Découvrez une copie d’ESH Ecricome 2016 notée 19/20, sur le sujet : Depuis les années 1980, la mondialisation est-elle responsable du chômage dans les pays avancés ?

I- Appréciation

Une analyse du sujet (définition des termes, conceptualisation, questionnement) excellente. Un plan possible qui répond bien au sujet. Dans le contenu, de très bons arguments solidement étayés par de nombreuses références précises et pertinentes. Le devoir est cependant pénalisé par plusieurs fautes d’orthographes, notamment à la fin du devoir et de petites erreurs théoriques.

II- La copie

« Le chômage résulte bien plus du manque d’efficacité de nos politiques que de la mondialisation des années 1980 » disait déjà Paul Krugman en 1996 dans La mondialisation n’est pas coupable. Ainsi, à travers cette citation, nous pouvons dire que le passage d’un chômage conjoncturel à un chômage structurel ne serait pas le résultat de la mondialisation mais à cause d’autres facteurs.

Dans les années 1980, la plupart des pays développés à économie de marché (PDEM) ont connu la mondialisation et le passage à un chômage de masse (supérieur à 7% de la population active). Michalet en 2002 définit la mondialisation dans La mondialisation que ayant une triple nature. Elle peut être commerciale (une hausse du taux d’ouverture des pays et des échanges), productrice (hausse des IDE) ou encore financière. De plus, la mondialisation se caractérise par une baisse de la réglementation nationale lorsque peine à émerger une gouvernance supra)nationale. Nous pouvons noter que durant les années 1980’, cette mondialisation sera facilitée par les NTIC et la révolution du fret aérien puis nautique. Le chômage, lui, est une notion bien plus difficile à définir. Le Bureau International du Travail (BIT) le définit comme étant l’ensemble des personnes sans emploi, en recherche active et disponible pour travailler. Le pôle emploi (2008) lui le à travers cinq catégories, mais celle qui est le plus souvent reprise par les médias est la A, à savoir les personnes inscrites à Pôle Emploi et sans emploi.

Ainsi, ces définitions ne prennent pa en compte les personnes à la frontière du chômage, ce que Freyssinet dérivait en 1984 dans Le Chômage à travers le « Halô ». Enfin, nous disposons de deux grilles d’analyse du chômage, la classique jugeant que le chômage est volontaire et résulte du fait que la désutilité marginale du travail est supérieure au salaire (Marshall en 1890 dans Principe d’économie politique) et keynésienne, jugeant que le chômage est involontaire et résulte d’un manque de demande effective de la part des entreprises (J.M Keynes en 1936 dans La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie).
La question de la mondialisation « coupable » de faire augmenter le chômage dans les PDEM est récurrente dans les sciences économiques et fait encore l’objet de plusieurs débats comme par exemple la hausse du chômage structurel, les exportations et importations, la main d’oeuvre peu qualifiée victime des pays à bas coûts ou encore les délocalisations.
Nous pouvons donc nous demander si, depuis les années 1980, la mondialisation est responsable du chômage dans les PDEM ?
On peut dire que la mondialisation est coupable d’une hausse du chômage dans une certaine mesure (I) mais que cette hausse est également le reflet d’autres facteurs, notamment en ce qui concerne les politiques économiques (II). Cependant, l’Etat a des outils pour enrayer ce chômage de masse et doit revoir son modèle (III).

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La situation actuelle des PDEM et l’évolution du commerce international peut expliquer le chômage (A), d’autant que la mondialisation remet en cause les outils Keynésiens de lutte contre le manque d’emploi (B). Dés lors, la mondialisation semble créer des inégalités et du chômage (C).

