Avec Sarah Abdesselam, nous avons l’objectif de vous fournir dix clés d’analyses de la question environnementale sous deux aspects différents. Il y aura un aspect très classique, qu’il faut savoir manier et que vous verrez très certainement en cours. Puis un second, plus original peut-être et qui vous permettra d’élargir votre réflexion à ce sujet, voire même de l’inscrire dans une perspective qui dépasse la seule question environnementale. Enjoy!
5. Portée et limites du rôle de l’Etat dans l’émergence d’une croissance verte durable
Qu’est-ce que la croissance verte ?
Elle désigne l’intégration de contraintes et d’objectifs environnementaux à la croissance économique. L’OCDE défend l’idée d’une croissance verte inclusive, qui non seulement prend en compte la question environnementale mais également la recherche de bien être social, ce qui passe par la volonté d’équité sociale.
Des premières mesures de la part des Etats suite à la crise de 2008
Il apparaît que la question économique supplante celle écologique en cas de crise économique. Or, ces notions ne sont pas diamétralement opposées. Pour J.Sachs, au contraire, la sortie de crise de 2008 doit nécessairement passer par l’impulsion d’une transition énergétique par les Etats.
“Le monde ne sera pas véritablement sorti de la crise tant que les gouvernements n’auront pas mis en place des politiques d’investissement en direction des énergies vertes.” J.Sachs (2009)
C’est ce qui a amené B.Obama en 2008 à parler de “Green New Deal” au cours duquel entre 2008 et 2009, 15% du plan de relance suite à la crise est accordé à la croissance verte. En effet, une sortie de crise peut-être facilitée par la création d’emploi dans le secteur des énergies renouvelables, mais également le financement d’innovation dans le domaine vert. Une levée de fonds publics s’est opérée dans le domaine de l’innovation verte (énergie éolienne, solaire…), ainsi les États espèrent générer des effets multiplicateur et des incitations dans le domaine privé.
Les limites auxquelles pourrait se heurter une action de l’Etat favorable à l’environnement
- Risque de surestimation de la croissance verte : existe-t-il une forte rentabilité dans ce domaine ? Investir dans les équipements verts a un coût assez élevé, puisqu’il implique dans la plupart des cas de rénover entièrement le fonctionnement des entreprises. De plus, les perspectives de rentabilité ne peuvent se manifester qu’à moyen ou long terme. L’Etat peut ainsi être confronté à un “paradoxe de Solow vert” : on innove dans le domaine environnemental mais les gains de productivité sont faibles et la croissance également.
- L’action de l’Etat peut s’avérer inefficace si elle ne se traduit pas par des incitations qui modifient effectivement le comportement des consommateurs à adopter des pratiques qui rentabilisent les investissements verts effectués. Il y a en effet un risque de formation d’une “bulle verte”, du fait d’une inadéquation de l’offre avec la demande. Pour que la croissance verte puisse avoir lieu, il faut une adaptation de la demande à un nouveau mode de consommation. Or, consommer bio, réduire sa consommation d’eau ou acheter une voiture hybride nécessitent un changement d’attitude de la part du consommateur qui ne peut se faire qu’à long terme, s’il n’y a pas d’incitation massive de la part de l’Etat pour que ce changement s’opère.
- Et enfin il est possible que l’Etat ne dispose pas d’assez de moyens nourrir une croissance verte. Les budgets de R&D publics ont diminué au cours des dernières années – une tendance attribuable en partie à la dépréciation du rôle de l’Etat dans la promotion de l’innovation et de la croissance, et plus récemment au politique budgétaire d’austérité suite à la crise financière de 2008. De plus, la part attribuée aux recherches environnementales a aussi diminué : elle ne représente plus que 4% du budget de R&D des États-Unis, contre 11% en 1981. Concernant l’UE, ce n’est pas avec un budget aussi restreint (1% du PIB communal) qu’elle va devenir leader dans le domaine des énergies renouvelables, malgré ses ambitions affichées en la matière.