désormais récurrentes. Ainsi « vertu » prend-il souvent un –e, « langage » un –u qui laisse penser que sa forme anglaise (« language ») est confondue régulièrement avec la graphie française, « alliénation » deux –l, « tort » devient « tord », et les choses vont curieusement « de paire », « boulversement » perd son –e, mais « exigeance » gagne un –a, comme « résonnance » un –n, « parmis » un –s, « authorité » un -h et « de part » un –t, etc.

Ainsi également des constructions de certains verbes : « pallier + COD », et non pas « pallier à » ; « primer + COD », et non pas « primer sur » ; des confusions entre le verbe avoir et la préposition « à », entre « malgré que » et « bien que » ; des problèmes de syntaxe, avec des subordonnées mal articulées, des phrases complexes fantaisistes ou l’usage étrange de « car », à la place de « parce que » ; de l’accord du participe passé, pas toujours bien compris.

Il faut également faire attention à l’orthographe des noms propres, surtout si on fait le choix de les faire figurer dans le résumé. Beaudelaire à la place de Baudelaire, Sartre avec un –s, Blanchot sans son –h (!), Levi devenu Levy, ou Barthes Barthès… cela ne fait pas bien sérieux

Conseils aux futurs candidats

Les conseils restent les mêmes, et portent sur les deux principales qualités attendues dans l’épreuve de contraction de texte, à savoir la compréhension fine de l’argumentation présente dans le texte de départ, servie par une expression précise et élégante en quelques paragraphes bien articulés.

Pour cela, on peut par exemple rappeler qu’il est bon d’éviter les phrases trop longues, qui sont le plus souvent incorrectes et peu claires. Un des correcteurs relève celle-ci : « L’aliénation des idées sous le joug d’une figure productive autoritaire étant la bête noire de cette pensée, elle y retrouve l’affranchissement naturel des interdits, légitimé par un désintéressement idéologique lié à une expression revendiquée d’opposition qui lui permet d’essuyer les critiques de récupération despotique ». Comment penser que les idées de l’auteur sont ainsi restituées de manière lisible ?

On recommandera aussi aux futurs candidats d’éviter le vocabulaire abstrait, de plus en plus présent dans les copies de ces dernières années, et qui lui aussi rend difficile la lecture. Les mots techniques, les substantifs à répétition, les groupes ou propositions fondés sur des participes présents – autant d’éléments qui gagnent souvent à être remplacés par une ou deux phrases souples et au vocabulaire simple, mais précis.

Enfin, redisons une dernière fois que l’esprit du texte de l’auteur est une chose dont il est difficile de dire comment, formellement, elle doit être rendue, mais dont la compréhension est pourtant parmi les plus importantes pour bien réussir cette épreuve. Antoine Compagnon prend la défense des pouvoirs de la littérature, son intention apologétique se double d’un souci d’historien, non sans manifester parfois ses réserves à l’égard de certains auteurs qu’il évoque. Avoir bien compris ses intentions et saisi le ton qui est le sien, c’est presque essentiel pour que la contraction, ensuite, conserve un mouvement fidèle au texte de départ. Même si on ne connaît pas son travail, l’écoute attentive (comme le disait Thomas Pavel) de son propos est indispensable afin de garder dans le résumé la fidélité nécessaire à sa restitution.

Corrigé type

Plan du texte :

  • 1-8 : mise en péril de la façon traditionnelle dont « la littérature répond à un projet de connaissance de l’homme et du monde »

Alors qu’elle a longtemps été considérée comme un instrument de connaissance privilégié, la littérature a progressivement été concurrencée sur ce terrain par les sciences. L’organisation du cursus scolaire a renforcé cette opposition, à laquelle certains écrivains et mouvements ont pu tenter de réagir en rapprochant littérature et modèle scientifique. Le contexte de notre époque réclame que nous défendions à nouveau la connaissance littéraire, dont on semble avoir oublié combien elle nous aide à mieux vivre.

  • 9 : « je rappellerai (…) trois ou quatre explications familières du pouvoir de la littérature »
  • 10-15 : à l’époque classique d’abord, grâce à sa fonction de représentation, « la littérature détient un pouvoir moral »

Elle repose alors sur une double fonction, plaire et instruire. La fiction littéraire engage à faire l’expérience concrète de situations grâce auxquelles nous comprenons mieux qui nous sommes, idée encore défendue au présent.

  • 16-21 : « une deuxième définition du pouvoir de la littérature, apparue avec les Lumières et approfondie par le romantisme, fait d’elle (…) un remède »

Au moment des Lumières, elle s’avère un moyen de nous émanciper face aux pouvoirs qui nous contraignent – d’où peut-être son recul aux temps démocratiques.

A l’époque romantique, elle répond au désarroi matérialiste par la recréation d’un rapport fort entre l’homme et le monde, au risque de parfois se substituer à ce dernier.

A la fin du siècle, ses pouvoirs sont mis au service de la formation du citoyen, non sans résistance de la part des milieux littéraires eux-mêmes.

  • 23-29 : « Suivant une troisième version du pouvoir de la littérature, celle-ci corrige les défauts du langage ».

A l’époque moderne, on attend des écrivains que leur travail sur le langage nous libère de ce que celui-ci, sous ses formes communes, dissimule de la richesse de l’expérience. Là où la philosophie demeure liée aux systèmes, la littérature échappe aux formes arrêtées qui menacent les discours.

  • 30-34 : « depuis Baudelaire et Flaubert », tentation de « la moindre valeur d’usage de la littérature ». Cette idée trouve elle-même ses limites.

Contre un usage jugé excessif de ses pouvoirs, une tradition récente a pu désirer la rapporter seulement à elle-même, en faisant un plaisir indépendant de l’action sur le monde. Quoiqu’on l’ait même délégitimée pour son impuissance face à la déshumanisation à l’œuvre au XXème siècle, des auteurs n’ont pourtant cessé de montrer sa capacité à répondre à l’horreur.