Bien que aujourd’hui, les taux de chômage soient différents entre les PDEM (France, environ 10,5%, USA, environ 5,4%, Allemagne, environ 4,5%), on peut remarquer que après le second choc pétrolier (1979) et l’entrée dans la seconde mondialisation (environ les années 1980’), le chômage de masse explose dans la totalité des PDEM. La France va voir son taux de chômage passer de moins de 3% durant les Trente Glorieuses à plus de 7%. Cela va marquer le début du chômage de masse dont la France n’arrive pas à sortir, contrairement à l’Allemagne ou aux USA. Dans l’ensemble, les PDEM seront touchés par cette seconde mondialisation qui va faire augmenter la compétitivité prix, parallèlement on assiste à l’ouverture de la chine (pays à bas coûts) dés 1978 et à la brutale augmentation des IDE et donc, par définition, des délocalisations. Ainsi, c’est dans ces années que la multinationale américaine Nike va délocaliser et sous-traiter (IDE) ses productions ce qui fait que, aujourd’hui, Nike n’emploi plus que environ 10 000 personnes aux USA, essentiellement etc Recherche et Développement, mais ne possède plus aucune usine dans le monde.
Mais la mondialisation va rendre les outils macro-économiques obsolètes. Le dilemme inflation / chômage est remis en question, et l’ouverture des économies comme la circulation des capitaux rendent obsolètes les multiplicateurs que Keynes avait théorisé dans son ouvrage phare en 1936. Ces effets multiplicateurs étaient alors les principaux outils dans la lutte contre le chômage. Effectivement, avec le chômage, à la propension marginale à consommer (c) vient s’ajouter la propension marginale à importer (m). Des lors, « le coefficient de variation de l’emploi à la suite d’une variation de l’investissement, des dépenses publiques et de la fiscalité « perd en efficacité. (1 / (1 – c)) => (1 / (1 – c + m). Or cet outil était utilisé avec comme principale finalité le plein emploi. Ainsi les politiques feront fausse route après 1980 en continuant de mener des politiques de relance budgétaire. La mondialisation et notamment la mondialisation financière, en augmentant la propension marginale à importer (m) fait baisser l’efficacité des politiques économiques Keynésiennes et fait par la même occasion augmenter le chômage. C’est par exemple ce que l’on peut voir en 1980-1982 avec le plan de relance Mauroy qui se traduira par un échec. P. Mauroy dira ainsi que « Les allemandes sont venus picorer dans nos mains les fruits de la relance ». On peut voir à travers cet exemple l’obsolescence de la pensée keynésienne. C’est pourquoi le 19,20 et 21 Février 1976 dans Le monde, Jacques Rueff publiera La fin de l’ère keynésienne et parle de « la seconde mort de Keynes ».
« Les tenants de la pensée économique faisaient de la mondialisation l’alpha et l’oméga (…) mais le bilan du protectionnisme n’a jamais clairement été établi, la mondialisation semble avoir réussi à ceux qui n’en respectaient pas les règles » disant P. Artus et O. Pastré dans Sortie de crise en 2009. Effectivement dans cet ouvrage, les deux auteurs remarquent que les pays qui, aujourd’hui sont puissants et ont relativement peu de chômage (USA, Allemagne par exemple) ont toujours eu une tradition protectionniste. L’Allemagne étant influencé par les pensées de F.List qui publiait en 1841 son ouvrage Système d’économie politique et de l’impôt. Les USA, eux, sont influencés par les pensées de Hamilton et de son ouvrage de 1791, Rapport sur les manufactures. Artus et Pastré partagent dans cet ouvrage que la mondialisation et surtout la concurrence prix des pays à bas coûts comme la Chine, le Pakistan, l’Indonésie etc on entraîné une multitude de fermetures d’usines et que la mondialisation est coupable, d’ou la préférence des USA et de l’Allemagne à avoir des taux d’ouverture de 15 et 16% en 1980 contre 24 et 29% pour la France et le Japon. Trente ans plus tard, nous voyons les divergences de taux de chômage dans ces quatre pays.

Ainsi, le chômage semble résulter de la mondialisation, du moins pour les personnes faiblement qualifiées ce qui nuance le bilan et amène d’autres pistes de réflexions sur les causes réelles du chômage.

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On remarque empiriquement l’impact limité de la mondialisation sur l’emploi (A), en rélaité, la hausse du chômage viendrait d’avantage des politiques conjoncturelles et structurelles non appropriées (B) et d’autres facteurs comme les vulnérabilités, le progrès technique ou encore l’imperfection du marché du travail (C).

