Avec Sarah Abdesselam, nous avons l’objectif de vous fournir dix clés d’analyses de la question environnementale sous deux aspects différents. Il y aura un aspect très classique, qu’il faut savoir manier et que vous verrez très certainement en cours. Puis un second, plus original peut-être et qui vous permettra d’élargir votre réflexion à ce sujet, voire même de l’inscrire dans une perspective qui dépasse la seule question environnementale. Enjoy!
6. Un point sur le lobbying

Vous ne l’ignorez pas et cela figure probablement dans votre cours : derrière les questions de développement durable se cachent des intérêts économiques qui tentent de freiner la transition énergétique de certains pays. Le but ici est de vous communiquer quelques données précises à ce sujet.
Comment parler du lobbying en rapport avec l’environnement ?
En 2008, 90 millions de dollars ont été dépensés aux États-Unis en lobbying en matière de climat (100 000 $ par parlementaire). Une étude du Center for Public Integrity dénombre plus de 4 lobbyistes par membre du Congrès sur ce thème. Les lobbyistes opposés à toute modification de la législation sont 8 fois plus nombreux que les autres…
Dans ce même pays, les intérêts des lobbys sont particulièrement bien représentés dans le parti des Républicains. Selon Sachs (2015), ce parti nie intentionnellement le réchauffement climatique car il est principalement financé par les géants de l’industrie pétrolière.
Comment y remédier ?
- La solution proposée par Stigler (1971), d’institutionnaliser le lobbying, ne semble pas porter ses fruits. En effet, se rattachant à une analyse microéconomique, le lobbying est fondamentalement utile pour l’économie car il permet la transmission d’informations. Donc il ne faudrait pas purement et simplement le supprimer de l’économie : il faudrait l’institutionnaliser, pour qu’il ne soit pas incontrôlable. Or on le voit bien, l’institutionnalisation politique du lobbying n’a servi qu’à lui donner plus d’importance aux Etats-Unis où le Congrès (majoritairement composé par les Républicains) bloque toute loi interférant avec les intérêts de l’industrie pétrolière.
- Evidemment, la mainmise des lobbys pétroliers est avérée pour la politique américaine car les cadres politiques restent préoccupés par le fait de se faire réélire, chose qui ne serait pas possible sans l’immensité des fonds apportés par les géants du secteur pétrolier. C’est pour cela que Sachs suggère de retirer la gestion des questions environnementales du pouvoir des politiques. Pour lui, ces questions doivent être détachées d’une gestion s’inscrivant dans le court terme (le temps d’un ou plusieurs mandats). A l’image des banques centrales qui ont obtenu leur indépendance avec succès, les gouvernements devraient donner leur autonomie aux agences en charge des questions environnementales pour qu’elles puissent se construire pour le long terme.
- Et si on voyait plus grand ? Déjà en 2002, Stiglitz pointait cet accaparement de la question environnementale par les intérêts privés, suggérant qu’il faudrait réformer les institutions mondiales.
“Aujourd’hui la mondialisation ne marche pas pour l’environnement, la stabilité économique et la pauvreté. Le problème, c’est la manière dont les institutions économiques mondiales ont contribué à fixer des règles dans l’intérêt des pays industrialisés et des intérêts privés en leur sein”. — Stiglitz
Cela laisse à penser qu’il faudrait désormais penser l’émergence d’une organisation mondiale de l’environnement, à l’image de celle qui existe actuellement pour le commerce.