D’après M.Bartet en 2007 dans L’économie Française, la mondialisation n’aurait supprimé « que » 13000 à 15000 emplois, majoritairement peu qualifiés. J.M Cardebat, lui, dans La mondialisation et l’emploi (2003), dit que la mondialisation a été profitable à l’échelle mondiale, elle a permit à plus de 500 millions de personnes de sortir de la pauvreté la plus abjecte, mais elle a eut un impact négatif à l’échelle nationale en supprimant les emplois peu qualifiés dans les PDE. Enfin, PN Giraud dans Mondialisation, émergence et fragmentation fait la distinction entre emploi « nomade » et « emploi sédentaire ». L’emploi sédentaire est un emploi qualifié et non sujet à la mondialisation, lorsque un sédentaire perd son emploi, un autre sédentaire le récupère dans un PDEM ce qui ne fait pas augmenter le chômage. Cependant, l’emploi nomade (peu qualité) étant sujet à la mondialisation, lorsqu’un nomade d’un PDEM perd son emploi, c’est un autre nomade d’un pays à bas coûts qui le récupère ce qui fait augmenter le chômage dans les PDEM. Ainsi, le bilan est à nuancer, l’impact de la mondialisation sur le chômage est d’autant plus fort qu’il touche les outsiders et non les insiders.
Outre le fait que la mondialisation n’ai qu’un impact modéré sur l’emploi, la hausse du chômage semble résulter des politiques économiques, encore fortement keynésienne, alors qu’il faudrait désormais adopter une nouvelle vision. De plus, pendant que les USA menaient des policy mix (Tax recovery de 1981) et faisaient réduire le chômage, la France a mené un combat contre l’inflation, en menant des politiques de rigueur dans les années 1980’-1990’ alors même que son chômage structurel explosait. C’est exactement ce que décrit Jean Paul Fitoussi dans Le débat interdit (1995) et dans Le théorème du lampadaire (2015). Il parle d’un « chômage Wickesien » en, disant que les pays développés ont fait deux erreurs majeures, continuer les politiques keynésiennes alors même que « la stagflation des années 80’ devait contribuer à remiser au placard les enseignements de la théorie keynésienne » et la lutte contre « l’inflation fantôme ». Ainsi il reprend l’idée de Krugman (1996, La mondialisation n’est pas coupable) en disant que le réel coupable, ce sont les Etats qui étaient incapable de cibler les bonnes priorités depuis les années 1980’.
Enfin, ce sont les années 1980’ et la « seconde mort de Keynes » qui vont permettre d’affirmer que la mondialisation n’est pas pleinement coupable. Le progrès technique, un temps point du doigts par Ricardo en 1817 dans le chapitre 31 intitulé «  Des machines », va être innocenté par J. Fourastié en 1979 et par Alfred Sauvy en 1980. C’est désormais l’imperfection des marchés qui est point du doigt. E. Malinvaud dans le Réexamen de la théorie du chômage (1980) va nier l’existence du commissaire priseur Walrasien sur le marché et va dire que le chômage keynésien et classique peuvent désormais coexister dans les PDEM. La NEK va pointer du doigts les imperfections du marché du travail (Salop en 1979 avec les salaires d’efficience, Akerlof en 1982, Snower et Lindbek avec l’analyse insider-outsider) puis la NEC montre le rationalisme des agents ce qui provoque un chômage frictionnel lié à l’appariement Offre / Demande qui vient s’ajouter au chômage conjoncturel et structurel. Enfin, Stigler (NEC) analysera le Job Search ce qui peut expliquer la persistance du chômage en France et sa diminution aux USA et en Grande Bretagne. Alors que la France mène des politiques passives (cause du chômage pour Jacques Rueff en 1931 dans Le salaire d’assurance, cause du chômage permanent), les USA eux mènent une politique active dés 1985 avec l’Earned Income Tax (EITC) qui est un impôt négatif pour inciter à prendre un emploi et surtout la création de Job Centers pour pallier au chômage frictionnel. La Grande Bretagne, elle, signe en 1986 le WTC, le Work Tax Credit qui est comme l’EiTC un impôt négatif qui incite plus que décourage à prendre un nouvel emploi. Dans les deux pays, ces mesures vont permettre une réduction du chômage alors qu’en France il explose …

Ainsi, l’impact de la mondialisation est à nuancer : bien que réel, il n’est pas le seul responsable. L’imperfection des marchés et la mise en place de politiques inappropriées ont fait exploser le taux de chômage dans les PDEM. Dés lors, l’Etat doit trouver un moyen de bénéficier de la mondialisation et réduire son chômage.

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L’Etat doit alors s’adapter à la mondialisation (A) et mieux définir ses cibles du chômage pour agir activement sur celui ci (B). Aujourd’hui, certaines propositions existent, changer et adopter un modèle capable de renouer avec la croissance à l’échelle internationale et réduire le chômage (C).

Certains pays développés comme les USA et la Grande Bretagne, en menant des politiques d’emploi actives (75 et 86), ou encore l’Allemagne en 2004 en signant les lois Hartz ont réussis à faire baisser le taux de chômage qui est d’environ 5% pour ces trois pays. La France qui a mené des politiques actives en 72 (interim et CDD), en 98-2000 (loi Aubry I et II), en 2008 (loi TEPA) mais qui a majoritairement mené des politiques passives, a vu son chômage augmenter pour atteindre un pic en Novembre 2015, 11,2% de la population active. Pour pallier à ces problèmes, l’Etat doit protéger ses emplois nomades (pour reprendre l’expression de PN. Giraud), à savoir les emplois peu qualifiés et faire des politiques non pas conjoncturelles mais structurelles d’envergure. K. Ohmae dans The Bordeless world (1990) disait que la nature des capitaux n’avait pas d’importance mais qu’il fallait mener des politiques fiscales, d’éducation, et d’industrialisation pour mettre en place un environnement propice, attirer les capitaux et réduire le chômage. L’Irlande par exemple l’a compris en baissant drastiquement sa fiscalité sur les entreprises à 12,5% en 2009, l’Angleterre en Mars 2016 a baissé sa finalité de 19 à 17%. La France, elle, reste à 33%, le plus faut taux d’Europe. Voici un moyen intelligent de profiter de la mondialisation tout en réduisant le chômage, rendre le territoire attractif et compétitif dans une logique d’industrialisation bottom up.
De plus, l’Etat doit mieux cibler ses intérêts et ses cibles pour réduire le chômage via les enseignements de Layard, Jackman et Nicker en 1991, trois économistes de la London School of Economics. Ils ont modélisé le modèle WS-PS (Wages Setting – Price Setting) avec WS, la fixation des salaires entre syndicates et entreprises, d’ou une certaine rigidité à la baisse et PS, la fixation des prix que fait l’entreprise par rapport au cout des salaires et par rapport au marché des biens et services. Cette synthèse nous montre que nous pouvons réduire le chômage en rendant le marché du travail plus flexible d’ou une baisse des salaires et une baisse du chômage (WS se décale à gauche). Ou alors nous pouvons mener une politique de concurrence qui tue les rentes de monopoles et profite ainsi aux salariés, ce qui provoque un décalage de PS à gauche (cf graph 2).

Ainsi, mener des politiques actives combinées à des politiques structurelles d’industrialisation et de concurrence devrait permettre de réduire le chômage tout en restant actif dans la mondialisation.

Ainsi, des solutions existent pour les PDEM pour concilier baisse du chômage et mondialisation. Car les deux peuvent aller dans le même sens si l’on applique les bonnes politiques. En témoigne l’Allemagne dont le taux d’ouverture est d’aujourd’hui environ 40% et qui voit son chômage baisser de manière durable. Il faudrait des lors en France « Changer de modèle » selon P. Aghion, G.Cette et E.Cohen dans Changer de modèle en 2014. Ces trois économistes militent pour prendre un tournant idéologique radical, arrêter avec le keynésianisme hydraulique qui fonctionne aux USA mais pas en France et de mener des politiques d’avantage structurelles qui conjoncturelles. Pour eux, le meilleur choix à faire c’est d’adopter un « Green new deal » qui ferait à la fois fonctionner le commerce international et ne provoquerait pas nécessairement de replis protectionnistes mais qui provoquerait la création d’un grand nombre d’emplois. C’est également la théorie de Michel Aglietta en 2013 qui écrit Un new deal pour l’Europe.

Ainsi, l’Etat a des moyens d’action contre le chômage. Cette lutte n’irait pas nécessairement à l’encontre du commerce international. L’Etat doit absolument agir sur toutes les composantes de la fonction Cobb Douglas ( y = a.f(L;K) ) pour réduire ce chômage structurel qui ne cesse d’augmenter en France, c’est ce que les autres pays développés ont fait dans le passé.

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Pour conclure, nous pouvons dire que la mondialisation des années 1980 a eu des effets limités sur le chômage des PDEM. SI il est vrai qu’une délocalisation est un IDE, un IDE n’est pas nécessairement un investissement direct à l’étranger. Ainsi, l’explosion des IDE depuis 1980’n’a pas, à chaque fois, détruit des emplois. Cependant, celle ci à clairement impact l’emploi des outsiders et des personnes peu qualifiées sur le marché du travail. L’une des contradictions dans les questions de la mondialisation et du chômage est le fait que les USA et l’Allemagne ont toujours vite retrouvé le plein emploi ce qui n’est pas le cas de la France. Des lors, d’autres causes sont à avancer, comme par exemple les mauvais choix des politiques contre « l’inflation fantôme » et l’imperfection des marchés. Il est vrai que l’imperfection des marchés a un rôle très important dans l’explosion du chômage structurel dans les PDEM. Ainsi, l’Etat doit mener des politiques afin de concilier les exportations et les importations. Cela passera nécessairement par des politiques d’offre mais aussi par des politiques actives audacieuses. Quoi qu’il en soit, au coeur des PDEM, « la mondialisation a fait des gagnants et des perdants » pour reprendre une citation de Michalet dans son ouvrage La mondialisation, la grande rupture (2007). Paul Krugman reviendra d’ailleurs lui même sur ses mots en contredit son ouvrage de 1996, effectivement, l’arrivée de la Chine a changé la donne et « la mondialisation serait coupable » d’augmenter les inégalités et le chômage au coeur des PDEM, bien qu’elle ne soit pas à elle seule responsable.